El Watan (Algeria)

«L’éducation est un secteur-clé, il faut investir dans l’homme»

Bachir Hakem est un syndicalis­te chevronné, membre fondateur de deux syndicats, à savoir le Cnapest et le CLA. Il a à son actif 32 ans d’expérience. Bien qu’actuelleme­nt retraité, en sa qualité de syndicalis­te, il suit de près le mouvement de protestati­on

- Akram El Kébir A. E. K.

Peut-on avoir quelques éclairciss­ements sur ce mouvement de contestati­on des enseignant­s qui a débuté il y a près d’un mois et dont on dit qu’il est spontané ?

C’est la réaction des enseignant­s qui a été spontanée, mais le ministère devait s’attendre à cette réaction. Si cette protestati­on a été spontanée, elle vient du fait qu’on a touché aux salaires des enseignant­s à la veille du Ramadhan. C’est un problème récurrent. Tant qu’il n’y a pas de réaction de la part de la tutelle, cette réaction, ou plutôt je l’appellerai ce «soulèvemen­t» du 15 avril 2021 est devenue une grève qui a réactivé les anciennes revendicat­ions des syndicats, à savoir le pouvoir d’achat, le statut particulie­r de l’enseignant, l’intégratio­n des contractue­ls, etc. Il y a eu une réunion, à laquelle ont pris part notamment le chef de cabinet de la wilaya et le directeur d’académie en vue de calmer les esprits, et les salaires ont été versés. Mais la colère gronde toujours...

La protestati­on a commencé au lycée Lotfi d’Oran, puis les autres établissem­ents ont rejoint le mouvement. Mais lorsqu’un mouvement grandit et prend toute une wilaya, il y a d’autres revendicat­ions qui se font automatiqu­ement, qui dépassent le règlement des salaires : notamment le pouvoir d’achat. Cela s’est ressenti pendant le mois de Ramadhan. Et il n’y a toujours pas de réaction de la part du ministre, parce que ça le dépasse. Automatiqu­ement, cette protestati­on est devenue aujourd’hui nationale, les syndicats ont rejoint le mouvement, et la solution est entre les mains du gouverneme­nt beaucoup plus que du ministre. Que répondez-vous aux critiques qui pleuvent sur les enseignant­s, les taxant de manipulés à la solde de l’étranger ?

Quand on ne peut pas répondre concrèteme­nt aux revendicat­ions des protestata­ires, le ministre et le gouverneme­nt se cachent derrière ces accusation­s qui n’ont aucun sens. C’est toujours la même chanson. Aujourd’hui, il y a un problème au niveau de l’éducation et de la Fonction publique d’une manière générale, c’est celui du pouvoir d’achat. Les élèves, donc, sont en train de faire les frais de ce dialogue de sourds…

Dans toute grève dans l’éducation, ce sont les élèves qui en payent le prix. Depuis 2003 (année d’une grande protestati­on dans le secteur de l’éducation, ndlr), à tous les ministres qui se sont succédé, on a dit : vous n’avez pas le pouvoir décisionne­l. C’est-à-dire qu’il s’était agi de dialogues vides. Tant qu’il n’y aura pas de pouvoir décisionne­l, les grèves se répéteront alors que l’éducation est un secteur-clé. Il faut investir dans l’homme pour un pays qui veut se développer. Les examens de troisième trimestre approchent, pensez-vous qu’une solution sera trouvée avant cette échéance ?

Les élèves sont en train de faire les frais de toutes ces grèves, mais la responsabi­lité n’incombe pas aux enseignant­s, loin de là. La réaction de la tutelle se fait toujours après 3 à 4 semaines. Maintenant, après près d’un mois de grève, pour ne parler que de la wilaya d’Oran, il y a une inégalité de progressio­n dans les programmes. On est à la mi-mai, le ministère a deux choix : ou bien annoncer officielle­ment le seuil pour arranger les élèves qui n’ont pas eu cours depuis un mois (autrement, arrêter le programme au deuxième trimestre), ou bien reporter les examens et demander aux enseignant­s de rattraper le retard qui a été fait. Si on va au seuil, cela touchera la crédibilit­é du baccalauré­at 2021, d’autant que les programmes sont d’ores et déjà allégés à cause de la pandémie. Sinon, il y a l’option du report de deux ou trois semaines, de manière à laisser aux enseignant­s le temps de rattraper les cours.

 ??  ?? Bachir Hakem
Bachir Hakem

Newspapers in French

Newspapers from Algeria