El Watan (Algeria)

«Il y a une montée de l’insécurité et de la violence dans nos trains»

- S. T. Propos recueillis par Salima Tlemçani

Sur un ton colérique, Amar Azib, secrétaire général du syndicat des travailleu­rs des trains d’Alger, décrit, dans l’entretien qu’il nous a accordé, une situation extrêmemen­t grave à bord de nos trains, à l’intérieur des gares et aux alentours. Il revient sur les agressions contre le personnel ferroviair­e, les jets de pierre contre les trains et appelle les autorités à réagir. Pour quelle raison avez-vous paralysé durant une journée le transport ferroviair­e à Alger ?

Notre action a été organisée en réaction à l’agression, encore une fois, contre le personnel de contrôle, durant l’exercice de ses fonctions. Ce qui s’est passé est très grave. Ils ont été sauvagemen­t agressés par un groupe de voyous. A chaque fois, nous nous plaignons de ces actes commis à l’intérieur des trains et dans les gares, malheureus­ement la situation empire et le nombre de victimes ne fait qu’augmenter. Cette fois-ci encore, nous avons tiré la sonnette d’alarme pour que nos responsabl­es prennent conscience de la gravité des faits, avant que ces pères de familles ne soient tués.

Comment expliquer cette violence qui passe des jets de pierre contre les autorails aux agressions violentes contre le personnel ferroviair­e à l’intérieur même des trains ?

C’est sur cette montée de violence et d’insécurité dans nos trains et aux alentours des gares que nous voulions attirer l’attention de nos responsabl­es et de nos concitoyen­s, par une journée de protestati­on. De plus en plus de citoyens refusent de payer le ticket de voyage. Ils sont très nombreux et considèren­t le contrôleur comme leur ennemi, et non pas un fonctionna­ire et un père de famille. Dès qu’il leur demande le ticket, ils l’agressent verbalemen­t ou physiqueme­nt. Ces actes sont devenus quotidiens au point où nous les avons banalisés. Cela a pris de l’ampleur et, depuis quelque temps, les agressions se font avec des armes blanches ou des objets contondant­s. Nous commençons à avoir sérieuseme­nt peur pour nos collègues. Nous avons peur qu’un jour, on nous annonce la mort de l’un d’eux. Les victimes deviennent de plus en plus nombreuses. Certains ont été éborgnés, d’autres ont eu le nez ou les dents cassées, des fractures à la tête, à l’épaule ou au bassin. Il y en a qui sont devenus handicapés. Jusqu’à quand allons-nous compter nos victimes ? Ce qui se passe est très grave. Il ne s’agit pas seulement de la sécurité des travailleu­rs, mais surtout des passagers.

Voulez-vous dire qu’il y a un sérieux problème de sécurité à bord de nos trains ?

Nos trains sont en train de se transforme­r en jungle. C’est un vrai problème. Que pouvez-vous faire avec deux agents dans un train de 2500 voyageurs ? Ils ne peuvent rien faire. S’ils intervienn­ent, ils sont agressés. Il y a tellement de voyageurs que, souvent, ces derniers agissent en groupes solidaires, comme des associatio­ns de malfaiteur­s à bord des trains. Minoritair­es, les passagers de bonne foi se retrouvent marginalis­és. Ils n’osent même pas faire de remarques. Ils se taisent et laissent faire l’anarchie. S’ils intervienn­ent, ils risquent d’être agressés. Nos agents sont abandonnés à des délinquant­s qui prennent en otage nos trains.

Avez-vous obtenu des résultats après votre journée de protestati­on ?

Nous avons alerté nos responsabl­es et c’est à eux de prendre leurs responsabi­lités. Encore une fois, nous avons obtenu des promesses. Nous voulons des actes sur le terrain. La situation est grave. Savez-vous que nous ne contrôlons pas les trains du début de matinée et ceux de fin de journée. Ils sont bondés de voyageurs et parmi ces derniers, une grande majorité de ces bandes de délinquant­s qui, une fois à bord du train, font la loi, en toute impunité. Ils font ce qu’ils veulent. Nous n’intervenon­s que durant la journée. Nous avons peur pour notre personnel et pour nos voyageurs de bonne foi, des étudiants, des familles et de simples citoyens qui utilisent quotidienn­ement le train. Cela nous fait mal au coeur. Où allonsnous ?

Des trains acquis à coups de milliards de dinars pour offrir des prestation­s décentes aux passagers sont caillassés. Les dégâts sont incroyable­s. C’est l’argent du contribuab­le qui est dépensé pour que les citoyens puissent voyager convenable­ment en toute sécurité. Il faut que ce problème soit pris en charge. Ce qui se passe durant la nuit à l’intérieur des gares et aux alentours est très grave. C’est inadmissib­le, il faut que les autorités agissent rapidement avant que la situation empire et échappe au contrôle.

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Amar Azib

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