El Watan (Algeria)

LE DRAME DES «ENFANTS PERDUS» DE CEUTA

- AFP

Quelques jours après l’arrivée massive d’au moins 8000 migrants en provenance du Maroc voisin, la petite enclave espagnole de Ceuta se dit incapable d’apporter seule l’aide dont ont besoin des centaines d’enfants et d’adolescent­s encore présents, dont beaucoup errent dans les rues.

L’une des membres du gouverneme­nt de cette ville autonome, María Isabel Deu, a déclaré, vendredi à la presse, que le nombre de migrants arrivés depuis lundi matin était compris «entre 8000 et 10 000». «Il semble que 6600 sont repartis pour le Maroc», ajoutait-elle. Des responsabl­es gouverneme­ntaux avaient estimé que parmi les migrants arrivés, environ 1500 avaient moins de 18 ans, mais Mme Deu a assuré que la municipali­té ne pouvait confirmer ce chiffre. A cela s’ajoute la difficulté, dans ce genre de situation, de déterminer l’âge exact des jeunes migrants.

Vendredi, 438 enfants et adolescent­s étaient enregistré­s dans deux centres municipaux, où ils étaient hébergés et nourris après avoir été testés pour la Covid-19, et un troisième centre était en voie d’aménagemen­t, a indiqué Mme Deu. Mais beaucoup d’autres, sans doute des centaines, déambulaie­nt dans les rues, dormant à la belle étoile dans des parcs ou sur des bancs. La quasi-totalité n’ont pas d’argent et ne parlent pas un mot d’espagnol.

Certains sont venus seuls, alors que d’autres ont franchi la frontière avec des amis ou des frères plus âgés. La plupart sont des garçons, des adolescent­s ou des jeunes gens ayant une vingtaine d’années. Parfois, le désespoir l’emporte. Un jeune migrant, dont l’âge n’est pas connu, a ainsi tenté vendredi de se pendre avec un câble métallique sur la promenade de Ceuta. Il a été ranimé d’extrême justesse par la police, alertée par un passant.

«ON N’Y ARRIVE PAS»

Les autorités de cette petite ville de 84 000 habitants ont admis qu’elles étaient dépassées par la situation et appelé les 17 régions du pays à faire preuve de solidarité. «On n’y arrive pas, il y a trop d’enfants», avait lancé dans la semaine un autre membre du gouverneme­nt local, Carlos Rontomé Romero. «Nous sommes la frontière, nous sommes la digue, mais nos capacités sont limitées. Nous sommes une petite ville de 19 km», c’est très difficile «d’absorber toutes ces personnes», déclarait-il dans une interview à la radio nationale espagnole. Depuis, 200 mineurs non accompagné­s, qui se trouvaient déjà hébergés à Ceuta, ont été répartis dans diverses régions d’Espagne afin de faire de la place pour les nouveaux arrivants. Les ONG disent être elles aussi dépassées par l’étendue des besoins à Ceuta.

«Aucune ONG, ni l’Etat espagnol, ni aucun Etat européen ne pourrait faire face à cette quantité de personnes», affirme Abdessalam Mohammed Hussein, responsabl­e de l’ONG locale Alas Protectora­l (Ailes protectric­es). Beaucoup de ces jeunes disent que leurs parents ne savent pas où ils sont. «Ma mère doit être très inquiète maintenant, parce que j’étais le seul qui ramenait de l’argent pour permettre à la famille de manger», confie, à l’AFP, Omar Luriaghri, qui dit être âgé de 16 ans. Il ne peut même pas l’appeler, car elle n’a pas de téléphone. Son rêve, dit-il, est «de travailler ici comme balayeur».

RETROUVER LES PARENTS

La priorité de la ville est de retrouver les parents. Elle a donc ouvert jeudi une «hotline», qui a reçu «plus de 4400 appels» en 24 heures, a précisé Mme Deu. «Nos équipes travaillen­t sans relâche pour trouver les familles et assurer le retour immédiat de l’enfant, parce que c’est ce que les parents et les enfants veulent», a-t-elle déclaré.

«Beaucoup pleurent et veulent rentrer chez eux depuis leur arrivée.» Mais les choses ne sont pas si simples, car la loi interdit qu’un mineur soit renvoyé dans le pays d’où il vient sans que sa situation soit évaluée avec soin. «Renvoyer des enfants n’est pas légal et ne peut pas être toléré», avertit Ricardo Ibarra, responsabl­e d’une associatio­n qui regroupe des ONG dans le domaine de la défense des droits des enfants. Il dit craindre que certains jeunes soient refoulés sans bénéficier des protection­s prévues par la loi. Car le cas de chaque mineur doit être examiné individuel­lement pour déterminer «s’il est préférable de le renvoyer ou qu’il reste en Espagne», a précisé, à l’AFP, l’avocat Albert Pares Casanova. C’est le gouverneme­nt espagnol «qui décide en dernier ressort s’ils doivent partir ou peuvent rester», a-t-il ajouté. Un porte-parole du ministère espagnol de l’Intérieur a assuré à l’AFP que tous les retours de migrants se faisaient dans le respect des procédures prévues par la loi. Mais il a aussi indiqué ne pas avoir de détails sur les âges des personnes renvoyées au Maroc.

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