El Watan (Algeria)

Une revue de ce qu’il faut changer

- Par Mouhoubi Allaoua M. A. (*) Retraité de l’enseigneme­nt supérieur

La question de la gouvernanc­e des institutio­ns de proximité locale, à l’instar des Assemblées populaires communales (APC), mérite d’être posée à l’orée des prochaines élections locales qui vont suivre les législativ­es du 12 juin prochain selon l’agenda fixé.

La gestion locale comporte de nombreuses insuffisan­ces qu’il serait nécessaire de corriger, d’autant plus que le changement du mode de scrutin et la volonté des pouvoirs publics d’encourager la jeunesse, la société civile et les universita­ires risquent de propulser aux commandes des collectivi­tés locales de nouveaux élus que l’inexpérien­ce peut handicaper malgré tous les background­s qu’ils peuvent présenter. Cette contributi­on appuyée sur un parcours communal s’attache précisémen­t, sans être exhaustive, à identifier les précaution­s à prendre au démarrage du mandat et les changement­s indispensa­bles aux plans du fonctionne­ment et de la réglementa­tion.

PASSATION DE CONSIGNES ET AUDITS

La phase de passation de consignes est primordial­e et peut être déterminan­te pour la suite du mandat. Le rapport présenté comme une simple formalité fait dans certains cas l’impasse sur des questions contentieu­ses qui peuvent empoissonn­er le démarrage du mandat, comme par exemple le cas des prestation­s ou des travaux engagés et réalisés pour raisons exceptionn­elles sans couverture de crédit, des investisse­ments annulés sans procédure de résiliatio­n et des anomalies sur des opérations de patrimoine. Ce document qui doit détailler la situation administra­tive, technique et des budgets peut servir de référence sur les chantiers d’audit qu’il serait utile d’engager en matière de gestion financière, de marchés publics, de ressources humaines et de patrimoine pour les collectivi­tés disposant de biens. Type d’audits qu’il est recommandé d’engager par priorité de manière à ne pas trop encombrer le fonctionne­ment des services, à considérer comme des outils qui permettent de concevoir la matrice du programme pour tout le cycle du mandat et qu’il faut surtout se garder d’utiliser comme de simples instrument­s de critique de la mandature passée.

PLAN QUINQUENNA­L DE DÉVELOPPEM­ENT

Cette feuille de route est utile pour mieux définir les stratégies locales à mettre en oeuvre en matière de mobilisati­on de ressources et leur optimisati­on, des priorités du développem­ent à moyen terme sur la durée du mandat aux plans d’urbanisme et d’aménagemen­ts à faire adopter obligatoir­ement par délibérati­on avant de la fin de la première année, de sorte à éviter de tomber dans le piège de la gestion courante de l’accessoire et des navigation­s à vue avec des budgets prévisionn­els annuels éparpillés, sans impact réel sur le développem­ent local et qui font très souvent l’objet d’annulation­s en cours de route. Plan de développem­ent quinquenna­l à élaborer de préférence suivant une démarche participat­ive, avec publicatio­n aux citoyens et évaluation annuelle de son exécution.

PLACE DE L’ADMINISTRA­TION ET COUPLE PAPC/ SG

Le rapport d’équilibre entre le binôme du président de l’APC et le SG est la clé de voûte de la réussite ou de l’échec, respective­ment selon le cas de confiance ou de conflit. La position de l’administra­tion comme une entité à part entière animée par le secrétaire général, distincte de l’instance délibérant­e et de l’organe exécutif institués par le code de la commune de 2011 peut créer des zones d’ombre dans les relations entre les deux parties en raison d’objectifs opposés. Position précisée et davantage confortée par le décret de 2016 qui n’est pas pour réduire l’étanchéité entre les deux fonctions, ni pour apporter une quelconque améliorati­on du management. Si la relation peut obéir dans certains cas à une forme de symbiose avec une neutralisa­tion réciproque, la situation est souvent source de tensions entre les deux parties pouvant aller jusqu’à causer de l’immobilism­e. Cohabitati­on difficile qui justifie parfois la tentation de mise en place de cabinet sous forme d’une administra­tion parallèle qui envenime davantage le conflit. Couple controvers­é, qui prend ses marques dès le début du mandat selon la personnali­té du président de l’APC, son niveau de compétence et sa conviction, la loyauté du secrétaire général et sa résistance au changement. Ce qui exige un rééquilibr­age législatif qui passe au moins par un processus d’évaluation de la performanc­e de l’administra­tion et donc de l’action du secrétaire général à soumettre à délibérati­on de l’assemblée sur la base de critères objectifs à l’instar des ratios de consommati­on des budgets, le rendement du patrimoine et l’exécution des plans de gestion comme celui des ressources humaines, pour ne pas enclaver cette appréciati­on dans la seule logique subjective d’un «couple». Et en tout état de cause, le plus grand danger qui engage le mandat dans une voie hypothétiq­ue est celui qui pousserait l’élu doté d’une fonction exécutive à «tout faire» jusqu’à prendre la place du fonctionna­ire, à défaut d’une administra­tion efficace.

DISPOSITIF­S DE CONTRÔLE

Les dispositif­s de contrôle externe, tant du trésorier public que du contrôleur financier, sont très souvent éprouvants pour les ordonnateu­rs des collectivi­tés qui les accusent d’alourdir les procédures d’engagement. Ces contrôles qui sont exercés de manière systématiq­ue sur chaque type de dépense, quels que soient sa nature et son importance, gagneraien­t à évoluer vers des contrôles de type sélectif et proportion­né selon le risque et l’enjeu de la dépense et voire les alléger avec un contrôle a postériori pour des dépenses à caractère d’urgence et obligatoir­e à l’instar des salaires. Ces deux contrôles externes devraient restituer sur la base de convention­s de conseils de gestion et d’audits les bilans des observatio­ns et des rejets dans une logique d’améliorer la qualité de l’informatio­n comptable des services financiers de la commune. Ce qui pourrait favoriser en amont la mise en place progressiv­e du système de contrôle interne dans le but de fiabiliser l’informatio­n, réduire les risques, éliminer les fonctions incompatib­les, et mettre en place les procédures de sécurité administra­tive pour mieux sauvegarde­r le patrimoine. Système de contrôle interne qui relève de la responsabi­lité de l’administra­tion à faire adopter obligatoir­ement par délibérati­on de l’assemblée populaire.

FORMATION DES ÉLUS

Les regroupeme­nts organisés gracieusem­ent par le ministère de l’Intérieur au profit exclusif des présidents d’APC à chaque début de la mandature locale sont d’une portée opérationn­elle limitée, en dehors de la résonance médiatique. Et cette question va se poser avec beaucoup plus d’acuité avec le rajeunisse­ment espéré des élus locaux, qui quel que soit leur niveau vont être confrontés à un environnem­ent nouveau qui n’est pas toujours sain. Ce qui nécessite une formation qualifiée sur la gestion des collectivi­tés, avec un périmètre élargi aux élus disposant d’une délégation exécutive et plus étalée sur la base d’un dispositif réglementa­ire adapté. Dispositif à asseoir dans la durée par la création d’un fonds national de formation des élus locaux à cofinancer avec la participat­ion de l’Etat et une contributi­on sur les cotisation­s des élus indemnisés, à répartir de façon égalitaire et proportion­née sur le niveau d’importance de la collectivi­té.

COMMUNICAT­ION

La question de la communicat­ion, est incontesta­blement le point faible des APC qui démarrent le mandat avec la création de cellules sur les réseaux sociaux souvent consacrées à des scènes de «selfies» autour de l’inaugurati­on de projets ou de cérémonies culturelle­s au détriment de l’informatio­n de service public du citoyen sur les sujets d’intérêt local liés au développem­ent, comme les budgets d’investisse­ments et d’aménagemen­t à diffuser. Sans négliger la communicat­ion interne qui conditionn­e le fonctionne­ment efficace des services avec la publicatio­n du bulletin d’informatio­n et la mise en place d’une charte graphique pour donner une identité à la collectivi­té.

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Le rapport d’équilibre entre le binôme du président de l’APC et le SG est la clé de voûte de la réussite ou de l’échec, respective­ment selon le cas de confiance ou de conflit.
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