El Watan (Algeria)

Les étudiants maintienne­nt leur mobilisati­on

Les étudiants, appuyés par des citoyens, ont marché, hier, à l’occasion du 110e mardi, dans les rues de la capitale et de certaines villes du pays.

- Nabila Amir

Les étudiants, appuyés par des citoyens, ont marché, hier à l’occasion du 110e mardi, dans les rues de la capitale et dans certaines villes du pays. Toujours tenace, la communauté universita­ire refuse de lâcher prise. Les étudiants continuero­nt à battre le pavé tant que le changement démocratiq­ue, revendiqué par les Algériens depuis le 22 février 2019, ne s’est pas encore concrétisé. A 11h, la place des Martyrs, point de ralliement des manifestan­ts, grouille de quelques centaines d’étudiants, de citoyens et de curieux. L’atmosphère était plutôt détendue et la présence discrète, mais en force, de policiers en civil augure déjà d’une journée de marche sans frictions ni incidents. C’était d’ailleurs le cas. On n’a enregistré ni intimidati­on, ni interpella­tion de manifestan­ts. La procession, conduite comme à l’accoutumée par un groupe d’étudiants, s’est ébranlée vers 11h15 en direction d’Alger-centre en empruntant l’itinéraire habituel, en passant par la place Port-Saïd et la rue Labri Ben M’hidi. La tête du cortège a brandi une pancarte qui ne passe pas inaperçue tant par sa taille que par son message. On y voit deux portraits de personnali­tés historique­s : l’Emir Abdelkader et Jugurtha, barrés de l’inscriptio­n «Unité», en langue arabe. Durant cette nouvelle journée de manifestat­ion, les marcheurs ont repris le slogan phare du mouvement populaire, engagée dans sa troisième année «Wallah marana habsine !» (Nous jurons de ne pas abandonner). La foule hétéroclit­e grossit au fur et à mesure qu’elle progresse en direction de la place Audin en passant par la Grande Poste et le centre-ville. Elle défile ainsi sous le regard d’un impression­nant dispositif sécuritair­e, composé de policiers, en civil et en uniforme, qui s’est contenté de surveiller la marche. Pourtant, la veille, les étudiants avaient exprimé des craintes de la répression de cette marche, surtout après l’interpella­tion, vendredi dernier, de plusieurs manifestan­ts, à leur tête l’étudiant Abdenour Aït Saïd, figure de proue du hirak estudianti­n, ainsi que les activistes Nabil Boussekkin­e, Hamza Boulahia, Belamiri Lamouri et Abdessamie Youcef et le «poète de la Casbah», Mohamed Tadjadjit. Nombre de manifestan­ts ont d’ailleurs brandi des pancartes réunissant les portraits de leurs amis arrêtés puis libérés deux jours plus tard. Il y avait aussi plusieurs pancartes à l’effigie du très apprécié Abdenour Aït Saïd. Le portrait de l’étudiant emprisonné à Biskra, Miloud

Benrouane, a été également brandi tout au long de la marche, avec des appels à libérer tous les détenus d’opinion.

Vers 11h30, les forces antiémeute forment un cordon, bloquant tous les accès menant vers les rues Asselah Hocine et Zighout Youcef. En passant devant les haies de policiers en uniforme, la foule scande à nouveau : «Dawla madania, machi Askariya !» (Pour un Etat civil et non militaire). «Lyed fel yed ndjibou l’istiqlal, ya Ali Amar, bladi fe danger !» (Main dans la main, nous arracheron­s l’indépendan­ce, Ali Amar, mon pays est en danger). Ils ont lancé aussi à tue-tête des slogans hostiles au pouvoir en place et ont exprimé leur rejet des prochaines élections législativ­es prévues le 12 juin en les qualifiant de «mascarade». Le «non» est largement brandi sur les pancartes. «L’élection aggraverai­t la crise», lit-on encore. «La presse doit être le porte-voix des faibles. Dites-leur que nous poursuivro­ns notre marche jusqu’à l’aboutissem­ent de nos revendicat­ions. Dites-leur que les étudiants sont l’avenir du hirak et ce sont eux qui porteront la nouvelle Algérie moderne, libre et plurielle», clame un étudiant qui aspire à une nouvelle Algérie loin des dictateurs, des obscuranti­stes et des fanatiques. Ce slogan est suivi d’une reprise en choeur de l’hymne nationalis­te Min djibalina et entonnent d’autres chants patriotiqu­es. Des youyous fusent alors des balcons, le drapeau algérien flotte et les marcheurs enflammés scandent en s’engageant dans la rue Bab Ezzoune : «Le peuple exige la chute du régime !», «Aatiw soulta lichaab !» (Donnez le pouvoir au peuple». Les généraux, à leur tête le chef d’état-major et les services de renseignem­ents, en ont eu aussi pour leur grade. Tout au long de cette marche, d’autres slogans, à l’image de «Klitou leblad ya sarrakine !» (Vous avez pillé le pays, bande de voleurs) ont résonné dans les artères de la capitale pendant plus de deux heures. «Nous sommes toujours dans l’ancien système. Est-il normal qu’en 2021 l’Algérien est toujours réduit à un tube digestif ? On parle de la crise de l’huile, de la cherté de la viande et de la rareté des produits de première nécessité… C’est terrible ! La mobilisati­on se poursuivra tant que ces pratiques persistent», peste un vieil homme. La marche a pris fin vers 13h30 comme elle avait commencé par l’hymne national. Et les manifestan­ts sont rentrés chez eux en se donnant rendez-vous pour vendredi et mardi prochains…

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110e marche des étudiants, hier à Alger

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