«Lever le verrou des archives, une première étape indispensable»
Réagissant, à notre demande, à la tribune publiée dans le Journal du Dimanche par neuf députés français* (El Watan d’hier lundi, ndlr), Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements, et Jean-Marie Collin, expert, tous deux co-porte-parole de Ican France, nous ont indiqué que cette tribune était «une adresse au président Macron pour faire avancer l’ouverture des archives françaises sur le nucléaire, à l’heure actuelle ‘‘incommunicables’’.» Ce qui permettrait enfin «de mieux évaluer les conséquences des essais nucléaires réalisés par la France entre 1960 et 1967». En effet, les députés français ont indiqué dans leur tribune que «pour obtenir un début d’information objective sur ce sujet et engager la résolution de cette crise sanitaire et environnementale, il vous appartient, M. le Président, avec le gouvernement, de faire sauter le verrou législatif en déposant un projet de loi qui viendrait modifier l’article 17 de la loi du 15 juillet 2008 (et non 2018 comme écrit par erreur dans l’édition d’El Watan d’hier, ndlr) relative aux archives . ... L’ouverture réelle des archives est une première étape indispensable. Elle serait également un gage de votre bonne volonté vis-à-vis des autorités algériennes qui considèrent à juste titre cette question comme prioritaire». Faisant remarquer que cette tribune s’inscrivait aussi dans le cadre intergouvernemental de la 5e CIHN, les deux co-présidents d’ICAN-France nous ont affirmé qu’ils regrettaient sa non-tenue, d’autant plus que «quelques jours auparavant, le chef d’état-major de l’armée nationale populaire, le général Saïd Chengriha, dans une rencontre avec son homologue français, le général François Lecointre, avait fait des demandes fortes sur la réhabilition des anciens sites d’essais nucléaires». «Évidemment, ces paroles sont positives, mais l’Algérie pourrait également réaliser certaines étapes comme, par exemple, la publication d’un rapport sur les questions mémorielles à l’instar de celui publié par M. Benjamin Stora en France. Enfin, pourquoi pas aussi, d’ores et déjà, au vu des déclarations précitées du général Chengriha ou encore de différents ministres algériens, ces derniers mois, de mettre en place un organisme en charge de l’assistance et de la réhabilitation des sites contaminées. Cela permettrait très certainement d’engager une nouvelle démarche vis-à-vis des populations concernées». Patrice Bouveret et Jean-Marie Collin nous ont aussi affirmé qu’ils vont poursuivre le travail avec les députés français signataires de la tribune de façon à élargir le nombre de parlementaires qui prendraient des initiatives et interpelleraient le gouvernement français. Ils ont été, il y a quelques semaines, d’ailleurs, auditionnés par des députés dans le cadre d’un groupe de travail de la Commission des affaires étrangères. «Nous aimerions développer également des relations avec des parlementaires algériens pour voir avec eux ce qu’il est possible également de faire», ont-ils ajouté. «Nous avons déjà eu un échange avec deux députés algériens, sauf que maintenant il faut attendre les prochaines élections au Parlement pour reprendre ce travail de contact.» Les deux experts et lanceurs d’alerte souhaitent enfin que le groupe de travail algérofrançais, qui doit se réunir le mois prochain, organise par exemple des auditions ou une visite sur les sites avec des experts indépendants.
*Les députés signataires : Moetai Brotherson, député (Gauche Démocrate et Républicaine - GDR) de Polynésie française ; François-Michel Lambert, député (Liberté et Territoires-LT) des Bouches-du-Rhône ; Jean-Paul Lecoq, député (GDR) de Seine-Maritime ; Paul Molac, député (LT) du Morbihan; Sébastien Nadot, député (LT) de Haute-Garonne ; Mathilde Panot, députée (La France Insoumise - LFI) du Val-de-Marne ; Aurélien Taché, député (Non Inscrits) du Val-d’Oise ; Maina Sage, députée (Agir Ensemble - AE) de Polynésie française ; Cédric Villani, député (NI) de l’Essonne