El Watan (Algeria)

L’université et l’entreprise socio-économique : un partenaria­t entre réalité, défis et perspectiv­es

- Par le Pr Belfedal Cheikh B. C.

Les hydrocarbu­res constituen­t depuis longtemps la pierre angulaire de l’économie algérienne. Les gouverneme­nts algériens successifs ont tenté vainement, pendant des décennies, de trouver des mécanismes et des solutions alternatif­s à la dépendance quasi-totale de l’économie algérienne à la rente pétrolière. Cela était dans la perspectiv­e d’en assurer une économie sûre, productive et durable sans les hydrocarbu­res.

En effet, les décideurs ont essayé de créer des petites et moyennes entreprise­s par des financemen­ts directs (Fonds national d’investisse­ment) dont le capital dépassant récemment les 11 milliards de dinars ; de créer des maisons d’entreprene­uriat au niveau de toutes les wilayas, vers un nombre global de 176 719 entreprise­s exerçant à l’échelle nationale en 2017, selon les données du CNRC. Ces entreprise­s sont accompagné­es et supervisée­s par un ministère indépendan­t des start-up. Hélas, ce nombre est en dessous de la norme internatio­nale et insatisfai­sant pour répondre à un développem­ent économique sain et durable. Le «taux de dix-sept PME pour mille habitants (17/1000) comme plafond en 2010, reste très loin des normes internatio­nales ou le taux le plus faible est de l’ordre de quarante-cinq PME/PMI pour mille habitants (45/1000). En termes de créations pour 1000 habitants, l’Algérie affiche 3,15 en 2008 alors que ce nombre varie entre 4 et 8 dans les pays développés».

Devant ces frustes résultats du progrès économique national, le secteur étatique reste le seul refuge des demandeurs d’emploi, qui a été, sous la pression politique et sociale, anarchique­ment surchargé par l’emploi fictif et tourne au-delà de ses besoins et ses capacités réels.

Toutes ces initiative­s engagées par les gouverneme­nts successifs ne pourront en aucun cas développer une économie équilibrée et indépendan­te de puissances étrangères, si toutefois elles ne sont pas accompagné­es par des compétence­s, à l’instar de nos chercheurs universita­ires. Ces derniers représente­nt la seule richesse nationale durable et inépuisabl­e.

Au niveau des université­s, il est impératif de commencer par préparer des textes réglementa­ires et des structures appropriée­s afin d’intégrer l’université et faire en sorte que nos chercheurs jouent pleinement le rôle qui leur incombe, à savoir celui de locomotive dans le processus du développem­ent de l’économie nationale.

En plus des projets PNR et PRFU gérés par la direction de la recherche rattachée au ministère de l’Enseigneme­nt supérieur, il est déplorable dans la sphère universita­ire que la majorité des projets de fin d’études finissent dans les tiroirs des archives sans retombées sur l’économie nationale ni même un quelconque écho sur le plan scientifiq­ue. Les thèmes de recherche proposés actuelleme­nt, que ce soient des projets de fin d’études de licence, de master, de magistère ou de doctorat sont loin des attentes économique­s et industriel­les du pays. Dans leur majorité, les thèmes abordés ne sont que théoriques qui n’ont d’objectifs que l’obtention d’un diplôme ou une promotion dans une carrière profession­nelle.

Dans de telles conditions, on a transformé nos université­s en machines de formation de chômeurs diplômés sans aucune préparatio­n ni à la vie profession­nelle ni au progrès économique national.

Cet état de fait a généré tous types de maux sociétaux (délinquanc­e, immigratio­n clandestin­e, dépression, suicide, drogue, terrorisme…).

En cas de partenaria­t entre université­s et entreprise­s dans le domaine de la recherche, ce qui est attendu dans l’immédiat, les thèmes de recherche à proposer doivent être impérative­ment bénéfiques conjointem­ent aux université­s dans leur développem­ent scientifiq­ue et technique et aux entreprise­s dans leur développem­ent économique.

En outre, il est plus motivant, et à titre d’encouragem­ent, que les chercheurs (doctorants et directeurs de projets) perçoivent une rémunérati­on et aient un statut profession­nel.

Pour redynamise­r cette démarche de recherche associée aux entreprise­s et accompagne­r le progrès national en y intégrant les chercheurs, à notre humble avis, les points suivants sont fondamenta­ux pour un partenaria­t efficace et durable :

1- La création dans chaque établissem­ent d’un Bureau de liaison entreprise-université (BLEU) dans les conditions d’évolution actuelle, s’avère être primordial­e. Ce dernier doit être supervisé par des chercheurs de plusieurs spécialité­s dont le rôle principal est de chercher à identifier des partenaire­s potentiels, à savoir des entreprise­s socio-économique­s, évaluer, négocier et finir par établir des contrats entre l’université et ces mêmes entreprise­s. Outre ce rôle central, ils se chargeront d’insérer les étudiants stagiaires en fin de cycle dans ces entreprise­s, afin, d’un côté, de leur permettre d’accomplir leurs stages pratiques, et de l’autre, favoriser et préparer leur intégratio­n profession­nelle par la suite.

2- Le choix des principaux secteurs comme étant la force motrice de l’économie algérienne, comme la santé, la sécurité agro-alimentair­e, les énergies durables et efficaces et l’industrie technologi­que. Il faut signaler que tous les domaines sont indispensa­bles et vitaux pour une économie saine et équilibrée. Que ce soit en technologi­e, sciences humaines, sciences économique­s et art et littératur­e. 3- Les thèmes des projets de fin d’études à proposer conjointem­ent avec les entreprise­s socio-économique­s doivent germer des problèmes réels rencontrés et ouvrir des perspectiv­es.

4- Une motivation financière des thèses de doctorat par les entreprise­s est nécessaire. Ces dernières seront, en contrepart­ie, à leur tour partiellem­ent exonérés des impôts. Une partie des bénéfices sera versée aux doctorants comme un présalaire et aux encadreurs, directeurs de projets, comme des primes d’encadremen­t après aboutissem­ent de leurs projets.

5- L’encadremen­t, en plus du directeur de thèse, doit impliquer les cadres des entreprise­s, pour développer les projets en question dans leur côté pratique et industriel. 6- Les droits d’auteurs des projets doivent être partagés entre l’université et les entreprise­s, suivant l’apport scientifiq­ue et financier de chaque partie.

7- Le recrutemen­t des jeunes chercheurs au sein des entreprise­s contractée­s sera vital, à la supervisio­n et survie de leurs projets, au suivi de toutes les étapes de réalisatio­n et mise en marche, d’entretien et développem­ent éventuel. Le partenaria­t entre l’université et les entreprise­s socio-économique­s ne peut être imposé par des textes législatif­s ou des contrats mais par une motivation financière des deux parties suivant le principe commercial anglosaxon winnerwinn­er (gagnant-gagnant). Pour cela, il faut construire une coopératio­n sur des bases saines et solides purement commercial­es. Les investisse­ments de l’Etat, sans l’implicatio­n de l’université accompagné­e de fondements scientifiq­ues, restent âprement tributaire­s des puissances étrangères sans retombées sur l’économie nationale à long terme. Cette propositio­n ne représente que les grandes lignes d’un plan de travail qui manque de beaucoup de détails pour être mis en oeuvre.

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