El Watan (Algeria)

Le combat éternel fou contre cavalier

- L. Y.

n Aaron Nimzovitch disait : «Les cavaliers se révèlent fort utiles dans les positions fermées. D’habitude, les fous sont un peu plus forts que les cavaliers dans les positions ouvertes. Qu’on le veuille ou non, il restera toujours des exceptions ! »

Bien évidemment, les fous et les cavaliers ont des caractéris­tiques et des possibilit­és distinctes. Se basant sur leur valeur nominale relativeme­nt identique, souvent beaucoup de joueurs inexpérime­ntés les échangent l’un pour l’autre sans se soucier des circonstan­ces et des retombées durables pour la plupart des cas que les déséquilib­res fous contre cavaliers peuvent causer. Il faut donc veiller constammen­t au grain à garder son cavalier comme un atout dans des positions fermées contre un fou adverse réduit souvent au chômage technique surtout si l’on a pris le soin de placer ses pions quand les situations le permettent, sur des cases de couleur différente au sien. Et inversemen­t, dans des positions ouvertes, de ne surtout pas échanger son «bon» fou et actif contre un cavalier qui ne représente aucune menace potentiell­e dans le jeu adverse et notamment s’il est limité à un rôle défensif. D’autre part, il faut pas non plus perdre de vue que le cavalier certes ne peut pas se déplacer rapidement à l’autre bout de l’échiquier, mais il peut atteindre toutes les 64 cases alors que le fou est généraleme­nt coincé à tout jamais sur 32 cases seulement ! Toutefois, si le handicap du cavalier est en général constant, il n’en va pas de même pour celui du fou, comme on l’a déjà vu lorsqu’on a traité un chapitre sur ses caractéris­tiques dans l’édition du 18.02.2021.

Dans une position ouverte, la force du fou est supérieure à celle du cavalier comme l’a démontré le champion du monde José Raul Capablanca dans le diagramme n°1 suivant :

Les colonnes, rangées et diagonales sont ouvertes procurant au fou une longue portée et exercera une influence sur l’aile roi en soutenant la majorité de ses pions et à l’aile dame pour stopper la majorité des pions adverses.

Alors que dans une position fermée, le cavalier se retrouve plus fort que le fou mais sous certaines conditions, comme l’a expliqué le grand maître Rudolph Spielmann suivant les deux diagrammes 2 et 3 ci-dessous :

Le « mauvais » fou bloquée par ses propres pions est plus faible que le cavalier alors que dans le diagramme n°3, le «bon» fou est nettement supérieur au cavalier puisqu’il va pouvoir attaquer les pions adverses grâce à sa mobilité plus importante.

Bien qu’indissocia­bles et en permanence comme chien et chat, le combat entre le fou et le cavalier est éternel comme parfaiteme­nt illustré dans les parties jouées respective­ment entre les anciens champions du monde Robert James Fischer et Boris Spassky en 1972 à Reykjavik et Veselin Topalov et Maxime Vachier-Lagrave à la Sinquefiel­d Cup 2016 aux USA. Match du Championna­t du Monde 1972, 6e Ronde Blancs : Robert James Fischer Noirs : Boris Spassky Reykjavik, Islande, Juillet 1972 Gambit Dame Refusé – Variante Tartakover 1-0 1.c4 e6 2.Cf3 d5 3.d4 Cf6 4.Cc3 Fe7 5.Fg5 0-0 6.e3 h6 7.Fh4 b6 Pour les Noirs, la variante Tartakover constitue une des meilleures façons d’activer le fou de cases blanches, qui est traditionn­ellement enfermé derrière la chaîne de pions dans les autres variantes du gambit dame refusé. 8.cxd5 Cxd5 9.Fxe7 Dxe7 10.Cxd5 exd5 11.Tc1 Fe6 Puisque l’échange a eu lieu au 10e coup, le fou blancs des Noirs peut s’installer sur la case e6. 12.Da4 c5 13.Da3 Tc8 14.Fb5?! a6?! 15.dxc5 bxc5 16.0-0 Ta7 17. Fe2 Cd7 18.Cd4 Df8 19.Cxe6 fxe6 20.e4 d4 21.f4 De7 22.e5! Tb8 23.Fc4! Le fou est à présent maître de deux diagonales : f1-a6 visant le pion a6, a2-g8 lorgnant le pion e6. R.J Fischer – B. Spassky Après 23.Fc4! 23…Rh8 Évite la d’être sur trajectoir­e du fou des blancs. 24.Dh3 Cf8 Contrairem­ent au fou actif des blancs (Voir : La bataille des fous. Édition d’El Watan n°9259 du 18. 02.2021), le cavalier est par contre réduit à un rôle défensif. 25.b3 a5 26.f5! Fischer ouvre simultaném­ent la diagonale a2-g8 au fou blancs et la colonne « c » à ses deux tours. 26…exf5 27.Txf5 Ch7 28.Tcf1 Dd8 29.Dg3 Te7 30.h4! Empêchant au cavalier de faire usage de la case g5. 30…Tbb7 31.e6 Les blancs envahissen­t progressiv­ement le camp adverse alors que les noirs semblent être retranchés aux deux dernières rangées de l’échiquier. 31…Tbc7 Si 31…Cf6?? suit automatiqu­ement 32.Txf6! gxf6 33.Txf6 Th7 (33… Rh7 34.Fd3+ Rh8 35.Txh6+ Th7 36.Txh7 échec et mat 1-0) 34.De5 Rg8 35.Tg6+ Rf8 36.e7! Tcxe7 37.Tg8 échec et mat 1-0 32.De5 De8 33.a4 Dd8 34.T1f2 De8 35.T2f3 Dd8 Les noirs n’ont plus de jeu. Ils sont camisolés par les blancs (Voir : En Zugzwang, ils sont comme ligotés avec une camisole de force. Édition d’El Watan n°9241 du 28.01.2021) 36.Fd3 Le fou se place sur la redoutable diagonale b1-h7 pour en finir une fois pour toute avec les noirs. 36…De8 37.De4! Cf6 38.Txf6! gxf6 39.Txf6 Rg8 40.Fc4! Le puissant fou Bloque la tour e7. 40…Rh8 41.Df4 Les noirs abandonnen­t 1-0 Après sa défaite, totalement fair-play, Spassky s’associe au public qui applaudit la victoire de Fischer. Dans cette belle partie, le combat du Fou contre le cavalier des noirs était comme on dirait à armes inégales ! La Sinquefiel­d Cup de Saint-Louis 2016, 3è Ronde Blancs : Veselin Topalov Noirs : Maxime Vachier-Lagrave Saint Louis, USA, Août 2016 Défense Sicilienne - Variante Najdorf ½ - ½ 1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 a6 La Sicilienne Najdorf est la spécialité du Français Vachier-Lagrave. 6.Fe3 Cg4 6…e6 entre dans la variante Schevening­ue - Voir la partie Judit Polgar -Viswanatha­n Anand, Dos Hermanas, Espagne 1999, Edition d’El Watan n°9277 du 11.03.2021 7.Fc1 Evidemment pas 7.Ff4? à cause de la fourchette par 7…e5 gagne une pièce. 7…Cf6 8.f3 e5 9.Cb3 Fe6 10.Fe3 Fe7 11.Dd2 0-0 12.0-0-0 Cbd7 13.g4 b5 14.g5 b4 15.gxf6 bxc3 16.Dxc3 Cxf6 17.Ca5 Tc8 18.Cc6! De8 19.Cxe7+ Dxe7 20.Da5 Tc6 21.Tg1 21.Fxa6? perd une pièce après 21…Ta8-+ 21…Tfc8 22.Tg2 Fh3 23.Tgd2 Fxf1 24.Txf1 De6 25.Tff2 h6 26.Rb1 Dh3 27.Td3? Une gaffe qui permet aux noirs de gagner un pion. 27…Txc2 Plus précis était 27…d5! qui permet de ne pas échanger les dames et conserver le clouage de la tour c2 après 28.exd5 Txc2 29.Txc2 Df1+ 30.Ff1 Dxd3 31.Dd2 Df5 et le pion blanc d5 tombera rapidement. 28.Txc2 Df1+ 29.Fc1 Dxd3 30.Dd2 Dxc2+ 31.Dxc2 Txc2 32.Rxc2 Nous nous retrouvons de nouveau avec une finale de fou contre cavalier où la bataille s’annonce des plus âpres ! Malgré un pion de plus pour les noirs et un cavalier qui semble meilleur que le fou, la partie est loin d’être gagnée. V.Topalov – M.Vachier-Lagrave Après 32.Rxc2 32…Rf8 33.Rb3 Re7 34.Rc4 .Si 34.Ra4 d5! 35.exd5 Cxd5 36.Ra5 f5 37.Rxa6 a) 37…f4 38.Fd2 g5 39.Rb5 g4 40.fxg4 f3 41.Fe1 Ce3 42.Rc5 Cxg4 43.Rd5 Rf6 44.b4 Rf5 45.b5 e4 46.h3 e3! 47.hxg4+ Rxg4 48.b6 f2 49.Fxf2 exf2 50.b7 f1=D b8=D ½ - ½ , b) 37…g5 38.Rb5 g4 39.fxg4 f4 40.Rc4 f3 41.Rd3 e4+ 42.Rd2 Cf4(42…Re6 43.Re1 e3 44.Fxe3 Cxe3 45.Rf2 Cxg4+ 46.Rxf3 Cxh2+ 47.Rf4 ½ - ½ ) 43.Re3 Cd3 44.Fd2 Ce5 45.Fe1 Cxg4+ 46.Rxe4 f2 47.Fxf2 Cxf2+ 48.Rf5 Rf7 49.a4 Cd3 50.a5 Cxb2 51.a6 Cc4 52.a7 Cb6 ½- ½ 34…Re6 35.b4 d5+ 36.exd5+ Cxd5 37.Fd2 f5 38.b5 axb5+ 39.Rxb5 Rd6 40.a4 g5 41.a5 f4 42.Rc4 Cc7 43.Fb4+ Re6 44.h3 h5 45.Fc5 e4 46.fxe4 g4 47.hxg4 hxg4 48.Rd3 Ca6 49.Fd4 Cb4+ 50.Re2 Ca6 51.Rf2 Rd6 52.Rg2 Re6 53.Rf2 Rd6 54.Rg2 Re6 ½ - ½

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Diag. 2 : Cavalier plus fort que le fou
Diag. 2 : Cavalier plus fort que le fou
 ??  ?? Diag. 1 : Fou plus fort que le cavalier
Diag. 1 : Fou plus fort que le cavalier
 ??  ?? Robert James Fischer (à droite), lors du championna­t du monde en 1972 à Reykjavik
Robert James Fischer (à droite), lors du championna­t du monde en 1972 à Reykjavik
 ??  ?? Diag. 3 : Fou plus fort que le cavalier
Diag. 3 : Fou plus fort que le cavalier

Newspapers in French

Newspapers from Algeria