La France veut «assumer» l’impact des essais nucléaires
Le gouvernement français souhaite «assumer» l’impact des essais nucléaires en Polynésie française, dans le sud du Pacifique, et mieux indemniser les victimes, a déclaré le ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, en visite à Papeete avant la venue attendue du président Emmanuel Macron. Des conséquences sanitaires aux dégâts environnementaux, les points de friction ne manquent pas autour des 193 essais nucléaires réalisés par la France entre 1966 et 1996, à Moruroa et Fangataufa, deux atolls de l’archipel des Tuamotu. «Nous n’avons pas peur de la vérité, au contraire, nous la voulons, et surtout nous souhaitons assumer», a affirmé le ministre lundi (mardi à Paris) à Papeete. Il rencontrait le président polynésien, Edouard Fritch, et les associations anti-nucléaires, avant la table ronde que doit présider Emmanuel Macron fin juin à Paris, puis sa venue en Polynésie française début juillet. Sébastien Lecornu, qui s’est rendu dimanche à Moruroa, mais sans la presse, a reconnu que le nombre de personnes indemnisées par la loi Morin, pour avoir contracté des maladies radio-induites, était «particulièrement faible». La question de l’indemnisation des cancers devrait être au coeur de la table ronde parisienne. Sébastien Lecornu souhaite aller au-delà, en envisageant d’indemniser les atolls les plus touchés par les essais, comme Hao, la base arrière du Centre d’expérimentations du pacifique (CEP). La parution en mars d’une enquête du média d’investigation en ligne Disclose, intitulée «Toxique», selon laquelle la France a sous-estimé, parfois volontairement, les conséquences des essais nucléaires dans le Pacifique, a relancé le débat à Tahiti. Même le Président polynésien, Edouard Fritch, en bons termes avec la France, a un discours moins policé qu’auparavant. «On n’efface pas d’un revers de main 60 ans de propagande d’Etat, de déni, d’intimidation, de mépris et d’arrogance», a-t-il déclaré lors de cette réunion, avant d’inviter au dialogue. Le député indépendantiste Moetai Brotherson attend «deux gestes forts» du président de la République : «Le premier, c’est une demande de pardon, qu’on n’a toujours pas eue. Si le président vient en juillet et qu’il ne fait pas ce geste-là, il sera venu pour rien.» Il souhaite aussi un mécanisme d’indemnisation en lien avec l’environnement. «Il ne faut pas attendre que Moruroa s’effondre pour se poser la question : est-ce qu’on aurait dû, est-ce qu’on aurait pu ?», dit-il. Adversaire historique des essais nucléaires, son parti, présidé par l’indépendantiste Oscar Temaru, a décliné l’invitation et ne compte pas se rendre à Paris. Ce parti souhaitait que la table ronde ait lieu en Polynésie et demandait l’arbitrage des Nations unies.