Washington compte rassurer ses alliés de New Delhi dans la région
L Cette rencontre de deux jours constitue une occasion pour la nouvelle administration américaine quant à clarifier sa vision sur plusieurs questions.
Afghanistan, Chine, Turquie, le gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne. Telles sont, entre autres, les questions abordées lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui a débuté hier à Bruxelles. Cette rencontre de deux jours constitue une occasion pour la nouvelle administration américaine quant à clarifier sa vision sur ces sujets. «Nous sommes déterminés à revitaliser nos alliances pour revitaliser nos partenariats, à commencer par l’OTAN», a déclaré, hier lors de son premier point de presse à Bruxelles, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken. Sur la mission de l’Alliance en Afghanistan, il a indiqué : «Nous n’avons pas encore arrêté notre position. Je viens partager certaines de nos réflexions et consulter les alliés.» «Nous ne voulons pas laisser ce pays tel que nous l’avons trouvé il y a 20 ans et nous espérons pouvoir parler concrètement aujourd’hui avec les Etats-Unis de la manière dont les prochaines semaines se dérouleront», intervient le ministre des Affaires étrangères allemand, Heiko Maas. Une décision était attendue pour la réunion des ministres de la Défense de l’Alliance le 17 février, mais elle a été différée dans l’attente d’un résultat des négociations sur un accord de paix en Afghanistan. Un arbitrage devient urgent pour «Resolute Support», la mission de formation de l’OTAN en Afghanistan, car l’accord conclu avec les talibans par l’administration de l’ex-président américain, Donald Trump, prévoit le départ de toutes les troupes étrangères le 1er mai. Mais son successeur Joe Biden a reconnu la semaine dernière qu’il serait «difficile» pour Washington de respecter cette échéance. Les talibans ont averti que les Etats-Unis seraient «responsables des conséquences». L’OTAN est en Afghanistan depuis presque 20 ans, mais a réduit sa présence, passée de 130 000 militaires de 36 pays engagés dans des opérations de combat à 9600 aujourd’hui, dont 2500 Américains et 1600 Allemands, chargés de la formation des forces afghanes. Le secrétaire d’Etat américain a prévu de nombreux entretiens bilatéraux avec ses homologues.
Concernant le projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne, le chef de la diplomatie américain est sans concession. «Le président Biden été très clair lorsqu’il a dit que ce projet de gazoduc est une mauvaise idée pour l’Europe et pour les EtatsUnis», a-t-il déclaré. «Ce projet de gazoduc est en contradiction avec l’objectif de sécurité énergétique de l’Europe, il risque d’affaiblir l’Ukraine et va contre les intérêts de la Pologne et d’autres alliés», a-t-il soutenu. «Une loi aux Etats-Unis nous oblige à sanctionner les entreprises qui participent aux efforts pour achever le gazoduc», a-t-il rappelé. Les sanctions américaines ont bloqué l’achèvement de ce gazoduc sous-marin long de 1200 kilomètres. L’Allemagne, principale bénéficiaire du projet, voit dans le gazoduc russe une source d’énergie stable. Mais les Etats-Unis et certains pays européens, l’Ukraine, la Pologne et les pays baltes, craignent qu’il permette de contourner l’Ukraine, pays de transit pour une partie des achats de gaz européens avec lequel Moscou est en conflit.
Donald Trump avait déclaré le 11 juillet 2018, à l’ouverture du sommet de l’OTAN à propos dudit projet, que «l’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie (…), elle est prisonnière de la Russie». Et d’ajouter : «Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie, et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ? Ce n’est pas juste.» Washington se demande comment Berlin compte adopter une ligne dure contre la Russie suite à l’annexion de la Crimée en 2014, et coopérer avec Moscou pour la réalisation d’un tel projet. Le président Trump a promulgué, fin décembre 2019, une loi imposant des sanctions contre les entreprises associées à la réalisation de ce projet, estimant que cet ouvrage va accroître la dépendance des Européens au gaz russe et ainsi renforcer l’influence de Moscou. A la fin de la même année, les mesures restrictives adoptées par les Etats-Unis ont contraint la société suisse Allseas, spécialisée dans la pose de tuyaux, à rappeler ses bateaux, ralentissant ainsi le chantier.
Concernant la Turquie, Antony Blinken a déclaré que «ce n’est un secret pour personne que nous avons des différends avec la Turquie, notamment au sujet des S-400 (système antimissile russe) et de certaines actions entreprises, y compris en Méditerranée orientale. Ce n’est pas non plus un secret que la Turquie est un allié de longue date et apprécié, et un allié que nous avons, je crois, un grand intérêt à garder ancré à l’OTAN». L’acquisition par la Turquie en 2017 du système de missiles S-400 de la Russie a généré des frictions entre Ankara et ses alliés de l’OTAN, à commencer par Washington.
Les Etats-Unis estiment que les systèmes russes ne sont pas compatibles avec les dispositifs de l’Alliance atlantique nord. Ils y voient un risque que les opérateurs russes chargés de former les militaires turcs aux S-400 puissent dans le même temps percer les secrets technologiques du nouvel avion furtif américain F-35, dont la Turquie veut aussi se doter. Washington décrète des sanctions à l’encontre de son partenaire de l’Alliance. En juillet 2019, les EtatsUnis ont annoncé l’exclusion de la Turquie du programme d’avions furtifs F-35.
En décembre 2020, Washington a interdit l’attribution de tout permis d’exportation d’armes à l’agence gouvernementale turque chargée des achats d’équipements militaires, le SSB. Il a invoqué une loi de 2017 dite «contrer les adversaires de l’Amérique à travers les sanctions» (Caatsa), qui prévoit des sanctions automatiques dès lors qu’un pays conclut une «transaction significative» avec le secteur de l’armement russe.
De son côté, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a affirmé début février que la position de Washington à ce sujet «n’avait pas changé» et a appelé la Turquie à «renoncer au système S-400».