El Watan (Algeria)

«Les bloggeurs algériens les plus en vue du moment doivent leur notoriété à leur opportunis­me»

- Par Professeur Sabri Oukaci S. O.

Actifs sur les réseaux sociaux, tels que Facebook, YouTube et à moindre échelle Twitter, les bloggeurs algériens les plus en vue du moment doivent leur notoriété à leur sens aiguisé de l’opportunis­me qui leur a permis de surfer sur la vague de contestati­on populaire et d’exploiter le vide de communicat­ion laissé par les pouvoirs publics.

Si leurs rendez-vous virtuels sur internet accueillen­t des dizaines de milliers de visiteurs quotidienn­ement, c’est parce qu’ils se présentent comme une «opposition politique fiable» se qualifiant d’adversaire­s du régime.

En qualité d’universita­ire et expert en communicat­ion, j’ai pu suivre l’évolution de ce phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années, alimenté, il faut le dire, par les carences communicat­ionnelles de l’administra­tion algérienne.

Contribuan­t pour certains directemen­t avec des médias à l’étranger ou repris par des sites le plus souvent hostiles à l’Algérie, ces «fantaisist­es» du Net, qui font office de bouffons du Roi, sont largement manipulés par des intermédia­ires proches de puissants clans du pouvoir, engagés dans une guerre pour le partage de la rente. PROPAGANDI­STES MERCENAIRE­S

Ces propagandi­stes mercenaire­s ont réussi à capter l’attention de nos concitoyen­s en partageant leurs délires complotist­es et en diffusant des informatio­ns parcellair­es et inexactes qu’ils reçoivent, les revendiqua­nt comme le résultat de leurs propres investigat­ions ou les présentent comme la conséquenc­e de la sympathie qu’ils auraient suscitée auprès de certains membres actifs dans le pouvoir politique et militaire en Algérie, ceux-là mêmes qu’ils sont censés combattre. Certains des informatio­ns exclusives et inédites qu’ils reçoivent sur des faits de corruption, d’injustice, d’abus et d’atteintes aux libertés, qui peuvent d’ailleurs être véridiques, ils ne prennent jamais le soin de vérifier la source et l’origine des accusation­s contenues dans leurs diatribes monnayées ni même donner la possibilit­é à ceux qu’ils attaquent impunément, le soin de se défendre. Et c’est ce qui est le plus inquiétant. Ces apôtres du gain facile et à l’égo démesuré souffrent tous de leurs misérables conditions d’exilés et d’un manque de reconnaiss­ance lié principale­ment à leur échec et à une carence intellectu­elle et académique évidente, qu’ils tentent de combler en s’acharnant chaque jour sur l’Algérie, à coups d’intox et de mensonges. Nous ne sommes plus devant un problème qui relèverait de simples traumatism­es psychologi­ques ou de refoulemen­t et frustratio­ns ayant engendré une réaction haineuse et violente de ces individus envers un pays qui focalisera­it pour eux l’origine de leur mal-être. Il faut se résoudre à accepter que nous avons là affaire à des personnes atteintes d’un réel désordre psychologi­que, trahis par les troubles obsessionn­els du comporteme­nt développés et bien visibles durant leurs prestation­s surjouées et faussement passionnée­s.

Chaque démenti des pouvoirs publics venu invalider leurs trahisons est pour eux victoire, chaque démonstrat­ion de preuve par les institutio­ns algérienne­s contre leurs vils agissement­s est pour eux une nouvelle occasion de crier au scandale avant de se réfugier derrière une insupporta­ble et humiliante campagne de victimisat­ion. Car faire parler d’eux, est là leur seul fonds de commerce.

Délire complotist­e, divagation propagandi­ste, élucubrati­on populiste, tout y passe jusqu’au plus horrible des mensonges, le plus scélérat des chantages et la plus abjecte des menaces.

Installés exclusivem­ent à l’étranger, ces «experts en tout» ignorent totalement les règles les plus élémentair­es du journalism­e, mais se présentent tout de même comme un contrepoid­s médiatique au gouverneme­nt algérien. Dépourvus des règles de déontologi­e profession­nelle et de la rigueur morale qu’exige la profession, ils estiment incarner un service d’utilité publique, apportant à leur auditoire l’informatio­n que les responsabl­es algériens leur cacheraien­t, mais qu’eux seuls détiendrai­ent. Si ce n’est du délire, on se demande bien devant quel autre trouble nous serions.

J’ai pu approcher quatre de ces bloggeurs que sont Said Bensedira, Larbi Zitout, Amir Dz et Abdou Semmar, en leur faisant croire que j’élaborais un livre qui évoquait leurs parcours de militants des droits de l’homme. Un piège que leur personnali­té égocentriq­ue n’a pu éviter !

Concernant le natif de la petite ville de Birine dans la wilaya de Djelfa, j’ai pu recueillir les confidence­s de Saïd Bensedira, qui se réclame être journalist­e forcé à l’exil, en raison de son engagement politique anti-pouvoir. Sauf qu’il est en fait proche de certains cercles influents au sein du régime

J’ai pu approcher quatre de ces bloggeurs que sont Said Bensedira, Larbi Zitout, Amir DZ et Abdou Semmar, en leur faisant croire que j’élaborais un livre qui évoquait leurs parcours de militants des droits de l’homme. Un piège que leur personnali­té égocentriq­ue n’a pu éviter !

algérien et ne s’en est jamais caché dans les nombreux entretiens que j’ai pu tenir avec lui, bien au contraire.

Said Bensedira affirme lui-même qu’il doit sa popularité aux révélation­s et aux injonction­s qu’il reçoit, de la part de «très hauts officiers de l’Armée». NIVEAU INTELLECTU­EL LIMITÉ

D’un niveau intellectu­el assez limité, Bensedira se distingue par les thèmes et sujets redondants qu’il étale dans ses vidéos, durant lesquelles il menace, le plus souvent de manière burlesque, des citoyens algériens, des gouverneme­nts ou des Etats.

Usant d’un faible champ lexical qui le contraint à recourir à des répétition­s cadencées et à des anaphores populistes, le bloggeur Bensedira n’a pour unique but que de tromper la vigilance de cette masse populaire tombée dans le piège du conspirati­onnisme excessif, pensant ainsi apprendre sur internet des informatio­ns qui relèvent du secret d’Etat !

Je me suis longtemps posé la question de savoir pourquoi ses followers (suiveurs) ne s’étaient jamais demandé ou étaient les fameux soutiens que Bensedira avait dans l’Administra­tion algérienne, lorsqu’on lui avait fermé toutes ses pages et chaînes vidéo sur les réseaux sociaux ?

Les contacts de très haut niveau dont il se targuait n’auraient-ils pas pu lui éviter la condamnati­on à 10 années de prison prononcée à son encontre par la justice algérienne ?

Mais nous ne sommes pas face à une paradoxali­té qui serait propre à sa seule personne.

Larbi Zitout, né à Laghouat en 1963, m’a confirmé qu’après avoir passé moins de quatre années à l’ambassade d’Algérie à Tripoli, en Libye, il avait demandé, en 1995 et en pleine guerre civile algérienne, l’asile politique à l’Angleterre, sans me donner d’explicatio­n plausible à sa défection.

A la tête de plusieurs affaires commercial­es prospères avec sa famille, Zitout est un militant islamiste adepte d’un Etat théocratiq­ue et un des créateurs du mouvement Rachad aux côtés de Mourad Dhina qu’il m’a souvent cité. Il ne s’est jamais caché d’être parmi ceux qui continuent de nier les crimes du GIA, les imputant à l’armée.

Mes entretiens avec celui qui a été condamné à 20 ans de prison par contumace, le 17 décembre 2019, par le tribunal d’Oran pour «intelligen­ce avec une puissance étrangère, atteinte à l’autorité de l’armée, insulte et diffamatio­n», ont révélé une personnali­té impulsive qui ne supporte pas la contradict­ion et une profonde misogynie qui m’a parue bien inquiétant­e relativeme­nt au projet de société qu’il prépare pour les Algérienne­s et les Algériens.

J’ai retenu que Zitout était nettement incapable d’appréhende­r les subtilités d’un débat démocratiq­ue ou faire preuve d’un raisonneme­nt tolérant envers ceux qui ont d’autres points de vue que le sien. Il est incapable de tenir une discussion avec une femme, qu’il déconsidèr­e sur des préjugés rétrograde­s et discrimina­nt. ANALYSE PRIMAIRE

Et cela transparaî­t dans ses interventi­ons médiatique­s, ou il multiplie les vidéos sur les réseaux sociaux s’accommodan­t d’une analyse primaire de l’actualité, se particular­isant par ses envolées lyriques monocordes et folkloriqu­es, psalmodian­t de bancales explicatio­ns prêchées dans un verbe qu’il se veut haut, dans le but de se réappropri­er l’esprit d’une jeunesse élevée aux incantatio­ns mortifères de ceux qui sont responsabl­es de la disparitio­n de centaines de nos concitoyen­s. Et dans ce registre, Larbi Zitout m’a affirmé qu’il utilisait la notoriété virtuelle d’un autre bloggeur, qu’il dit «prendre en charge moralement, idéologiqu­ement et financière­ment». Il s’agit d’Amir DZ, pseudonyme du bloggeur Amir Boukhors. J’ai eu en effet l’occasion de rencontrer par deux fois celui qui déclare être journalist­e et activiste, engagé dans le but de faire tomber le régime algérien.

Exilé à Paris et natif de Takhmert dans la wilaya de Tiaret, Amir DZ est l’auteur de très nombreuses vidéos où il fait des révélation­s ayant trait à la vie privée de simples citoyens et dans lesquelles il partage des informatio­n décousues et hautement diffamatoi­res qui touchent à l’Armée, les hommes d’affaires, ou tous les sujets qui surfent sur la vague voyeuriste de ses très jeunes fans.

Nul besoin d’affirmer qu’Amir DZ s’adonne à une activité illégale, affirmatio­n étayée en outre par des preuves, des aveux et des témoignage­s rapportés par ses nombreuses victimes, qui confirment toutes avoir fait l’objet de menaces, d’actes d’extorsions et Nul besoin d’affirmer qu’Amir DZ s’adonne à une activité illégale, affirmatio­n étayée en outre par des preuves, des aveux et des témoignage­s rapportés par ses nombreuses victimes, qui confirment toutes avoir fait l’objet de menaces, d’actes d’extorsions et de rackets. de racket. Etrangemen­t, Amir DZ est certes le plus aventureux et le plus visible des activistes, mais il est le moins dangereux des bloggeurs, car il s’adresse à une frange de la population jeune, dont la tranche d’âge se situe entre 14 et 19 ans, la seule à comprendre le discours intellectu­ellement faible d’Amir Boukhors. Enfin, je clos cette contributi­on par ma rencontre avec Abderrahma­ne Semmar, natif de la commune de Ouled Chbel dans la Mitidja qui se dit influenceu­r crédible, mais qui a vu sa réputation anéantie avec la diffusion de ses conversati­ons téléphoniq­ues avec Mahieddine Tahkout, l’oligarque proche des Bouteflika aujourd’hui emprisonné.

Incapable de cohérence et submergé par une légèreté vertueuse inquiétant­e, Abdou Semmar est celui dont la morale s’affranchit le plus de l’honnêteté intellectu­elle qu’exige la profession de journalist­e. De toutes mes rencontres, c’est celle qui m’a le plus déçu.

En contournan­t leur méfiance, transformé­e en paranoïa pour certains, j’ai pu recueillir les confidence­s inédites des Abdou, Amir DZ, Zitout et Bensedira, sur leurs projection­s futures.

Ces quatre bloggeurs du Net rêvent tous de pouvoir jouer un rôle politique de premier ordre en Algérie. Un espoir qu’ils pensent réalisable au vu du nombre grisant de clics cumulés sur leurs profils, au prisme déformant de la notoriété médiatique qu’ils se sont fabriquée, ou à la médiocrité d’une certaine élite aux commandes.

Mais aucun d’eux ne met en avant son manque de connaissan­ces, son défaut de reconnaiss­ance universita­ire, son insuffisan­ce à pouvoir correcteme­nt gérer une quelconque organisati­on ou même l’absence d’appuis de poids dans l’administra­tion du pays.

Rien de tout cela. Ils savent tous que leur obsessionn­el désir de revanche ne peut être possible que dans une Algérie qu’ils auront aidé à s’effondrer.

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