Stimuler la contribution à l’effort de recherche
Le lancement officiel de l’appel à projets, dans le cadre des Programmes nationaux de recherche (PNR) a été donné, samedi 8 mai, par le ministre de l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique (MESRS), Abdelbaki Benziane, depuis le siège de la direction générale de la recherche scientifique et développement technologique (DGRSDT). Les thématiques retenues sont relatives à la sécurité alimentaire, la santé du citoyen et la sécurité énergétique. Le PNR, pour cette année, vient à point nommé encourager les chercheurs - le pays en compte 37 000 - à s’investir dans des projets de haute facture, inscrits en tant qu’axes principaux dans la politique de développement. Cela intervient quelques jours après la publication, dans le Journal officiel, n° 30 du 22 avril 2021, du décret exécutif n°21-44 du ramadan 1442 correspondant au 17 avril 2021 fixant les conditions d’exercice et de rétribution des activités de recherche scientifique et de développement technologique à temps partiel. «Les établissements et entreprises des secteurs publics et privés assurant une activité de recherche scientifique et de développement technologique peuvent faire appel à des chercheurs à temps partiel afin de participer à l’exécution des activités et travaux de recherche, recrutés principalement parmi les enseignantschercheurs ; les enseignants-chercheurs hospitalo-universitaires ; les chercheurs permanents ; les cadres des différents secteurs d’activité, les chercheurs algériens résidant à l’étranger», est-il stipulé dans l’article 2 dudit décret. «Le recrutement de l’enseignement-chercheur à temps partiel est soumis aux mêmes conditions de titre et de qualification que le chercheur permanent.» Plus explicite, l’article 3 détaille les conditions d’exercice. Les cadres issus des secteurs d’activités n’en sont pas exclus. A rappeler que le nombre de chercheurs en entreprise est de seulement 180, représentant ainsi le point faible du système de recherche national. Ils sont recrutés «parmi les titulaires d’un diplôme universitaire ou d’un diplôme reconnu équivalent et justifiant d’une expérience. Les maîtres de recherche classe B à temps partiel sont recrutés parmi les titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme reconnu équivalent, ceux de classe A seront embauchés parmi les titulaires d’un doctorat d’État». «Aussi, ils peuvent être retenus en étant détenteurs d’un autre doctorat ou diplôme reconnu équivalent, justifiant d’une expérience de trois années. Les directeurs de recherche à temps partiel sont recrutés parmi les maîtres de recherche, classe A, justifiant d’une expérience de cinq années en cette qualité et sur la base des travaux et des livrables scientifiques et techniques», dixit l’article 4.
MODALITÉS
L’application de ces nouvelles dispositions a un coût financier. Les modalités de rétribution sont en effet précisées dans le décret exécutif. Le chercheur à temps partiel appelé à prendre en charge des activités de recherche bénéficiera d’une rétribution dont le montant mensuel est fixé comme suit : directeur de recherche : 18 000 DA, maître de recherche, classe A : 14 000 DA, celui de classe B : 12 000DA, chargé de recherche : 11 000 DA, attaché de recherche : 10 000 DA. La rétribution est versée annuellement et elle est soumise à cotisation de retraite et de sécurité sociale. Toutefois, les versements sont soumis à conditions. La quote-part de la rétribution versée par semestre représente 25% du montant de la rétribution annuelle, dont le service est assujetti à l’effectivité d’exercice de l’activité de recherche attestée par le responsable de l’entité de recherche. Le service du reste du montant annuel de l’allocation annuelle est assujetti à une évaluation positive par le comité sectoriel permanent de recherche scientifique et de développement technologique. L’évaluation négative des activités de recherche du chercheur à temps partiel entraîne la résiliation du contrat de recherche. Peut-on autant dire que la problématique du financement qui freine le développement du secteur de la recherche se trouve, en pareil cas, résolue ? Ces rétributions aux yeux de certains chercheurs sont loin d’être suffisantes. Et à eux d’indiquer que le secteur de la recherche scientifique et technologique est financé à hauteur de 0,2% du PIB soit un budget dérisoire. Sur la page officielle du MESRS, la question des rétributions a passionné le débat. «Ces montants ne peuvent même pas suffire à l’achat de consommables nécessaires au projet de recherche», ironise-t-on. Pour le Pr Jamal Mimouni, les rétributions en question sont plutôt modestes : «Ces rétributions de quelque 18 000DA par mois pour un directeur de recherche (et de 10 000 par mois pour un attaché de recherche) sont somme toute plutôt modeste, et virent même au ridicule si l’on compare aux salaires qui sont versés par les multinationales ou des institutions de recherche à l’étranger... bien sûr ce qu’il ne faut surtout pas faire, mais jusqu’à quand !» Et à l’astrophysicien de développer : «Rappelons qu’il est demandé de manière concomitante à ces chercheurs à temps partiel de renoncer à exercer une activité privée (ce qui est déjà formellement le cas pour les enseignants chercheurs réguliers), ou une tâche d’enseignement additionnel à sa charge régulière. Dans ce dernier cas, il y a donc, semble-t-il, une compensation des bénéfices. Sauf que les heures supplémentaires pour des modules que l’enseignant assume en plus sont assez routinières et ne demandent pas vraiment de gros efforts, alors que le travail de recherche, si acquitté de manière consciencieuse, et qui de plus s’effectue souvent loin de son lieu de travail, demande un effort conséquent. Par contre, la rétribution concernant ceux engagés dans des projets nationaux de recherche et devient même substantielle pour les différents corps (60 000DA par mois pour un directeur de recherche, puis dégressif). Je pense que c’est bon à prendre pour ceux qui veulent contribuer à l’effort de recherche. Concernant le fait de motiver par le salaire, c’est le trait de toute entreprise de recherche et c’est «fairgame». D’ailleurs, il n’y en a pas d’autres vraiment, sauf à demander un environnement attrayant - mais là on est en Algérie - ou ce qui vient comme prestige avec un certain poste. D’ailleurs, dans une économie libérale, on joue à plein avec l’«argus» des chercheurs, et l’échelle des salaires se distend hors mesure. Ainsi, il n’est pas extravagant qu’un chercheur «irremplaçable» et qu’on veut rendre «indébauchable» de se voir offrir 5 et même 10 fois le salaire d’un chercheur régulier.»
AVIS PARTAGÉS
Ces nouvelles dispositions sont interprétées différemment par la communauté universitaire. Le décret exécutif compte 20 articles, et bon nombre d’entre eux sont sujets à des questionnements de la part de chercheurs et doctorants. L’Agence thématique de recherche en science de la santé (ATRSS), Etablissement public algérien à caractère administratif (EPA) dont la vocation principale est le développement de la recherche intersectorielle en santé et dans le domaine des sciences biomédicales à travers les axes de recherche retenus dans le programme national de recherche de santé (PNRS), a organisé récemment un webinaire sur le décret en question. Pr Aissa Mefedjekh, sous-directeur de la programmation de la recherche à la DGRSDT, a répondu aux nombreuses questions soulevées par une assistance virtuelle, manifestement intéressée par le thème de la visioconférence. doctorants, enseignants-chercheurs et aussi étudiants en fin de cycle ont tenu à avoir d’amples explications. Il est vrai que certains articles dudit décret gagneraient à être clarifiés. Les réponses fournies ont certainement éclairé les éventuels postulants à une activité de recherche à durée déterminée, mais sur les réseaux sociaux et les forums universitaires les réactions sont partagées. Certains y ont trouvé un moyen de booster la recherche à valeur ajoutée, d’autres sont restés sceptiques quant à son efficacité. «Estce un bon moyen de motivation pour les chercheurs ? Ce sera encore une fois des financements sans rendement qui restent dans les laboratoires et n’impactent nullement la sphère économique», commente un internaute. « Il vaut mieux inciter à la publication de ces recherches qui donneront de la visibilité aux universités et centres de recherche sans que ça coûte autant», abonde un autre. Le Pr Mimouni ne dénie pas à ce genre de dispositions les retombées positives qu’elles peuvent avoir : «Je pense que pour peu qu’un suivi rigoureux (mais pas mesquin !) soit opéré, l’impact ne peut être que positif. Il faut dire que la publication est l’acte cardinal du chercheur et même son moment existentiel. A part le chercheur qui ne trouve pas, celui qui trouve et ne publie pas est une aberration. Mais pour qu’il publie, encore faut-il qu’il cherche, et pour qu’il cherche, il faut qu’il soit correctement rétribué pour son labeur. Donc, nous sommes dans le cas d’une boucle rétroactive positive, et nous ne pouvons que nous réjouir de ces nouvelles dispositions ».