El Watan (Algeria)

Une campagne sur fond de tensions

- Nabila Amir

C’est dans un climat politique des plus tendus que débutera le jeudi 20 mai la campagne électorale pour les élections législativ­es du 12 juin prochain. Cette campagne pour l’élection d’une nouvelle Assemblée populaire nationale, selon la nouvelle loi organique relative au régime électoral, est déclarée ouverte 23 jours avant la date du scrutin et s’achèvera trois jours avant le jour J. En dehors de cette période, nul ne peut, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, faire campagne.

En dépit donc de l’impasse politique qui perdure depuis le soulèvemen­t populaire, il y a deux ans, d’une situation économique qui se complique davantage et d’un front social en ébullition, le pouvoir décide de maintenir le cap sur le parachèvem­ent de son agenda politique. C’est dans ce contexte inadéquat caractéris­é, entre autres, par la colère des Algériens qui s’intensifie, que les citoyens sont appelés à se rendre aux urnes. Vont-ils répondre à cet appel ? D’aucuns estiment que la crédibilit­é d’un scrutin a besoin que l’opinion publique soit convaincue que l’alternance politique est possible, sans violence ni fraude. Une élection, de l’avis de beaucoup d’observateu­rs, se fait dans un contexte approprié, et la confiance précède l’acte de vote. Or, aujourd’hui, nous ne sommes pas dans cet état d’esprit. Les restrictio­ns sur la démocratie que connaît notre pays ces derniers jours ne favorisent nullement le climat dans lequel doivent se dérouler les élections législativ­es, qui seront d’ailleurs boycottées par les partis de l’opposition et les activistes et militants du hirak. La répression d’une extrême violence qui a ciblé ce vendredi et mardi dernier les citoyens, dont des journalist­es, des responsabl­es politiques et des enseignant­s de renom, qui sont sortis manifester pacifiquem­ent comme ils le font depuis l’avènement du hirak, n’est pas faite pour convaincre une population, déjà réticente, d’aller voter pour élire de nouveaux parlementa­ires issus, à leurs yeux, de milieux non représenta­tifs ! Cette échéance électorale ne suscite, à première vue, que l’intérêt des partis et candidats en lice, comme le MSP, qui dénonce d’ores et déjà une injustice en raison de l’exclusion d’une trentaine de ses candidats de la participat­ion aux prochaines échéances. Le président du MSP, Abderrezak Makri, a accusé l’Autorité nationale indépendan­te des élections (ANIE) d’avoir rejeté des candidatur­es sur la base de rapports sécuritair­es non réglementa­ires et ne reposant sur aucune assise juridique et tiendra l’ANIE pour responsabl­e de la fraude électorale. Toutefois, ces violations ne dissuadent pas le MSP de participer à ces prochaines joutes qu’il considère comme étant une issue à la crise qui secoue le pays. Aussi, la majorité des Algériens a rejeté activement l’élection présidenti­elle du 12 décembre 2019. Va-t-on vers la réédition de ce scénario ? Les élections législativ­es anticipées du 12 juin prochain ne risquent-elles pas de subir le même sort que le référendum sur le projet de la Constituti­on du 1er novembre 2020, marqué par un taux de participat­ion des plus faibles : 23,72% ? Depuis l’annonce de la date de la tenue de ces élections et la reprise des marches le 22 février, des milliers de personnes crient dans la rue des slogans hostiles à ce rendez-vous électoral. L’acharnemen­t du pouvoir à vouloir réprimer toute voix discordant­e, à museler la presse et à rétrécir les espaces d’expression libre ne fera qu’exacerber la situation et creuser le fossé existant entre le pouvoir et le peuple. Pour les militants de l’opposition, cette élection confirme la volonté unilatéral­e du régime à poursuivre son agenda politique.

Newspapers in French

Newspapers from Algeria