Une délégation européenne rencontre le président turc
L Entre la Turquie et l’UE, il y a plusieurs sujets qui fâchent : le contentieux maritime gréco-turc en Méditerranée orientale, le rôle de la Turquie dans les conflits en Syrie, en Libye et plus récemment au Nagorny Karabakh.
Après une année de tension, les dirigeants de l’Union européenne (UE) ont entamé hier une visite en Turquie pour donner un nouveau départ aux relations entre Ankara et Bruxelles. La visite intervient peu de temps après le retrait controversé de la Turquie d’un traité de lutte contre la violence faite aux femmes et du lancement d’une procédure judiciaire pour interdire le parti prokurde HDP, troisième grande formation politique du pays.
Ainsi, le président du Conseil, Charles Michel, et la présidente la Commission, Ursula von der Leyen, ont rencontré le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pour discuter du processus de la reprise graduelle des relations multiformes entre les deux parties. Lors d’une conférence de presse après avoir rencontré le président Erdogan à Ankara, Charles Michel a affirmé lui avoir transmis «les profondes inquiétudes» de l’UE quant aux violations des droits. «L’Etat de droit et le respect des droits fondamentaux sont des valeurs essentielles de l’UE», a-t-il déclaré, selon des propos recueillis par l’AFP. «La Turquie doit respecter les droits humains», a déclaré Ursula von der Leyen, regrettant notamment le récent abandon par la Turquie de la Convention dite d’Istanbul contre la violence faite aux femmes. «Je suis profondément préoccupée par le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul. C’est un mauvais signal», a-t-elle observé. Les deux dirigeants européens ont toutefois affirmé que la Turquie demeure «un partenaire important» de l’UE et souligné son rôle dans l’accueil de réfugiés, notamment syriens. Les responsables turcs ont multiplié les appels au dialogue avec les Européens. En janvier, le président Erdogan s’est dit prêt à «remettre sur les rails» les relations entre la Turquie et l’Union européenne, «Faire de 2021 une année de succès pour les relations entre l’UE et la Turquie est à notre portée. Nous pouvons y arriver en travaillant avec une vision à long terme, loin des préjugés et des appréhensions», a-t-il observé.
Cette déclaration intervient après le sommet de décembre des dirigeants de l’UE à Bruxelles. Sommet au cours duquel ils ont décidé de sanctionner les actions «illégales et agressives» de la Turquie en Méditerranée contre la Grèce et Chypre. Le sommet a adopté des sanctions individuelles censées viser des personnes impliquées dans les activités d’exploration menées par la Turquie en Méditerranée orientale.
Entre la Turquie et l’UE, il y a plusieurs sujets qui fâchent : le contentieux maritime gréco-turc en Méditerranée orientale, le rôle de la Turquie dans les conflits en Syrie, en Libye et plus récemment au Nagorny Karabakh. Autres points de discorde : Ankara plaide en faveur de la création de deux Etats à Chypre, alors que Bruxelles soutient une réunification de l’île sous forme d’Etat fédéral. Chypre est divisée depuis l’invasion en 1974 de son tiers nord par l’armée turque en réponse à un coup d’Etat visant à rattacher l’île à la Grèce. Entre-temps, Ankara attend une modernisation de l’accord de l’Union douanière signé en 1995 et une mise en avant de la vocation de la Turquie à rejoindre l’UE en tant que pays candidat. Il souhaite aussi le renouvellement de l’accord signé en 2016 avec l’UE et ayant permis de réduire considérablement le passage de migrants vers l’Europe depuis la Turquie, qui a reçu en contrepartie une importante aide financière. La Turquie accueille près de quatre millions de réfugiés et de migrants, la plupart des Syriens. Ankara reproche à Bruxelles de n’avoir versé que 3,7 milliards d’euros d’aide pour l’accueil des migrants sur les 6 milliards promis. Les Européens reprochent à Ankara d’avoir arrêté de reprendre les migrants en situation irrégulière sur les îles grecques depuis le début de la pandémie de coronavirus.
Amnay Idir