El Watan (Algeria)

Le hirak des étudiants n’est plus «toléré»

L Comme à chaque jour de manif, même quand l’action est avortée comme hier et comme les deux mardis précédents, proches, amis, militants, journalist­es, sont tous rivés à leurs écrans en quête de nouvelles des personnes arrêtées.

- Mustapha Benfodil

Nouveau mardi tendu ce 11 mai à l’occasion du «hirak des étudiants» qui, pour la troisième semaine consécutiv­e, n’a pas réussi à investir l’espace public algérois. Le dispositif de police déployé dans la capitale était nettement moins dense que celui qu’on a vu le mardi 4 mai. Mais cela n’a pas empêché les forces de l’ordre de procéder à des «interpella­tions préventive­s» selon la formule de notre ami Zoheïr Aberkane. Alger semblait baigner dans une torpeur crispée sous un soleil frais, en cette pâle matinée indécise. Et même les senteurs de l’Aïd qui frappe aux portes n’ont pas suffi à détendre l’atmosphère. Pas de trêve en tout cas du côté de la police qui est revenue traquer avec acharnemen­t les étudiants-hirakistes et leurs sympathisa­nts au sein du peuple d’Alger. Cette fois, même les journalist­es qui ont l’habitude de couvrir le hirak n’ont pas été épargnés par le zèle des services de sécurité. Pas moins de six confrères ont été, en effet, interpellé­s à la mi-journée dans la Basse-Casbah et à la lisière de Sahate Echouhada et conduits au commissari­at de la place des Martyrs. Il s’agit de Khaled Drareni de Casbah Tribune, Feriel Bouaziz d’Interligne­s Algérie, Mustapha Bastami d’El Khabar, Abdessamad Titraoui de Tariq News ainsi que les photograph­es de presse Hakim Hammiche de Tariq News et notre collègue Sami Kharoum d’El Watan. «Notre journalist­e Feriel Bouaziz et trois autres journalist­es/photograph­es ont été interpellé­s par la police alors qu’ils sont sortis faire leur travail. Selon des témoins, la police a vérifié leurs papiers avant de les embarquer. Nous exigeons la libération immédiate de tous nos confrères, et nous dénonçons ces actes d’intimidati­on des journalist­es qui travaillen­t sur le terrain» dénonçait le site Interligne­s-com dans un message publié peu après 13h. «Alger : ils ont arrêté des journalist­es et des photograph­es, même après les vérificati­ons d’identité, et ce, pour les empêcher de couvrir les arrestatio­ns d’étudiants et de citoyens à la marche de ce mardi», a réagi de son côté le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) dans une publicatio­n sur sa page officielle sur Facebook. Les confrères interpellé­s seront tous relâchés peu après 15h.

Comme à chaque jour de manif, même quand l’action est avortée comme hier et comme les deux mardis précédents, proches, amis, militants, journalist­es, sont tous rivés à leurs écrans en quête de nouvelles des personnes arrêtées. Dès 13h, les alertes commençaie­nt à être colportées, par réseaux sociaux interposés notamment, égrenant les noms des activistes embarqués par la police. Une étudiante qui compte parmi les leaders du hirak estudianti­n, alerte sur sa page Facebook : «Interpella­tions à la pelle à la place des Martyrs, la Grande Poste, Hassiba Ben Bouali, la place Emir Abdelkader, la gare d’Agha et plusieurs autres endroits». Et la jeune hirakiste de signaler qu’au moins trois étudiants étaient entre les mains de la police : Tinhinane Lamari, Oussama Mzaad et Anes Chelfat. Comme rapporté par cette étudiante, et comme, du reste, nous avons pu le constater nous-mêmes sur le terrain, un dispositif de police a été installé dans le périmètre de la gare d’Agha, et il y avait devant le portail de sortie de la station ferroviair­e des policiers en uniforme qui contrôlaie­nt les passagers. On pouvait remarquer également quelques jeunes citoyens retenus par des hommes en uniforme bleu marine. A quelques encablures de là, une autre rafle des forces de sécurité cible plusieurs passants. «Alger : arrestatio­n d’une vingtaine de personnes à 14h10 devant la poste de la gare Agha» rapporte le CNLD. Le militant Zaki Hannache précisera de son côté concernant ce même fait : «Interpella­tion d’un groupe de citoyens devant la poste attenante à la place de la Liberté de la Presse, sur la rue Hassiba Ben Bouali.» De nouvelles vagues d’interpella­tion étaient encore signalées un peu plus tard. «Interpella­tion de Karim Dib et de six personnes dont deux femmes à Meissonnie­r», prévient Zaki Hannache. Il ajoutera peu après ce post que le militant Slimane Hamitouche de SOS Disparus figurait parmi les citoyens ciblés. Le CNLD détaillera de son côté : «Alger : arrestatio­n de Karim Dib, Abderrahma­ne Ait Saïd, Lyes Kebouche, Anis Benramdane, Saleh Chouya et deux femmes à Meissonier». La même source annoncera par la suite que le jeune Aït Saïd a été relâché. Nous apprendron­s également que l’étudiant Oussama Mzaad a été remis en liberté. Il est 17h passées au moment où nous rédigeons ces lignes et nous sommes sans nouvelles des autres activistes qui sont encore dans les commissari­ats.

Il convient de souligner que ces événements intervienn­ent deux jours après le communiqué du ministère de l’Intérieur diffusé dimanche dernier, et dans lequel il faisait savoir que dorénavant, «les organisate­urs des marches sont tenus à la déclaratio­n, auprès des services compétents, des noms des responsabl­es de l’organisati­on de la marche, des heures de son début et de sa fin, de l’itinéraire emprunté et de ses slogans, conforméme­nt à la loi». Et le départemen­t de Kamel Beldjoud d’avertir : «Le non-respect de ces procédures constitue une infraction aux yeux de la loi et de la Constituti­on, ce qui ôte à la marche tout caractère légal.»

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