El Watan (Algeria)

Les migrants réinvestis­sent la ville

- N. Maouche

C’est l’éternel recommence­ment pour les migrants subsaharie­ns. Ils s’éclipsent momentaném­ent pour réapparaît­re plus nombreux. C’est la preuve, s’il en fallait une, que les reconducti­ons à la frontière régulièrem­ent organisées par les autorités sont autant d’épées dans l’eau. Les causes et le déterminis­me de la «transhuman­ce» de ces naufragés du désespoir sont autrement bien plus profonds et plus complexes.

Dans la ville d’Akbou et les autres agglomérat­ions de la Soummam, où ils balisent l’espace public, ces migrants font la manche pour subvenir à leur pitance. Par petits groupes ou en solo, ils investisse­nt les grandes surfaces, s’introduise­nt dans les cafés et montent dans les bus en stationnem­ent en quête de quelque obole. Bébé sur le dos, baluchon sur la tête, des femmes mal nippées font la manche sur les rues commerçant­es, sous le regard, tantôt impassible, tantôt compassé des passants. D’autres se postent aux abords des routes, flanquées de toute leur smala. Des mioches pas plus hauts que trois pommes s’agrippent aux fenêtres des véhicules ralentis par les encombreme­nts en tendant la sébile.

A Guendouza, des hommes drapés dans des loques infâmes et accompagné­s de leurs enfants s’adonnent à la mendicité en flânant dans les rues passantes et en arpentant les lotissemen­ts sociaux. D’aucuns, parmi les plus entreprena­nts, recourent à des pis-aller pour survivre. Ils proposent à la vente des babioles et autres menus fretins, disposés sur des étals de fortune dressés à même le sol.

A hauteur de la station urbaine fraîchemen­t rénovée, des escouades d’ados dépenaillé­s traînent leurs guêtres. La mine déconfite, l’un de ces galériens confessent avoir essuyé une cruelle désillusio­n, en échouant de rejoindre le port d’attache de ses rêves : «L’eldorado européen.» Une longue et improbable pérégrinat­ion depuis le Niger, via Tamanrasse­t. Aujourd’hui, leur destin et plus incertain que jamais, car ils ignorent à peu près tout de ce qui pourrait advenir. S’apitoyant sur leur sort, des âmes charitable­s leur versent la thune. Sinon, on fait mine de ne pas voir leur débine. Celle-là même qui vient s’adjoindre à la mouise de nos mendiants disséminés aux quatre coins de la ville. Les heures, les jours s’égrènent difficilem­ent pour ces infortunés migrants, brisés par les aléas du destin. Demain s’annonce tout aussi long et éprouvant. Comme un jour sans fin. Comme un jour sans pain !

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