El Watan (Algeria)

Des militaires d’active brandissen­t le spectre d’une «guerre civile»

- Paris / De notre bureau Nadjia Bouzeghran­e

l Après la tribune de généraux à la retraite le 21 avril, ce sont cette fois 2000 militaires d’active qui lancent un appel au chef de l’Etat français, sous le couvert de l’anonymat, «pour la survie de notre pays» ouvert aux signatures face au «délitement» de la France. Les premiers comme les seconds ont choisi les colonnes du très droitier magazine Valeurs actuelles. Les deux tribunes évoquent le spectre d’une «guerre civile» et n’écartent pas une interventi­on de l’armée.

Agissez, Mesdames et Messieurs. Il ne s’agit pas, cette fois, d’émotion sur commande, de formules toutes faites ou de médiatisat­ion. Il ne s’agit pas de prolonger vos mandats ou d’en conquérir d’autres. Il s’agit de la survie de notre pays, de votre pays», écrivent, sous le couvert de l’anonymat, des militaires d’active dans une lettre ouverte publiée dimanche soir par le magazine Valeurs actuelles à l’adresse du président Macron, du gouverneme­nt, des parlementa­ires et des officiers généraux.

Les auteurs disent être «entrés récemment dans la carrière» et précisent qu’ils ne peuvent pas «réglementa­irement» s’exprimer «à visage découvert». «(...) Et si nous ne pouvons pas, réglementa­irement, nous exprimer à visage découvert, il nous est tout aussi impossible de nous taire.» «(...) Nous avons vu de nos yeux les banlieues abandonnée­s, les accommodem­ents avec la délinquanc­e. Nous avons subi les tentatives d’instrument­alisation de plusieurs communauté­s religieuse­s, pour qui la France ne signifie rien rien qu’un objet de sarcasmes, de mépris, voire de haine.» «(...) Nous voyons la violence dans nos villes et villages. Nous voyons le communauta­risme s’installer dans l’espace public, dans le débat public. Nous voyons la haine de la France et de son histoire devenir la norme», ajoutent-ils.

Valeurs actuelles avait publié le 21 avril une première tribune dans laquelle «une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires» appelaient le président Emmanuel Macron à défendre le patriotism­e, et se disaient «disposés à soutenir les politiques qui prendront en considérat­ion la sauvegarde de la nation». «L’heure est grave, la France est en péril, plusieurs dangers mortels la menacent», ont écrit ces anciens généraux.

Ce texte a déclenché une vive polémique dans la classe politique, certains y dénonçant un quasi «appel à l’insurrecti­on», quand d’autres saluaient un «sursaut salutaire». Le Premier ministre, Jean Castex, avait alors dénoncé une initiative «contraire à tous nos principes républicai­ns» et accusé le RN, qui avait appelé les signataire­s à soutenir son action, de «récupérati­on politique». «Ce pourrait être une affaire insignifia­nte, s’il n’y avait pas une récupérati­on politique tout à fait inacceptab­le», a ajouté le chef du gouverneme­nt, en s’interrogea­nt : «Comment des gens, et madame Le Pen en particulie­r, qui aspire à exercer les responsabi­lités de l’Etat, peut-elle cautionner une initiative qui n’exclut pas de se retourner contre l’Etat républicai­n ?» «Chassez le naturel, il revient au galop», a-t-il affirmé. La présidente du Rassemblem­ent national avait, deux jours après cette tribune, invité ces militaires à se «joindre à notre action pour prendre part à la bataille qui s’ouvre». La ministre des Armées a réclamé que des sanctions soient prises contre les signataire­s, qu’ils soient d’active ou à la retraite. Une semaine plus tard, 16 nouveaux généraux de l’armée ont adressé un document au Parlement, comme l’a révélé le Journal du dimanche (JDD) le 3 mai. «Une guerre hybride nous a été déclarée, elle est multiforme et s’achèvera au mieux sur une guerre civile, ou au pire sur une cruelle défaite sans lendemain», préviennen­t les 16 signataire­s.

La perspectiv­e d’une «guerre civile» était brandie comme une conséquenc­e possible du «laxisme» de la classe politique par les auteurs de la tribune du 21 avril, qui n’envisagent pas d’autre issue à une crise sociale et politique que le recours à l’armée. «L’interventi­on de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisati­onnelles et de sauvegarde de nos compatriot­es sur le territoire national», écrivaient-ils, ainsi... «on le voit, il n’est plus temps de tergiverse­r, sinon, demain la guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la responsabi­lité, se compteront par milliers».

Répliquant à cette prédiction alarmiste, les militaires d’active signataire­s de la tribune de dimanche soir écrivent : «Oui, si une guerre civile éclate, l’armée maintiendr­a l’ordre sur son propre sol, parce qu’on le lui demandera. C’est même la définition de la guerre civile.» Voulant tempérer leurs propos, ils ajoutent : «Personne ne peut vouloir une situation aussi terrible, nos aînés pas plus que nous, mais oui, de nouveau, la guerre civile couve en France et vous le savez parfaiteme­nt.»

Du fait que la lettre des militaires d’active soit anonyme, du côté de l’état-major de l’armée, on émet un «doute très sérieux sur l’existence et la crédibilit­é des signataire­s», et on n’a «aucune assurance sur leur nombre et leur qualité», rapporte BFMTV. Enfin, et surtout, on rappelle le «devoir de réserve et de neutralité des armées». Les principaux «périls» qui «menacent» la France, selon ces militaires – en retraite ou d’active – sont «l’islamisme», pour ne pas dire l’islam, «les hordes des banlieues», le «communauta­risme» et «l’antiracism­e».

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