Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté
LC'est à ce vieux cliché, qu'avec tristesse ou dépit, nous restons rivés. Et qu'on cite chaque fois que les fondements de l'Etat sont secoués et que les tourments s'accumulent. C'est en évoquant ce départ raté que le peuple s'interroge sur ses libertés bafouées, depuis plus d'un demi-siècle, alors que la fin de la guerre, couronnée par une indépendance, vaillamment arrachée, lui promettait d'être affranchi de toutes les servitudes. A la charge des régimes successifs leur obsession du pouvoir, rien que le pouvoir. A la décharge de ce peuple, abandonné à la fatalité, ligoté et privé de ses droits, son impuissance à n'avoir pas sonné l'alarme contre les mauvaises gouvernances, marquées par l'autoritarisme, voire le despotisme, l'étouffement des libertés et l'intrusion de l'argent sale dans la sphère politique à travers une oligarchie de pacotille, sans foi ni loi, cupide et obsédée par la goinfrerie, qui a mené aux pires démesures, mettant toute notre économie et notre Etat en péril. Aujourd'hui, on est au milieu du gué. Le constat est que le déficit de confiance entre le sommet et la base n'est guère réconfortant, dans une société où la confiance reste la clef. Mais où est la clef ? On constate que l'Exécutif ne gouverne pas, mais gère les crises. Les difficultés sont ponctuellement résorbées, mais pas résolues. D'où la désagréable sensation de croire à la condamnable politique des cautères sur des jambes de bois. Par ailleurs, il ne faut pas que la fracture, déjà sérieuse, soit aggravée par une autre entre les «intégrés» ou les obligés et les «exclus», ce qui n'est pas de nature à répondre au renouveau civique et unitaire, dans un avenir collectif, marqué par un vivre-ensemble harmonieux, que l'Algérie nouvelle entend bâtir. Difficile exercice, quand on sait le passif lourd à porter, après tant de vilenies et de déconfitures. Il faut tout refaire, sur d'autres bases, d'autres paradigmes, pour affronter un monde nouveau, régi par d'autres codes, qui nous impose la solidarité et l'unité, pour relever les immenses défis qui nous attendent et affronter toutes les adversités. En s'inquiétant sérieusement de l'intrusion inopinée de la justice, dans le pré carré de l'Exécutif, car ceci n'est profitable ni à l'une ni à l'autre, au plan de l'éthique, de la responsabilité et de l'intérêt collectif. Dans cette situation, encore indéchiffrable, le mieux est qu'il y ait moins d'Etat et plus de «droits». Par exemple, l'Etat ne devrait pas se disperser et s'occuper d'autre chose que d'encadrer la société civile et son «observatoire», laissant le soin aux citoyens euxmêmes de s'organiser et de se prendre en charge. Car la citoyenneté ne se décrète pas... Tout le monde s'accorde à dire que nous vivons à une époque où la société a débordé le politique. L'un et l'autre ne parlent plus le même langage. Chez nous et vu les résultats peu flatteurs enregistrés jusque-là, il faut repenser profondément la fonction politique. Le renouveau, souhaité, ne saurait se faire avec les vieux chevaux de retour, déjà mieux placés dans les starting-blocks électoraux, pour plusieurs raisons, et que l'Histoire a mis, pourtant, au placard. Leur faiblesse déjà avérée entraînera, inévitablement, la faiblesse de l'Etat. Il ne faut pas que l'on soit en deuil de notre propre futur, malgré les tentatives répétées de l'évitement de la réalité. Le pessimisme, disait Alain, est d'humeur ; l'optimisme est de volonté. L'exigence exprimée par les gens de vivre en démocratie, a créé, pour eux, une obligation de s'intéresser à la chose publique. Car, pour reprendre Thucydide,
L'art politique, qui s'impose à tous, est de se connecter avec la réalité pour mieux l'appréhender et apporter les réponses idoines aux interrogations légitimes de la société.