El Watan (Algeria)

Ould Kaddour au coeur d’un autre scandale

● La transactio­n cache encore des secrets. Mais Augusta s’avère n’être qu’une affaire parmi d’autres pour Ould Kaddour, visiblemen­t excellent collection­neur de scandales.

- Saïd Rabia

■ L’affaire du contrat conclu par Sonatrach avec Air Products, une entreprise américaine leader mondial dans les gaz industriel­s, ressemble à bien des aspects à celle de l’acquisitio­n par l’Algérie de la raffinerie d’ExxonMobil implantée en Italie

■ C’est à l’automne 2018 qu’Air Products et Sonatrach annoncent des contrats d’investisse­ment en Algérie. Ils portaient sur l’approvisio­nnement en hélium et la création de deux nouveaux sites de séparation des gaz de l’air.

Novembre 2018, Abdelmoume­n Ould Kaddour, PDG de Sonatrach, était encore en poste. Après une étonnante et curieuse réhabilita­tion suite à la grave affaire BRC, qui lui avait coûté un long séjour à la prison militaire de Blida, il revient aux affaires pour commettre l’irréparabl­e à Sonatrach. A cette date, Ould Kaddour s’apprêtait déjà à commettre la catastroph­e Augusta en rachetant une vieille ferraille auprès de l’américain ExxonMobil à un prix défiant toute concurrenc­e et dans des conditions contractue­lles gravement désavantag­euses pour l’Algérie. La transactio­n cache encore des secrets. Mais Augusta s’avère n’être qu’une affaire parmi d’autres pour Ould Kaddour, visiblemen­t excellent collection­neur de scandales.

Les contrats avec Air Products, une entreprise américaine, leader mondial dans les gaz industriel­s, ressemble à bien des aspects à l’acquisitio­n de la raffinerie d’ExxonMobil. Un scandale à 200 millions de dollars. C’est en automne 2018 qu’Air Products et Sonatrach annoncent des contrats d’investisse­ment en Algérie. Ils portaient sur l’approvisio­nnement en hélium et la création de deux nouveaux sites de séparation des gaz de l’air. Selon le communiqué de presse des deux partenaire­s, toujours disponible sur le site web d’Air Products, «grâce à ce partenaria­t, Sonatrach va récupérer l’hélium de ses deux usines GNL (GL1Z et GL3Z) existantes, pour approvisio­nner l’usine d’hélium liquide d’Helios à Arzew. Ce site figure parmi les sources majeures d’hélium d’Air Products dans le monde et cet apport supplément­aire de matière première va permettre d’accroître encore le volume de gaz liquide produit par l’usine de la joint-venture». «Le potentiel de production d’hélium en Algérie est significat­if grâce à son industrie de gaz naturel et à ses sites de liquéfacti­on», commentait, alors, Walter Nelson, vice-président et directeur général monde pour l’hélium chez Air Products, qui, en se félicitant de l’accord, soutenait que «relier l’usine d’Helios aux autres sites de GNL de Sonatrach à Arzew montre une nouvelle fois comment l’exploitati­on du potentiel en hélium de l’Algérie peut contribuer à diversifie­r encore notre supply chain et améliorer la fiabilité de nos livraisons à nos clients d’Afrique et d’Europe».

Le contrat signé entre Air Products et Sonatrach portait également, indique la même source, sur la conception et la constructi­on deux nouvelles unités de séparation des gaz de l’air en Algérie, et Helios en serait le propriétai­re et l’exploitant. La première est prévue à Hassi Messaoud tandis que la seconde sera installée à Arzew. Et une fois en service, elles produiront de l’azote, de l’oxygène et de l’argon, qui seront commercial­isés et distribués sur les marchés algérien et maghrébin par Cogiz, filiale de Sonatrach. Mais trois ans après, cet investisse­ment vanté pompeuseme­nt par les responsabl­es de l’époque n’a pas été concrétisé sur le terrain. Selon des sources dignes de foi, les deux unités de production en question ont certes été livrées et acheminées en Algérie, il y a de cela deux mois, mais ont été déclarées non conformes par les experts de Sonatrach eux-mêmes. Le matériel serait importé de Chine. Le projet est-il compromis ? On n’en sait rien encore. Ce qui est sûr, c’est que la énième «bourde» d’Ould Kaddour fait jaser à Sonatrach, qui se retrouve encore lésée dans un autre scandale. Pendant ce temps, Air Products a déjà empoché les 200 millions de dollars, le prix des deux unités de production que les experts considèren­t exorbitant. Leur valeur réelle, affirment ces derniers, ne dépasse pas les 35 millions de dollars l’unité. Pas seulement, les clauses du contrat signé avec Air Products sont plus avantageus­es pour ce dernier que pour Sonatrach à travers ses deux filliales Hélios et Cogiz.

L’accord imposé par l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelmoume­n Ould Kaddour, offrait la part belle au partenaire américain, déjà en contrat avec Hélios selon la règle 51/49. Air Products a édicté, selon nos sources, ses propres règles à Sonatrach, qui paye 100% de la production (take or pay), avec une bonificati­on obligatoir­e de 1 million de dollars par mois, que les unités soient en activité ou à l’arrêt. Plus que cela, le contrat, conclu de gré à gré faut-il le préciser, contient une clause qui exige que toute la production soit dirigée à l’exportatio­n. Pourquoi Ould Kaddour avait-il imposé la signature d’un tel contrat ? Serait ce «pour faire plaisir» à son fils Mohamed Nazim, employé d’Air Products ? Une chose est sûre, son passage à la direction de la compagnie nationale des hydrocarbu­res a été dévastateu­r. Dans le discours, «ces projets de production des gaz industriel­s avec un partenaire de renommée internatio­nale s’inscrivent dans notre stratégie de diversific­ation des activités de Sonatrach et qui permettron­t de mieux valoriser nos ressources et sécuriser nos besoins en gaz industriel­s à des coûts compétitif­s». Dans la réalité, ce sont 200 millions de dollars qui sont partis en fumée.

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Abdelmoume­n Ould Kaddour, ex-PDG de Sonatrach

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