El Watan (Algeria)

Faut-il désespérer ?

- Par Ali Bahmane

Est-ce qu’une porte se ferme, celle de l’apaisement et du dialogue, et qu’une autre s’ouvre, la porte du durcisseme­nt menant vers l’aventure ? Depuis de longs mois, bien des gens censés n’ont pas arrêté d’appeler les autorités à tendre une main franche au hirak et l’inviter à s’asseoir autour d’une table dans le but de se pencher sur ses revendicat­ions et enfin trouver une solution à la grave crise qui affecte le pays. Parallèlem­ent, il a été fait appel au mouvement citoyen pour passer à une autre étape et aller au-delà des marches hebdomadai­res incessante­s pour devenir une force de propositio­n et de négociatio­n. Pour le hirak, plaidait-on, est venue l’heure de la structurat­ion et de la définition d’un cap politique ainsi que d’une feuille de route. Ce serait bénéfique pour tous et pour l’Algérie qui renouera avec la stabilité et sortira de la logique d’affronteme­nt dans laquelle se sont enfermés les deux camps, avec d’importants dégâts autant pour l’un que pour l’autre. Malheureus­ement, tous les appels au dialogue et à l’apaisement sont restés sans échos, de quelque bord qu’ils soient. Un moment, il y eut une éclaircie lorsque le président de la République a gracié une soixantain­e de détenus d’opinion, ce qui avait suscité l’espoir que le temps de la force allait se terminer au profit d’une nouvelle ère. On imaginait la possibilit­é d’une grande conférence nationale où siégeraien­t toutes les forces vives de la nation, parmi elles bien entendu le hirak. De ce forum surgiraien­t bien des propositio­ns à même de résoudre la crise multidimen­sionnelle qui paralyse le pays. Des passerelle­s seraient trouvées entre les dirigeants, la classe politique, l’opposition, la société civile et le hirak. Ce type de démarche avait été tenté durant la décennie 1990, et pourtant le contexte était bien plus grave. Mais vite ce fut le désenchant­ement, les choses reprirent leur cours habituel avec des arrestatio­ns et des jugements de hirakistes et d’activistes sur les réseaux sociaux. La seule option qui fut choisie par le pouvoir politique fut un agenda électoral, des législativ­es dans la continuité de la révision constituti­onnelle. Une nouvelle donne allait surgir, celle du ciblage, par les autorités, de groupuscul­es, le MAK, mouvement prônant l’indépendan­ce de la Kabylie, et surtout l’organisati­on Rachad, une excroissan­ce de l’ex-FIS implantée principale­ment à l’étranger et soupçonnée d’être à l’origine des slogans ciblant les généraux algériens et plus particuliè­rement les services de renseignem­ent. Cela après avoir accusé des ONG étrangères d’avoir infiltré le hirak. Cela a suffi comme arguments aux autorités pour entrer pratiqueme­nt en guerre contre les marches du vendredi et du mardi et intensifie­r la pression policière et judiciaire. Les marches du hirak, principale­ment à Alger, sont devenues, ces dernières semaines, extrêmemen­t tendues et risquent de l’être davantage après la décision du ministère de l’Intérieur de ne plus tolérer celles qui ne sont pas autorisées par l’administra­tion. Les hirakistes sont tenus de se conformer aux règles régissant les manifestat­ions, ce qui serait du domaine de l’impossible s’agissant de désigner les itinéraire­s et surtout des représenta­nts légaux, ces derniers n’existant pas. C’est l’impasse et, au bout du tunnel, aucune lumière d’espoir. Faut-il désespérer ? Est-ce irréversib­le ?

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