El Watan (Algeria)

Le temps de l'histoire, le temps de la télévision

- Par Hamid Tahri

Avec les derniers scrutins, et celui des législativ­es à venir, comme il y a deux ans, c'est le règne de l'immédiatet­é et de l'accélérati­on de la machine politique qui s'emballe, alors que les clameurs de la rue montent toujours et que l'équation du hirak n'est pas encore réglée. Devra-t-on laisser sur le bas-côté de l'histoire et du destin national toute cette masse qui n'en finit pas de manifester. On sait que les élections sont une des clés de la démocratie, mais au-delà de l'acte électoral, pourra-t-on surmonter l'épreuve du déclin, qui nous enserre depuis des décennies. Le sursaut du 22 Février a fort heureuseme­nt sauvé la mise, en faisant entendre la détresse d'un pays floué et en grand désarroi. Les Algériens ont repris vie, embarquant dans l'espoir, tout en dénonçant tous les méfaits d'une longue et funeste gestion d'un Etat, calfeutré dans une citadelle en ruine. Notre ambition, ici, n'est pas d'être partisan d'une quelconque chapelle, et de traduire une perception honnête et réelle du temps présent, avec la rigueur qui convient et le souci du discerneme­nt. Il faut juger, à leur juste mesure, les emballemen­ts de l'opinion. Nous vivons dans une société où les frontières entre le virtuel et le réel se brouillent et où tout le monde ne s'exprime pas forcément à travers les médias officiels, sachant que le temps de l'histoire n'est pas celui de la télévision. L'Etat, qui est le comptable de l'intérêt national et le garant des équilibres de la société, a pour vocation de veiller à l'unité de cette dernière par le biais de son Président, qui en est aussi l'arbitre. L'absence du contrepoid­s parlementa­ire, la grande faiblesse du contre-pouvoir médiatique, et encore davantage le désintérêt de la population, longtemps éloignée de la chose politique, sont des écueils de taille qu'il est difficile de surmonter en un laps de temps si court. La réappariti­on sur la scène politique d'anciennes nouvelles têtes, après avoir été disqualifi­ées par le peuple, n'est pas de nature à rassurer l'opinion, qui estime, à juste titre, qu'elles ont accompagné avec zèle et arrogance jusqu'au bout l'ancien régime, dans la banquerout­e générale. Aujourd'hui, ces imposteurs ont l'impudence et le culot de revenir, toute honte bue. Est-ce la bonne devanture de l'Algérie nouvelle ? Sûrement pas. Car ils ont démontré qu'ils étaient loin de la politique, au sens noble du terme. Et que leur envergure se mesure au nombre ridicule de leurs adhérents, et qu'ils n'ont aucune audience, au sein du peuple, dont ils ne peuvent absolument pas en être les représenta­nts. La hauteur, qu'Aristote érigeait, il y a plus de 24 siècles, en principe majeur de l'art politique, «protège contre le double danger des espérances visionnair­es, en politique et d'un mépris de la politique, indigne d'un citoyen de pays libre». Les Algériens, qui ont subi tant d'épreuves, à leur corps défendant, sont désormais vaccinés contre les impostures, ils ne veulent plus être, à nouveau, floués… Les Algériens, qui n'ont pas la mémoire courte, n'oublieront jamais qu'ils ont été bernés, et qu'ils combattron­t pour que pareille arnaque ne se reproduise plus…

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