Une connexion internet au compte-gouttes
a connexion au réseau internet a connu hier une forte perturbation, des ralentissements et des interruptions en Algérie. La raison de cette coupure est liée au déroulement des épreuves du bac 2021, ce qui a provoqué un grand mécontentement des citoyens, d’autant plus qu’elle n’a pas été annoncée à l’avance. Une procédure malheureusement devenue une règle depuis 6 ans.
Les internautes estiment sur les réseaux sociaux que les autorités ne prennent pas en compte les intérêts des citoyens et des entreprises nationales et étrangères opérant dans le pays, pour qui internet est devenu un outil de travail indispensable.
La majorité des chefs d’entreprise qui travaillent dans le numérique, pour lesquels internet est le coeur de métier, sont très contrariés. A leurs yeux, cela signifie des employés payés à ne rien faire, des clients exaspérés et une activité à l’arrêt ou au mieux au ralenti. «Le numérique est devenu un droit, ses points comptent de plus en plus dans le PIB de tous les pays du monde. Sa prise en charge ou pas est devenue un indicateur de développement économique et social incontournable. L’internet qui l’irrigue est de plus en plus intrusif. Il change et bouleverse tout, il accélère tout ce qu’il touche», avait déjà écrit en 2016 dans une contribution Ali Kahlane, vice-président du think tank CARE. «Aujourd’hui, comme il est impossible de penser que l’on peut ouvrir le robinet et ne plus avoir d’eau, il est devenu inimaginable d’allumer son smartphone et ne pas avoir accès à internet, devenu à proprement parler de l’énergie informatique», confie-t-il dans une autre déclaration. Ce genre de coupure semble en contradiction avec le plan d’action du gouvernement pour la mise en oeuvre du programme du président de la République qui souligne, entre autres, «le rôle incontournable que jouent de plus en plus les TIC dans le développement des activités économiques». Le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, avait affiché, l’année dernière, sa colère à la suite des coupures d’internet durant les épreuves du bac 2020. Selon lui, «cette coupure d’internet n’honore pas l’Algérie».
Le réseau des trois opérateurs mobiles (Djezzy, Ooredoo et Mobilis) a été fortement affecté, et le réseau d’Algérie Télécom a été le plus souvent difficile d’accès. Les réseaux sociaux, tels que Facebook, Twitter et YouTube ont été quasiment inaccessibles pendant le déroulement des épreuves. Cette mesure ne fait pas l’unanimité auprès des experts et des consultants qui soulignent que l’économie du pays en dépend. Une coupure volontaire d’internet pose en réalité un problème légal majeur. Qui, en Algérie, a la prérogative de déconnecter le pays ? Il existe un vide juridique à ce sujet. Aucune institution ou responsable n’assume publiquement cette privation d’internet. On préfère garder le flou et l’incertitude.
UNE COUPURE QUI N’HONORE PAS L’ALGÉRIE
Il y a aussi les sociétés dont l’activité principale repose sur internet (commerce électronique, transport avec chauffeur (VTC), comme Yassir, le télétravail, la vente à distance et la livraison à domicile. Pour retirer des documents administratifs d’état civil (extrait de naissance, fiche familiale) au niveau des APC, il faut aussi une connexion internet. Il y a aussi toutes les entreprises qui utilisent internet comme moyen de communication et celles qui sont en contact avec leurs clients, partenaires et fournisseurs. Des usines peuvent être à l’arrêt car actuellement le dépannage et la maintenance se font à distance. Les banques, les multinationales, les assurances, les compagnies de transport aérien et les écoles de formation sont toutes dépendantes de la connexion internet.
La coupure d’internet donne en outre une mauvaise image du pays sur la scène internationale. L’Algérie n’est pas le seul pays au monde à organiser les examens du baccalauréat. Tous les pays de la planète organisent des concours et des examens sans recourir systématiquement à cette pratique d’une autre époque. Il existe d’autres mécanismes pour lutter contre la fraude et la triche sans couper l’internet. Ils peuvent, par exemple, installer des brouilleurs d’internet dans les centres d’examen, revoir les méthodes de surveillance, lancer des réflexions sur cette question et ouvrir les débats.
Pourtant, selon une source proche du ministère de l’Education nationale, les épreuves du baccalauréat session 2021 «auront lieu cette année sans coupure d’internet». Cette année, «il n’y aura pas de coupure générale de la connexion à internet, ni le blocage des réseaux sociaux. Une cellule de vigilance spécial bac sera installée au niveau du ministère», explique une source du quotidien arabophone Echorouk. «Cette cellule aura pour mission la surveillance et le contrôle des divers sites de réseaux sociaux et travaillera ensuite pour identifier les diffuseurs des sujets», explique la même source. «Cette cellule intervient également directement pour engager des procédures administratives appropriées, suivies de procédures judiciaires, conformément au nouveau code pénal, qui punit d’un à trois ans d’emprisonnement toute personne impliquée dans l’atteinte à la crédibilité des examens scolaires officiels», ajoute la même source. Les coupures récurrentes pendant le bac envoie un mauvais message dans un monde de plus en plus connecté, où les données sont au centre des enjeux, un monde où les TIC et internet sont plus que jamais devenus essentiels. Les Algériens, à l’instar des autres acteurs du monde numérique, continuent à travers internet à apprendre, à développer leurs compétences, à s’ouvrir au monde, à s’épanouir, à développer leur business et à être compétitifs à l’échelle internationale. En si peu de temps, le numérique est devenu un mode de vie, un idéal de transformation vers des sociétés dématérialisées, un puissant instrument de socialisation et presque une extension de nous-mêmes. L’ère du numérique est arrivée avec des équipements moins coûteux, un marché à forte concurrence et le développement des usages. La possession d’un ordinateur n’est plus un enjeu. Internet se généralise. Le nouvel enjeu, c’est l’internet mobile. Nos pratiques numériques s’imbriquent avec notre vie personnelle et sociale.