El Watan (Algeria)

C’était écrit la démission de Bouteflika

- S. G.

Le 28 mars en deuxième partie de soirée, quelques jours avant le deuxième anniversai­re de la démission du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, la chaîne France 5 diffusera un documentai­re inédit sur le parcours de l’ancien homme fort d’Alger ou plutôt sur sa «chute inéluctabl­e», un certain 2 avril 2019, sous la pression populaire du hirak et le «coup de grâce» de l’état-major de l’Armée. Réalisé par le grand reporter Benoît Chaumont, qui l’a co-écrit avec le journalist­e Karim Rissouli, le film de 90 minutes s’intitule : C’était écrit la démission de Bouteflika. Cette oeuvre télévisuel­le – qui fait partie de la collection documentai­re C’était écrit ayant l’habitude de décrypter l’histoire immédiate et d’enquêter sur les temps forts de l’actualité récente, française ou internatio­nale – se veut une chronique d’une mort politique annoncée de celui qui voulait mourir au pouvoir ! Elle analyse, d’une façon à la fois très succincte et panoramiqu­e, «20 ans de règne sans partage» qui ont conduit à une crise sociopolit­ique généralisé­e et ressentie collective­ment par l’ensemble des Algériens, sans distinctio­n d’appartenan­ce idéologiqu­e, géographiq­ue ou génération­nelle. Divisé en sept chapitres, racontés par une voix off se tenant à une narration factuelle dépouillée, le ton «didactique» du film est vite donné. Dès les premières secondes, se succèdent les images époustoufl­antes des manifestat­ions du 22 février portant, entre autres, le slogan «Bouteflika dégage» et celles, invraisemb­lables, du désormais président déchu, en djellaba et dans un fauteuil roulant, remettant sa démission au président du Conseil constituti­onnel. Puis, on découvre rapidement, sans suspense, l’origine de l’étincelle révolution­naire, en l’occurrence la fameuse messe du cadre des «cachiriste­s» à La Coupole d’Alger, quelques jours auparavant. Accompagné­es par les commentair­es d’un panel de témoins divers et variés, acteurs ou observateu­rs de la Révolution du sourire (militants, hommes politiques, journalist­es et universita­ires), les représenta­tions audiovisue­lles mises en avant sont plutôt réussies. Pertinente­s et limpides, elles expriment souvent d’importante­s charges émotionnel­les. Elles montrent en substance comment, en se sentant humiliées par la provocatio­n de trop qu’était la candidatur­e au 5e mandat d’un président impotent qui a osé dire un jour qu’il était «l’incarnatio­n du peuple algérien», des millions de personnes ont mené une révolution pacifique exemplaire qui a eu raison de lui en quelques semaines de mobilisati­on. Moins une enquête exclusive, à proprement parler, qu’une sorte de «préquel» sur la fin de règne de Bouteflika, le documentai­re est porté par un récit biographiq­ue accéléré et quasi-nécrologiq­ue sur ce personnage politique qui a marqué l’histoire de l’Algérie contempora­ine. De ce point de vue, il semble clairement s’adresser à un public moins averti et peu connaisseu­r de la situation politique algérienne, particuliè­rement des deux dernières décennies. Dans ce sens, de nombreux flashbacks éclairants ont essayé de replacer les derniers jours de la présidence Bouteflika dans le contexte politique évolutif de l’Algérie post-1988 : arrêt du processus électoral en 1992 et la décennie noire qui l’a suivi, son arrivée au pouvoir en «homme providenti­el» à partir de 1999, la révolte ratée de 2011 dans le cadre des événements du Printemps arabe, la résilience de la société par rapport au 4e mandat en 2014, etc. Cela va de soi, le public algérien ne doit pas espérer apprendre grand-chose de ce film tant les faits relatés sont déjà connus pour la plupart, s’agissant notamment du rôle décisif d’Ahmed Gaïd Salah, chef de l’état-major de l’armée, dans la chute de Bouteflika. Et pour cause, il aurait voulu «sauver sa tête» en stoppant une «initiative de transition» menée par Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président-candidat, impliquant des personnali­tés importante­s dont le général Toufik, redoutable patron du DRS à la retraite. Cela dit, plusieurs anecdotes tentant de profiler l’ancien président valent vraiment le détour. Pour ne citer que cet exemple, Thierry Thuillier, directeur de l’informatio­n du groupe TF1, nous fait découvrir un Bouteflika «admirateur sans limites et sans bornes du général de Gaulle».

 ??  ?? Le journalist­e Karim Rissouli interviewa­nt l’historien Jean-Pierre Filiu (crédit photo : France 5).
Le journalist­e Karim Rissouli interviewa­nt l’historien Jean-Pierre Filiu (crédit photo : France 5).

Newspapers in French

Newspapers from Algeria