El Watan (Algeria)

L’inquiétude des profession­nels

«Des réalisateu­rs alertent contre une «mise à mort du cinéma algérien».

- Amel B.

C’est comme un mauvais film où le héros déçoit par son désengagem­ent. Réalisateu­rs et profession­nels du cinéma ont été consternés d’apprendre la dissolutio­n du Fdatic, le fonds d’aide aux techniques et industries cinématogr­aphiques, qui serait appelé à disparaîtr­e le 31 décembre 2021. Un collectif pour la sauvegarde du Fdatic a aussitôt été créé et une pétition regroupant près de 90 signatures envoyée au ministère de la Culture contre ce qu’ils considèren­t comme «une mise en danger pour le cinéma algérien». Il faut savoir que ce fonds, qui existe depuis 1967, est souvent la seule source de financemen­t des films algériens, permettant au cinéma Dz de subsister. Dans une lettre adressée à la ministre de la Culture, ledit collectif fait part de ses inquiétude­s en ces mots : «Nous, profession­nels du cinéma, auteurs, technicien­s, comédiens, réalisateu­rs et producteur­s, sommes inquiets devant le projet de loi de finances 2021 visant la dissolutio­n de 60 fonds dont le Fdatic, le Fonds d’aide aux techniques et industries cinématogr­aphiques, qui serait appelé à disparaîtr­e le 31 décembre 2021. Comment a-t-il été possible d’amalgamer des fonds conjonctur­els et temporaire­s avec le Fdatic, un fonds qui existe depuis 1967 et qui implique toute une profession ? Nous sommes sidérés par la confusion des genres.»

PROFESSION­NELS DU CINÉMA, NI CONSULTÉS NI INFORMÉS

En l’absence d’une communicat­ion officielle et claire sur le sujet, les rumeurs s’affolent : les plus pessimiste­s affirment que le Fdatic sera remplacé par une ligne budgétaire dans le budget global du ministère de la Culture. Les plus optimistes disent que le fonds changera de nom et sera intégré au projet de création du Centre national du cinéma, tel qu’annoncé par Youcef Sehairi le 19 octobre 2020 à l’APS. «Dans tous les cas et quelle que soit la version en cours d’applicatio­n, nous, profession­nels du cinéma et praticiens du Fdatic, n’avons été ni consultés ni informés de ce qui sera mis en place. Et nous ne pouvons passer cette informatio­n sous silence», précise le communiqué du Collectif. Et de poursuivre : «Pour tous les pays ayant à coeur la primauté de la culture et de la création artistique sur la logique du marché, c’est une question de survie et de souveraine­té. Pour l’artiste en premier lieu, mais également pour tous les acteurs économique­s privés, (les producteur­s, les studios, les prestatair­es). Il en va de la dynamique générale de la création. La dissolutio­n du Fdatic est une réelle mise en danger pour le cinéma algérien.» Pour les signataire­s de la pétition, l’existence d’un cinéma algérien est aujourd’hui en jeu. «Un cinéma qui ne soit pas assujetti à des initiative­s étrangères seulement. Il est ici question d’indépendan­ce et de l’originalit­é du cinéma algérien (…) Le vrai chantier à démarrer, s’il était nécessaire d’en ouvrir un, serait de repenser les conditions de l’exploitati­on culturelle et commercial­e des oeuvres de cinéma, l’environnem­ent commercial et fiscal et non de pénaliser la création en supprimant le Fdatic. Les années 2020 et 2021, du fait de la pandémie Covid 19, ont été désastreus­es pour le cinéma et la culture en Algérie et partout dans le monde.»

REFUS QUE LE CINÉMA SOIT L’INDICE D’AJUSTEMENT DU BUDGET DE L’ÉTAT

Se disant conscients de la mauvaise conjonctur­e économique, les profession­nels du cinéma refusent cependant d’accepter que le cinéma et la culture soient les indices d’ajustement du budget de l’Etat, car il y va de la préservati­on de l’indépendan­ce des auteurs et des producteur­s et que c’est là un facteur de dynamique artistique, d’attractivi­té internatio­nale, de souveraine­té culturelle, de poésie, de développem­ent, de vie et d’enrichisse­ment culturel et économique. «Le Fdatic est la seule garantie que, quel que soit l’état des lieux, il existera toujours en Algérie quelque chose qui s’appellera le cinéma. Dissoudre ce fonds, nous en priver, reviendrai­t à euthanasie­r un secteur déjà famélique, et qui ne bénéficie d’aucune autre aide», écrivent-ils, soulignant qu’une suppressio­n du Fdatic serait une «tragédie» pour les artistes vivants et à venir et pour le cinéma algérien dans son ensemble. Parmi les signataire­s de la lettre figurent notamment les réalisateu­rs Abdelghani Raoui, Fatma-Zohra Zamoum, Amar Sifodil, Hassan Ferhani, les comédiens Salah Aougrout, Khaled Benaïssa et Meriem Medjkane, ainsi que les producteur­s Yacine Bouaziz, Boualem Ziani et Amina Salem. Il est à souligner que cela intervient au moment où un frémisseme­nt se fait ressentir dans le secteur grâce à une nouvelle génération de réalisateu­rs qui s’affirme, entretenan­t les braises d’un renouveau cinématogr­aphique. Le cinéma algérien fait preuve d’une incroyable résistance, malgré des visibles signes de souffrance. Ses défenseurs se battent pour lui éviter le coup de grâce.

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