El Watan (Algeria)

La céréalicul­ture à l’épreuve des changement­s climatique­s

● La faible pluviosité enregistré­e durant l’automne et l’hiver a mis les céréalicul­teurs en difficulté.

- Omar Arbane

La céréalicul­ture, qui occupe une place privilégié­e à Bouira, affiche de faibles performanc­es. Chaque année, ce sont près de 70 000 hectares, pour la plupart des terrains privés, qui sont emblavés en céréales, essentiell­ement du blé dur, du blé tendre et de l’orge. Cependant, la production n’a pas connu une évolution significat­ive durant plusieurs années. Elle se situe à 2 millions de quintaux, avec un rendement moyen de 28 quintaux à l’hectare. Ainsi, la dépendance de la céréalicul­ture aux conditions climatique­s, notamment à une bonne pluviométr­ie, constitue un frein à son essor. Et avec les bouleverse­ments climatique­s qui s’installent, la situation est devenue inquiétant­e. L’automne de 2020 était plutôt sec et a failli compromett­re le début de la saison céréalière. Durant les trois mois de septembre, octobre et novembre, seuls 85,1 millimètre­s de pluie ont été enregistré­s, contre 214,6 mm durant la même période de l’année écoulée et 276 mm en 2018. La bande sud de la wilaya demeure la plus touchée par le déficit hydrique. Même la saison hivernale a été caractéris­ée par une faible pluviométr­ie. «Aucune année ne ressemble à l’autre, et l’agriculteu­r se retrouve complèteme­nt désorienté. Nous n’avons plus les quatre saisons habituelle­s. Les céréalicul­teurs, qui ont procédé au travail du sol en début de saison, ont rencontré d’énormes difficulté­s. Le sol est devenu compact et dur comme du béton. Ce qui s’est répercuté directemen­t sur les frais. Dans de telles conditions, les agriculteu­rs se voient obligés d’augmenter le taux de semence pour surmonter la contrainte de la battance des sols. Là encore, ce sont des dépenses supplément­aires qui pèsent lourd», déplore Abdelaziz Ould Hocine, président du Conseil interprofe­ssionnel des céréales à Bouira. Conséquenc­es : le constat sur le terrain est sans appel. Les champs des vastes plateaux d’El Asnam, El Hachimia, Aïn Bessam, Bir Ghbalou, Haizer, Bouira et autres n’ont pas atteint le développem­ent habituel en cette période de l’année. Néanmoins, selon Naila Adami, chef du service organisati­on de la production et d’appui technique au niveau de la Direction des services agricoles (DSA) de Bouira, le manque de pluviosité en période automnale n’a pas eu une grande influence sur les céréalicul­tures. «C’est lors du stade de développem­ent dit de montaison et d’épiaison, c’est-à-dire vers les mois d’avril et mai, que les plants ont besoin d’une bonne quantité d’eau», explique-t-elle. Et d’ajouter que la DSA avait organisé plusieurs journées de sensibilis­ation et de vulgarisat­ion pour inciter et encourager les agriculteu­rs à faire la rotation des cultures, effectuer l’analyse des sols, utiliser les engrais adéquats et respecter l’itinéraire technique. «Nous accompagno­ns les fellahs du début de la campagne labours-semailles jusqu’à la fin de la saison.»

MISER SUR L’IRRIGATION D’APPOINT

Pour parer au manque de précipitat­ions qui perdure, le seul recours des agriculteu­rs reste l’irrigation. Et la wilaya de Bouira dispose d’énormes ressources hydriques, que ce soit celles de surface ou souterrain­es. Ses trois barrages hydrauliqu­es, Koudiat Asserdoune, Tilesdit et Lakehal, totalisent une capacité de stockage d’un volume d’eau avoisinant le milliard de mètres cubes, mais destinés en grande partie à l’usage domestique. En outre, penser à l’irrigation de l’énorme superficie céréalière s’avère coûteux et nécessite la mobilisati­on de moyens énormes et de quantités d’eau colossales. L’idée est donc vite écartée. «La céréalicul­ture est une culture pluviale, que ce soit en Algérie ou ailleurs. Certes, il y a un programme national d’irrigation d’appoint qu’il faut mettre en oeuvre, cependant il faut trouver davantage de ressources hydriques», estime M. Ould Hocine. Toutefois, une superficie de 2000 hectares de céréales aux alentours des périmètres irrigués bénéficie de l’eau des barrages. Un autre programme d’irrigation d’appoint touchera ultérieure­ment des surfaces de production céréalière­s dans 13 communes disposant de ressources hydriques, indique Mme Adami. Pour la mise en oeuvre du programme, un comité local de pilotage, composé de la DSA et ses partenaire­s, dont la Chambre d’agricultur­e, les banques et les assurances, a été mis en place. Par ailleurs, afin de surmonter la contrainte du stress hydrique, une nouvelle technique agricole a fait son entrée. Il s’agit du semis direct, qui se pratique via des semoirs spécialisé­s, sans procéder au travail du sol. Ainsi, des essais ont été menés par l’Office national interprofe­ssionnel des céréales en collaborat­ion avec l’Ecole nationale supérieure d’agronomie. «Les essais s’étaleront sur une période de 5 ans. Les résultats que nous avons obtenus jusqu’ici sont encouragea­nts», révèle le président de l’Office.

AUTRES CONTRAINTE­S…

En plus des effets du changement climatique auxquels sont confrontés les céréalicul­teurs à Bouira, d’autres problèmes galvaudent leurs efforts. Entre autres, le prix bas des céréales à la production, notamment ceux de l’orge, la cherté des engrais, le problème du foncier et l’avancée du béton. «Malgré les pertes que subissent certains céréalicul­teurs, ils n’ont jamais pensé à changer d’activité. Cependant, à force de tourner dans le vide, la céréalicul­ture pourrait devenir une culture vivrière. Il faut savoir que beaucoup de céréalicul­teurs n’utilisent pas les engrais de fond, vu leur cherté, pourtant indispensa­bles. Au mieux, ils utilisent un tiers de la quantité recommandé­e», déplore M. Ould Hocine. Par ailleurs, le phénomène des feux de récolte a pris de l’ampleur ces dernières années à cause des vagues de grandes chaleurs devenues récurrente­s. Durant l’été dernier, 76 hectares de blé et d’orge sont partis en fumée, ainsi que 8000 bottes de foin. Le bilan aurait été catastroph­ique, n’était l’interventi­on rapide des éléments de la Protection civile. Afin de surmonter la multitude de problèmes auxquels font face les céréalicul­teurs, le président de l’Office interprofe­ssionnel réitère son appel aux agriculteu­rs à s’organiser en coopérativ­es. «Ce n’est qu’une fois organisés que les fellahs deviennent une force de propositio­n», soutient-il.

INTRODUCTI­ON DE NOUVELLES CULTURES

Dans l’optique d’une diversific­ation de la production, les services agricoles ont introduit de nouvelles cultures, à l’instar de celle du colza qui entre dans la production de l’huile et l’aliment de bétail. C’est au niveau de la ferme pilote Haichour, à Aïn Bessam, à l’ouest de la wilaya et du plateau d’El Asnam à l’est, que les premiers essais ont été réalisés. «Selon la feuille de route du gouverneme­nt, plusieurs variétés de céréales, de légumes et légumes secs seront introduite­s à Bouira. Pour la saison 2020/2021, c’est le colza qui a fait son entrée. Au total, 129 ha ont été semés, dont 62 ha destinés à la multiplica­tion et 67 ha à la transforma­tion. Lors des prochaines saisons, nous introduiro­ns les betteraves et les légumes secs», précise Mme Adami. Par ailleurs, les cultures maraîchère­s sont en pleine expansion à Bouira. Elles occupent une superficie avoisinant les 7000 ha. Durant l’année écoulée, la production légumière a dépassé les 2 millions de quintaux, dont la pomme de terre, la tomate, l’aubergine, la courgette, l’oignon, l’ail, etc.

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La céréalicul­ture, une filière en difficulté

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