El Watan (Algeria)

D’anciens présidents de commission devant la justice

- Nabila Amir

Il ne s’est pas passé une année, durant la décennie écoulée, sans que le dossier des oeuvres sociales du secteur de l’éducation nationale ne suscite la polémique, notamment en ce qui concerne son mode de gestion. Hier encore, l’opération électorale pour le choix des membres des commission­s de wilaya chargées de la gestion de l’argent des oeuvres sociales a fait tache d’huile, en raison de son boycott par plusieurs syndicats qui dénoncent la reconducti­on du même schéma qui a prévalu durant les années où l’UGTA avait la mainmise sur ce dossier. «Ces élections sont une mascarade. Avec l’argent des oeuvres sociales, estimé à des milliards de dinars, nous pouvons construire des hôpitaux, des logements… destinés aux travailleu­rs du secteur. Nous n’avons pas réalisé cet objectif, car il y a une mauvaise gestion, des détourneme­nts et des personnes étrangères au secteur qui bénéficien­t de cet argent», dénonce Boualem Amoura, président du Syndicat autonome des travailleu­rs de l’éducation et de la formation (Satef). Illustrant ses propos, M. Amoura révèle qu’en la date du 27 juin 2020, 27 anciens présidents de commission de wilaya des oeuvres sociales ont été entendus par la Commission nationale de lutte contre la corruption et leurs dossiers ont été transmis à la justice. Le 21 février 2021, précise-t-il, le juge d’instructio­n près le tribunal de Sidi M’hamed a entendu certains d’entre eux et l’enquête n’est pas terminée. M. Amoura pense que la liste risque de s’allonger, tant les enquêtes diligentée­s récemment par l’Inspection générale des finances (IGF) font état de «graves dysfonctio­nnements, de mauvaise gestion et surtout de détourneme­nt de fonds».

Pourquoi donc le Satef et d’autres syndicats, comme le CLA, le SNCCOPEN ou le Snapest rejettent et doutent de l’efficacité ces élections. Faut-il rappeler que ces élections ouvrent la voie pour la gestion de ce dossier, pour trois ans, à la commission nationale qui sortira des urnes et remplacera celle dont le mandat a expiré en août 2019. Meziane Meriane affirme qu’il existe un vice de forme : «C’est vrai que l’UGTA s’est dessaisie de ce dossier que les syndicats autonomes ont récupéré, mais le problème de sa gestion persiste tant les textes de fonctionne­ment n’ont pas changé.» M. Meriane, à l’instar de M. Amoura et plusieurs autres syndicats, réclame une gestion décentrali­sée des fonds des oeuvres sociales et non centralisé­e comme c’est le cas actuelleme­nt. Les partisans de la décentrali­sation s’appuient dans leur argumentai­re sur le décret présidenti­el 82-303 du 11 septembre 1982, qui stipule que «la gestion des oeuvres sociales est assurée par les travailleu­rs de l’organisme employeur, par l’intermédia­ire de leurs représenta­nts et dans le cadre d’organes et de structures créés à cet effet.

La décentrali­sation nous permet un contrôle approximat­if et transparen­t de cet argent et de cette manière, seuls les travailleu­rs du secteur en bénéficier­ont». Et Amoura de s’interroger : «Pourquoi la gestion de toutes les commission­s des oeuvres sociales de différents secteurs de la Fonction publique est confiée aux différente­s institutio­ns suivant un mode de gestion décentrali­sée, à l’exception de l’Education ?» «Cette concentrat­ion des pouvoirs est à l’origine de dérapages. Au Snapest, nous revendiquo­ns un référendum sur la question de la décentrali­sation. Les concernés devront répondre par oui ou non», propose Meriane. Nombreux sont les syndicats qui s’insurgent contre la gestion opaque de cet argent. «Beaucoup d’argent est dépensé dans le tourisme religieux hadj et omra, dans les primes de départ à la retraite, et ce, au détriment des besoin réels, notamment médicaux du personnel du secteur et de leurs ayants droit, comme les veuves et les orphelins», déplore M. Amoura qui remet en cause le bilan moral et financier présenté chaque fin de mandat, soit après trois ans, par les commission­s, alors que selon la loi le bilan doit être annuel.

Par ailleurs, M. Amoura compte déposer plainte dans une semaine auprès du Conseil d’Etat pour demander l’annulation de ces élections qui sont organisées avec la bénédictio­n du ministère de l’Education. «Ces élections n’ont aucun ancrage juridique», se défend-il. Notons que les syndicats ont été destinatai­res d’une note ministérie­lle expliquant les règles à suivre pour l’élection des membres de la commission.

Newspapers in French

Newspapers from Algeria