La moitié des molécules innovantes enregistrées ne sont pas disponibles
PRISE EN CHARGE DES CANCERS
Le Salon d’information sur le cancer organisé par l’association El Amel d’aide aux malades cancéreux du CPMC en collaboration avec le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a pris fin jeudi dans l’espoir pour les organisateurs d’atteindre les objectifs assignés par cette rencontre nationale. Sensibilisation et information sur tous types de cancers, la prévention, le dépistage et la prise en charge de cette maladie sont autant de thèmes développés lors de ces trois journées de rencontre entres spécialistes, malades et associations. Des ateliers grand public, tables rondes, formation des médecins et des paramédicaux ont traité principalement de la prévention jusqu’à la prise en charge thérapeutique en passant par le stade du diagnostic pour lequel les malades arrivent souvent au stade tardif. La pandémie de la Covid-19 n’a fait que compliquer la situation depuis une année. Ce qui a conduit au recul de diagnostic de nouveaux cas, le retard dans le suivi thérapeutique et le manque de médicaments, d’où l’augmentation de la mortalité, a souligné le Pr Mokhtar Hamdi Cherif, coordonnateur des registres nationaux du cancer. Outre les conférences portant sur les différentes localisations et leur prise en charge, l’accès aux soins reste le point focal de toute la problématique liée à la prise en charge du cancer, notamment les traitements innovants. Une évaluation sur l’impact des délais d’accès aux traitements innovants pour le traitement du cancer du poumon et du sein en Algérie présentée par le Dr Ahcène Zehnati, économiste de la santé et directeur de recherche au CREAD, a montré que ces molécules restent encore inaccessibles pour les cancéreux algériens pour nonenregistrement. Après avoir rappelé l’incidence de ces deux localisations en nette augmentation chaque année, le spécialiste a souligné la lenteur dans l’enregistrement de ces thérapeutiques innovantes, dont certaines sont enregistrées mais non encore disponibles sur le marché. Dans le cancer du sein, le Dr Zenhati a indiqué que 8 molécules étaient enregistrées par le ministère de la Santé, mais seulement quatre d’entre elles sont disponibles au niveau hospitalier. Pour le poumon, il signale que sur 7 produits enregistrés, trois sont uniquement disponibles. «Ce qui réduit considérablement les chances de guérison pour les malades puisque ces thérapeutiques permettent d’augmenter la survie et gagner en qualité de vie», a-t-il noté en rappelant que ce sont des molécules coûteuses mais «les bénéfices engendrés sont importants». Il rappelle que les conclusions de l’étude d’impact sur la vie économique et sociale à travers ces deux localisations cancéreuses sont vraiment importantes, notamment sur les arrêts de travail d’où absence de productivité. «Les deux pathologies ont coûté à l’Etat d’après une estimation globale 4 millions d’euros en 2018», selon les conclusions de l’étude sans compter tous les paiements directs des ménages, notamment lorsqu’il s’agit des explorations et analyses médicales. Sur ce chapitre, les chiffres donnent réellement froid dans le dos. Selon le Dr Zenhati, la part des ménages est passée de 28% en 2000 à 34,1% en 2018 alors que la part de la CNAS se situe à 26,3% et l’apport de l’Etat est de 39,6%. Quant aux assurances privées, elles étaient estimées à 2,2% en 2000 pour atteindre 1,5% en 2018. «Il s’agit d’un gisement qu’il va falloir exploiter et penser à élaborer une nouvelle approche pour le financement de la santé», a-t-il indiqué tout en évoquant le Fonds cancer qui peut être d’un grand apport pour la prise en charge des patients. D’autres pistes peuvent être également exploitées telles que la contractualisation avec les caisses de la sécurité sociale, comme cela a été fait pour certaines pathologies lourdes, notamment les maladies cardio-vasculaires, l’hémodialyse, les accouchements, etc. Rendre l’accès facile aux thérapies innovantes pour sauver des vies et offrir aux patients une meilleure qualité de vie passe aussi, selon lui, par d’autres processus réglementaires et préconisés pour l’optimisation des dépenses, en l’occurrence le système prix/volume ou les contrats de performance avec les firmes pharmaceutiques. L’économiste de santé n’écarte pas dans ses recommandations l’idée de mettre certains médicaments en officines pour cette catégorie de malades dont la prise en charge sera assurées par la CNAS et l’assurance complémentaire (privée), adopter des processus accélérés d’enregistrement des molécules déjà validées par les agences internationales (FDA et EMA), dissocier le financement de ces produits de l’enregistrement pour réduire les délais, relancer les Autorisations temporaire d’utilisation (ATU) pour faciliter l’accès à ces innovations, favoriser les essais cliniques pour en faire bénéficier des patients et adopter des consensus thérapeutiques.