Les ratés du pouvoir
Aussi loin qu’il remonte dans le temps, le mois de carême (Ramadhan ou jeûne) s’annonce toujours dans une ambiance frénétique. Cette particularité exalte l’esprit en même temps qu’elle purifie le corps des excès cumulés et les sens de toutes les tentations aguichantes. De nos jours, l’effervescence que suscite ce mois sacré se résume en l’appât du gain facile fortement encouragé par le comportement démesuré du citoyen. La razzia opérée sur les produits de consommation ne trouve aucune explication rationnelle. Même la mise en confinement de la population, pour cause de la pandémie de coronavirus, n’a pas déclenché autant de frénésie dans l’achat et le stockage de produits alimentaires. La théorie de l’offre et de la demande est relayée par les commerçants pour tenter de se disculper de l’augmentation exponentielle des prix affichés. Il demeure que les rumeurs distillées dans un temps précis, au sujet de pénuries projetées de certains produits de large consommation, font le lit des spéculations attendues. C’est bien le cas de l’huile de table qui tient en haleine le citoyen. La confrontation entre producteurs, distributeurs, détaillants et consommateurs ne démêle pas encore l’écheveau de cette rocambolesque histoire toute ramadhanesque. La disponibilité des autres produits agricoles ne les met pas pour autant à l’abri de la flambée des prix. Des fruits et des légumes de saison sont inaccessibles aux familles à revenus modestes, même au niveau des marchés réputés populaires. La cupidité des uns se nourrit de la démesure des autres à l’occasion du mois de piété censé tempérer les comportements mus par des considérations purement matérialistes. Pour cette année marquée par les effets de la pandémie, la situation des ménages est grandement amenuisée. Les répercussions négatives sur le monde du travail ont fortement ébranlé le pouvoir d’achat des millions de familles algériennes, à l’instar du reste du monde. Il va sans dire que cette nouvelle donne impacte doublement l’accueil de ce mois spirituel. Aux difficultés financières quasi insupportables, s’ajoutent les restrictions imposées par les mesures de prévention sanitaire. Les sorties nocturnes agrémentées par des concerts de musique et autres manifestations culturelles n’égayeront pas les soirées ramadhanesques tant appréciées autrefois. Il en sera de même pour les prières des Tharawih animant les mosquées durant des heures. Juste le minimum sera toléré en étroit respect des règles de prévention sanitaire. La responsabilité individuelle doit veiller sur l’intérêt collectif en attendant la généralisation de la vaccination à travers le territoire national. Un goût d’inachevé marquera implacablement les inconditionnels des regroupements familiaux autour de la meïda du ftour. Il en sera de même de la disparition des points de chute des sans-abri habitués à un plat chaud servi par des volontaires à chaque coin de rue de la ville. Comme à l’accoutumée, le spectre des pénuries, l’anarchie des prix n’ont pu être évités par les pouvoirs publics. En somme, un énième test raté par succession !