El Watan (Algeria)

Les explicatio­ns du Craag

■ Le séisme de Béjaïa est en rapport avec l’activité sismique «normale» de l’Algérie, a soutenu le directeur du Craag, qui a animé hier une conférence de presse au siège de la wilaya de Béjaïa.

- LIRE L’ARTICLE DE KAMEL MEDJDOUB L’ENTRETIEN RÉALISÉ PAR M. BENZERGA

Le séisme de magnitude de 5,9 qui vient de secouer la ville de Béjaïa est en rapport avec l’activité sismique «normale» de l’Algérie, a soutenu Abdelkrim Yelles Chaouche, le directeur du Craag, qui a animé hier une conférence de presse au siège de la wilaya de Béjaïa. Elle est jugée normale pour être générée par une activité tectonique et non volcanique, et qu’elle ne s’est pas manifestée sous la forme d’un séisme «induit», comme celui rappelé par le conférenci­er et qui a été provoqué, dans le passé, par le transfert des eaux entre le barrage de Beni Haroun à Oued Atmania. «Nous avons trois à quatre secousses par jour, pour une moyenne de 100 à 120 secousses pendant le mois. La plupart de ces séismes, on ne les ressent pas», a expliqué Abdelkrim Yelles Chaouche, pour qui cette activité sismique n’est pas soudaine, mais existe depuis bien longtemps, rappelant, entre autres, le tremblemen­t de terre d’Alger survenu en 1989 et qui partage avec celui de Béjaïa la même magnitude et le même épicentre en mer. «Ces vingt dernières années, on a eu une trentaine de séismes autour de magnitude 5, dont celui d’Alger à 5,4, survenu en 2014», rappelle-t-il pour soutenir la normalité des événements sismiques dans notre pays. Malgré les cas de tremblemen­ts ravageurs dans le passé, dont celui de Boumerdès et de l’ex-El Asnam, l’Algérie est ainsi considérée comme «une zone à sismicité modérée». Béjaïa, à l’instar du reste du pays, notamment les villes côtières, n’est donc pas à la zone rouge, même si elle a vécu des tremblemen­ts de terre qui ont fait des dégâts, dont celui, de magnitude de 5,4, de Beni Maouche en 2000. Le tremblemen­t de la nuit de mercredi à jeudi derniers est compté parmi les «150 séismes aux alentours de cette magnitude qui se produisent dans le monde chaque année». Ceux de magnitude 7 sont au nombre d’une quinzaine.

Selon le conférenci­er, les répliques qui ont suivi le séisme de Béjaïa risquent de durer encore «quelques jours, voire quelques semaines». Ce phénomène, dont les sismologue­s connaissen­t la loi d’Omori qui l’a défini, a continué en effet hier à Béjaïa avec une atténuatio­n perceptibl­e dans l’importance de la magnitude. Il persiste tout en donnant quelques frayeurs aux plus sensibles des citoyens.

RISQUE PRÉTENDU DE TSUNAMI

Ce dernier séisme a suscité nombre de questions, dont celle d’un risque prétendu d’un tsunami. «Il y a peut-être une petite vague qui s’est propagée de l’autre côté de la rive méditerran­éenne. Cela concerne la recherche scientifiq­ue», assure le directeur du Craag. «Le risque de tsunami est très faible» tranchet-il, voulant pour preuve le séisme ravageur de Boumerdès qui, malgré sa violence, «a donné de petites vagues». «Il faut un séisme d’une certaine ampleur pour avoir un tsunami. Nous ne sommes pas dans les contextes japonais ou indonésien» rassure-t-il encore.

La question du risque de tsunami n’a pas accaparé les esprits des Bougiotes autant que celle de la première secousse proche de la magnitude 4 qui a frappé à 20h38 et que l’on avait pris pour le principal choc. Parce qu’il est établi chez le commun des citoyens qu’il faut se méfier de la toute première secousse que de celles qui la suivent, ce premier tremblemen­t a piégé plus d’un.

Tout en n’excluant pas qu’une telle secousse puisse ne pas être le séisme principal, Abdelkrim Yelles Chaouche ne s’aventure pas à trancher que celle qui a surpris les Bougiotes le soit. Le Craag est en quête d’une explicatio­n que permettron­t des études à mener. «Est-ce qu’elle concerne le même segment de la faille ? Il faut donc des analyses et des études pour essayer de comprendre s’il y a un lien entre les deux secousses. Cela fait partie de nos investigat­ions», répond le conférenci­er. «Les séquences de 3,9 se produisent d’une façon quasi permanente sur le territoire national», précise-t-il. Ce qui est par contre établi, soutient-il, c’est que «les sols rocheux permettent la dissipatio­n d’énergie de la façon la plus rapide possible». Ce qui viendrait à croire que la nature géologique des alentours du Cap Carbon, proche de l’épicentre du séisme, où se trouve le mont de Gouraya, a pu être pour quelque chose dans l’évitement de l’amplificat­ion de l’énergie les ondes qui ont provoqué le tremblemen­t. Cette énergie dégagée à grande force ne donnerait-elle pas un répit à la population et éloignerai­t pour quelques années le risque d’un séisme similaire à Béjaïa ? «La période de retour des grands séismes en Algérie est de l’ordre de siècles et même plus. Plus on descend dans la magnitude, plus les périodes de retour sont plus proches», répond Abdelkrim Yelles Chaouche. Le Craag devra ouvrir une antenne à Béjaïa à la faveur de la propositio­n faite hier par le wali, en attendant que l’on réfléchiss­e à l’université pour la création d’une chaire de sismologie.

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