Un Parlement sans démocrates ?
Le RCD a ses raisons pour boycotter les prochaines élections législatives, comme d’ailleurs le Parti des travailleurs, tous deux mettent en avant, en substance, une «absence de dialogue sérieux pour une sortie de crise».
Certainement que d’autres formations politiques leur emboîteront le pas et cela ne manquera pas de laminer le camp démocratique au sein de l’APN, du moins les formations politiques qui n’ont pas fait le choix de l’alignement systématique sur le pouvoir. Dès le 13 juin donc, au lendemain du scrutin, le Parlement pourrait être totalement acquis à l’Exécutif, une première, les précédents ayant toujours accueilli en leur sein des voix discordantes, voire opposantes, y compris sous le long règne de Bouteflika, bien qu’ils aient été numériquement dominés par le FLN et le RND ou par une coalition présidentielle. On se rappelle qu’une bonne poignée de démocrates de partis politiques ou leurs leaders s’exprimaient, que ce soit en plénière ou en commission, brisaient souvent l’unanimisme et faisaient jaillir diverses vérités et critiques sur la gouvernance du régime en place. Ce n’était pas rien, bien que ces voix là n’étaient pas de nature à modifier le cours des choses, car ceux qui l’emportaitent c’étaient toujours les forêts de mains levées en faveur des textes gouvernementaux. Aujourd’hui, le pouvoir rétorque que la fonction démocratique est susceptible d’être assurée par la société civile, mais force est de relever que ses représentants désignés ou autoproclamés qui se sont manifestés jusque-là se recrutent généralement dans les résidus de l’ancien système, c'est-à-dire les associations ou organisations de masse, de tout temps arrimées au pouvoir, transitant généralement par le parti FLN, puis le RND.
Une armée qualifiée d’opportuniste par ses détracteurs, car bon nombre d’entre eux sont en activité depuis la décennie 1970 pour devenir, avec le temps, des professionnels de l’arrivisme. Le futur Parlement risque donc de perdre même ses vocables de «façade démocratique» ou d’«alibi démocratique», ce qui poserait problème autant pour le pouvoir que pour le pays. Le premier ne pourra pas s’enorgueillir d’avoir favorisé l’émergence d’un véritable Parlement, c'est-à-dire un puissant contre-pouvoir, le second, à savoir la société algérienne, il y a risque qu’elle subisse encore le règne omnipotent de l’Exécutif qui gouvernera sans être recadré, contrôlé, voire sanctionné. Pour ces raisons-là, les dirigeants en place ne doivent pas sousestimer les décisions annoncées de boycott des législatives prochaines, comme ils doivent tempérer leur ardeur en faveur de la recherche d’une alternative à travers ce qu’ils appellent la «société civile». Fondamentalement, on n’invente rien, rien ne remplace un parti politique fort, bien encadré, proche du peuple et toujours vigilant et critique vis-à-vis des gouvernants. S’il est tourné vers la démocratie, c’est encore mieux, cela ne pourra être que bénéfique pour le pays, qu’il doit servir en priorité, pleinement et en permanence. Et rien ne remplace aussi un Parlement constitué de partis représentatifs des diverses sensibilités politiques, dont les élus ont été filtrés par des scrutins transparents, loin de l’interférence de l’Exécutif. Dans ce Parlement auront naturellement leur place les nouvelles forces politiques émergentes, précisément celles nées à la faveur du hirak, un vivier extraordinaire de révolutionnaires. Ce qui est communément appelé la crise algérienne trouvera ainsi, naturellement et durablement, sa solution au bénéfice de la société algérienne, qui ouvrira enfin une nouvelle page d’histoire. Encore faut-il que les dirigeants politiques et militaires actuels soient sur la même longueur d’onde.