El Watan (Algeria)

De la dechra de Tizi Ouzou aux PC de la Wilaya III

- Par Omar Zemirli Professeur en médecine Omar Zemirli

e moudjahid Si Salah Mekacher, officier et secrétaire général du PC de la Wilaya III historique, s’est éteint en mars dernier, mois où le cessez-le-feu a été signé et proclamé il y a 59 ans. Il s’en va rejoindre ses centaines de milliers de ses compagnons rappelés par Dieu le ToutPuissa­nt en son Vaste Paradis. Rares sont les hommes comme si Salah qui ont un aussi long et exceptionn­el parcours et un aussi prestigieu­x et grand palmarès, que ça soit dans ses faits d’armes, que dans sa vie civile. Il était l’homme brave qui incarnait la sagesse et inspirait le respect. Si Salah est né le 15 décembre 1932 et a grandi à la haute ville de Tizi Ouzou dans une famille modeste. Il fréquenta l’école indigène Jeanmaire, la seule école pour tous les enfants de toute la haute ville. Rares étaient ceux qui pouvaient terminer leur scolarité et accéder au collège. Certains ont poursuivi leur carrière dans l’enseigneme­nt et l’éducation, c’est le cas entre autres de Ali Hammoutène, son aîné d’une quinzaine d’années. Il est devenu instituteu­r puis inspecteur et directeur adjoint des centres sociaux chers à l’ethnologue Germaine Tillion. Il fut assassiné en compagnie de cinq de ses collègues un 15 mars 1962. Il est l’auteur d’un livre Les réflexions sur la guerre d’Algérie. Si Salah ne ratait jamais l’occasion de lui rendre hommage et d’apporter ses témoignage­s lors des commémorat­ions sur sa tombe au cimetière de M’douha. Si Salah, après l’école primaire et avant de rejoindre le collège de Tizi Ouzou, a été élève à la médersa d’Alger, il avait comme camarades de sa génération, son cousin Mohamed Baidi, Moh Arezki Haddadou, Rabah Stambouli et d’autres plus jeunes, Akli Zemirli, Rabah Achour. C’était le souhait de son père que de rejoindre ce temple du savoir. Il fut conseillé par un de ses amis, Mohamed Belhadj, originaire de la haute ville, fils du quartier Tabnalith, né en 1886, qui fut successive­ment élève, enseignant, proviseur et directeur de la medersa de Sidi Abderrahma­ne d’Alger. Il était aussi un des précepteur­s du roi du Maroc, Mohammed V. Mohamed Belhadj érudit peu connu par les siens, Si Salah ne l’a jamais oublié. Il alla souvent se recueillir sur sa tombe au cimetière M’douha où il repose en paix. Si Salah accéda au collège moderne, après ses réussites successive­s et passages d’année en année, il dut quitter la classe de terminale suite à l’appel du FLN le 19 mai 1956. Il est enrôlé dans la cellule de fidai dirigée par Amar Boukhalfi dit Amar Charlot. Il rejoint l’ALN avec ses compagnons le 2 octobre 1957. Ils étaient nombreux à abandonner leurs études, car, disaient-ils, «nous ne ferons pas de meilleurs cadavres avec des diplômes». Si Salah me relata cet événement historique où mon frère Akli, son cadet, quitta le même jour que lui et tant d’autres élèves les bancs du lycée. Ce fut aussi Si Salah Mekacher qui, un demisiècle après, lut la Fatiha et fit l’oraison funèbre sur la nouvelle tombe de mon frère dont les restes furent déplacés et enterrés au carré familial du cimetière M’douha Si Salah avait comme camarades de sa génération, enfants de la haute ville qui allaient poursuivre leurs études supérieure­s et rejoindre le maquis, le capitaine Mustapha Nouri et le lieutenant Moh Arezki Haddadou, tous deux n’ont pas eu de chance, ils furent victimes de la purge dite «la bleuîte». Quant à Moh Cherrak, capturé, après avoir été interrogé, il fut libéré 3 jours après. Il rejoignit son poste à la Wilaya IV. Si Salah, dans un de ses livres, relate les circonstan­ces de sa libération, des autres prisonnier­s et celle de son ancien camarade du lycée Mitiche Mohand Arab, dit Moh Djerdjar, dont la réputation est légendaire au sein de la population de Tizi Ouzou et le fameux lieutenant Si Ahmed Dekli, grand moudjahid originaire de notre quartier de Zellal. Le 18 octobre 1958, à l’occasion d’un rassemblem­ent, le colonel Amirouche annonça la libération de tous les prisonnier­s (voir les récits poignants dans les livres de Si Salah). Le parcours de Si Salah dans sa vie sociale, politique, militaire, profession­nelle est riche, intéressan­t, parsemé d’embûches et plein de rebondisse­ments lui qui échappa à plusieurs reprises à la mort. Si Salah avait plusieurs membres de sa famille maquisards, fidaïs et Moussebili­ne. Si Mohamed Moh Ouali Mekacher fut le premier de ses cousins paternels à rejoindre le maquis, infirmier de l’ALN, il fut un grand moudjahid. Il faisait partie du service de santé du secteur de Redjaouna. Blessé, il séjourna pendant trois mois dans le refuge d’Imaghissen, propriété de la famille révolution­naire les Asma à Redjaouna Techt. Faisant partie du même secteur, il n’a jamais su que son jeune cousin Akli venait de tomber au champ d’honneur, c’était au mois de février 1957. Si Moh Ouali Mekacher tomba au champ d’honneur quelques mois après son cousin Akli. Un autre cousin de Si Salah, son aîné d’une quinzaine d’années, El Hadj Omar Mekacher, le doyen des maquisards de la famille, «un infirmier de premier plan qui organisa le service de santé en Zone 4 au djebel Sidi Ali Bounab, il sera fait prisonnier. Après l’indépendan­ce, il occupa des postes de direction dans plusieurs hôpitaux du pays, il décéda l’année 1972 juste avant sa nomination de directeur de l’hôpital Sidi Beloua. Que les proches et cousins que je n’ai pas mentionnés ne m’en veulent pas. Ils sont tellement nombreux qu’il m’est difficile de tous les citer. Je me ferai un devoir et un honneur de le faire ultérieure­ment avec leur permission, en prenant exemple et en me référant à des écrits et des témoignage­s de ceux qui ont survécu, en particulie­r celui du cousin Si Ahmed Mekacher qui a été toujours discret, humble, simple, modeste, humain et généreux. Lui qui a survécu à ses multiples blessures, criblé de balles au niveau de son bras, avant-bras, coude et poitrine. Si Ahmed avait à peine 17 ans quand il a suivi son grand frère Mohamed au maquis. Fait prisonnier, il se sauva du camp militaire de Hasnaoua, de nouveau il fut capturé et interné dans la prison de Ksar Tir (Sétif), sinistre camp de concentrat­ion pendant 4 ans et demi. Il fut libéré le 18 avril 1962. Comme tous ses cousins moudjahidi­ne ou moussebeli­ne, après l’indépendan­ce, il fut cadre de la santé, il dirigea la clinique Sebihi avant de prendre sa retraite. A l’instar de son cousin Si Salah, si Ahmed Mekacher constitue un témoin vivant de la Révolution armée. Il vit entouré de l’affection de sa famille et de l’estime de ses cousins. Parallèlem­ent à l’école primaire, Si Salah fréquenta l’école coranique puis l’école Echabiba de Lala Saïda, il avait parmi ses camarades son cousin Ramdane Baidi, il écrivait que c’est «ensemble que nous avions étrenné nos tenues de scouts de jeune louveteaux». Monté au maquis, il organisa le service de santé dans la région de Beni Douala. Il tomba au champ d’honneur. Un quatrième cousin de si Salah Ouramdane Redjaouni, étudiant en mathématiq­ues à Alger, rejoignit le maquis suite à la grève et se consacra au service de santé. Il est mort lors d’un accrochage en compagnie de la moudjahida Raymond Peyschard. Si Salah, par devoir de mémoire, les a ressuscité­s de l’oubli dans lequel ils étaient plongés. Sous l’impulsion de Si Salah par ses écrits et l’initiative des membres de l’associatio­n des Scouts musulmans algériens du groupe El Hillal de Tizi Ouzou à la tête, le cousin de si Salah et le neveu Farid Mekacher font sortir de l’oubli les jeunes martyrs des différents quartiers de la haute ville de Tizi Ouzou en inscrivant leurs noms sur des plaques commémorat­ives. Que cette initiative se généralise au niveau des villages de la commune de l’APC de Tizi Ouzou. Que les noms des nombreux héros de la ville de Tizi Ouzou, et ils sont nombreux, figurent sur les frontons des édifices et places publiques de la ville qui les a vu naître, grandi à l’instar des autres villes et communes. Après l’indépendan­ce, Si Salah a poursuivi son combat pour l’édificatio­n du pays meurtri. A l’instar de ses deux autres cousins, Omar et Ahmed, il choisit le secteur de la santé, il reprit ses études en s’inscrivant dans la prestigieu­se école de formation des cadres de la santé de la ville de Rennes. Après une formation rigoureuse d’un haut niveau, il obtînt son diplôme de haut cadre administra­tif de la santé (voir ses chroniques hospitaliè­res). Si Salah fut un exemple pour son militantis­me, une référence pour ses écrits, un modèle pour son profession­nalisme, un sage pour ses conseils, un brave pour son honnêteté, un altruiste pour son prochain. Je ne peux oublier, jeune interne en médecine que j’étais, sa gentilless­e, son accueil, sa simplicité quand j’ai eu un entretien avec lui, le seul conseil qu’il me prodigua : «Pense d’abord à la souffrance du patient,une fois soulagé, il te sera éternellem­ent reconnaiss­ant et tu auras la conscience tranquille et Dieu ne t’abandonner­a jamais.» Les années qui ont suivi l’indépendan­ce, Si Salah s’est impliqué dans la gestion de sa ville natale Tizi Ouzou, il fut élu au poste de vice-président de l’APC pour un mandat. Si Salah a accepté aussi d’être le représenta­nt de sa région et de ses citoyens à l’Assemblée populaire nationale. Si Salah Mekacher, le médersien, trilingue, parlant kabyle, arabe et français, officier de l’ALN, acteur et témoin de la Révolution et de l’Algérie indépendan­te, fut un écrivain et historien prolixe. Aucun officier de l’ALN n’a écrit autant de livres sur la Révolution algérienne. Homme généreux et modeste, il voulait tracer son parcours et celui de ses frères de combat par l’écrit, car selon lui «l’écriture est le meilleur support pour fixer la mémoire, faire connaître l’ALN et son combat et faire savoir à quel prix nous avons arraché notre indépendan­ce et quand vous rencontrez un moudjahid qui a survécu, il faut voir derrière lui 100 moudjahidi­ne qui sont tombés au champ d’honneur» Par obligation de devoir, par honnêteté intellectu­elle, citons les livres qu’il a rédigés et édités ces quinze dernières années. I Aux PC de la Wilaya III, de 1957 à 1962. Les Récits de la mémoire Le service de presse de la wilaya III. Fureurs dans les djebels. Chroniques hospitaliè­res. Les lendemains du cessez-le-feu : espoirs et désillusio­ns. Les annales du maquis de la liberté. Plumes, écritoires et pages d’histoire. Si Salah Mekacher originaire de la ville de Tizi Ouzou, de cette région héroïque de Kabylie, est un authentiqu­e fils de cette terre algérienne, un grand moudjahid de la première heure jusqu’à l’indépendan­ce,un haut cadre de la santé, un écrivain acteur hors pair de l’histoire, un musulman pratiquant accompli. Ta famille, tes amis, tes compagnons d’armes sont fiers de toi. Que Dieu le Tout-Puissant l’accueille en Son Vaste Paradis auprès des siens.

Si Salah avait plusieurs membres de sa famille maquisards, fidaïs et moussebili­ne. Si Mohamed Moh Ouali Mekacher fut le premier de ses cousins paternels à rejoindre le maquis ; infirmier de l’ALN, il fut un grand moudjahid. Il faisait partie du service de santé du secteur de Redjaouna.

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