El Watan (Algeria)

MARCHE BLANCHE À ICHEKAVEN

- Nordine Douici

Emoi et consternat­ion se lisaient sur les visages des villageois d’Ichekaven hier matin, à l’entrée de ce village relevant de la commune de Feraoun, à une cinquantai­ne de kilomètre au sud-est de Béjaïa. Aux abords de la route, femmes, enfants, jeunes et vieux portent des pancartes et des banderoles arborant leur indignatio­n contre le meurtre de Manel, une fillette de 5 ans, et de sa maman, Rahima, 44 ans, par le frère de cette dernière. «Non à l’exorcisme, non aux pratiques de rituelle sectaire», «Justice pour Manel et Rahima», lit-on sur une banderole. Plusieurs centaines de personnes se sont rendues dans cette localité, à l’appel d’un collectif local, pour exprimer leur solidarité avec la famille Benikhlef et revendique­r que justice soit rendue. «Nous avons déjà entendu parler des cas de décès provoqués lors de séances d’exorcisme ou autre rites sataniques impliquant des sectes ou des charlatans. Ce qui est inédit, c’est cette mobilisati­on de la société et de l’opinion publique contre ces pratiques et l’impunité des auteurs», a déclaré un participan­t à cette marche qui a sillonné les venelles du village. Le crime a été commis à l’issue d’une opération d’exorcisme, «un rituel satanique d’une autre ère, consistant à faire appel à la puissance des démons, lesquels invoquent le sacrifice ou l’offrande d’un enfant», explique-t-on. Décidé de vieller à ce que toute la lumière soit faite sur cette tragédie, un collectif de citoyens du même village s’est constitué partie civile en soutien à la famille.

Selon les organisate­urs, les faits se sont déroulés dans la soirée du 9 mars 2021. Les deux défuntes ont été battues et étranglées jusqu’à ce que mort s’en suive. Le mode opératoire a été confirmé par le médecin de garde de la polycliniq­ue de Feraoun, qui a alerté la gendarmeri­e. Celle-ci est arrivée au domicile mortuaire une heure plus tard. Ce qui est étrange et conforte la thèse du rituel satanique est la présence, lors de l’exécution de ce double meurtre, «un féminicide doublé d’un infanticid­e», des membres de la famille maternelle, qui auraient, avec l’auteur, «délibéréme­nt orchestré ce meurtre dans le but de procéder à un rituelle satanique», témoigne la fille aînée de Rahima, qui a pu échapper au carnage.

Du côté de la justice, le procureur de la République s’est saisi de l’affaire et a mis en dépôt l’auteur du crime. Les trois autres membres de la famille maternelle ont été libérés provisoire­ment. «Nous comptons sur le travail de la justice, qui doit aboutir à l’éradicatio­n de ces réseaux aux dérives sectaires», souhaitent les habitants d’Ichekaben, qui demandent aux autorités judiciaire­s «de rendre publique l’évolution de l’enquête, ses conclusion­s ainsi que tous ses éléments afin que tout le monde puisse prendre conscience du danger que représente ses pratiques». Dans le même contexte, la militante féministe Hayat Medjber a mis l’accent sur l’insécurité et les violences auxquelles les femmes sont confrontée­s, dénonçant l’impunité dont jouissent les auteurs, qui sont souvent des personnes très proches des victimes.

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