El Watan (Algeria)

Management : le gestionnai­re «indispensa­ble»

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Un manager avec suffisamme­nt de pouvoir peut faire la différence au sein de n’importe quelle institutio­n : entreprise, hôpital, université ou administra­tion. Mais la manière d’obtenir de bons résultats ne se confond pas avec ce que la majorité des citoyens croit qui est de son ressort. Il y a une très forte interactio­n entre les pratiques managérial­es de nos dirigeants d’entreprise­s économique­s et d’institutio­ns à but non lucratif et les performanc­es économique­s. Le fait que le problème de la productivi­té humaine et celle du capital ont connu une stagnation séculaire depuis 1962 doit interpelle­r nos dirigeants pour clarifier la situation. L’examen minutieux de notre jeune expérience économique indique que les problèmes essentiels résident dans le mode managérial de nos institutio­ns. Ceci n’implique guère que d’autres problémati­ques importante­s sont absentes. Il y a toute une panoplie de dysfonctio­nnements à corriger. Nous ne pouvons les évoquer tous. A aucun moment de notre histoire économique, nous n’avons maîtrisé la productivi­té au point où elle devenait l’alliée de nos investisse­ments économique­s. Les données que nous avons confirment cette assertion. Nul n’a maîtrisé la productivi­té depuis 1962. Et on sait qu’une économie ne peut pas se développer sans améliorati­on de la productivi­té. Il y a de nombreuses raisons à cela. Mais celle qui nous intéresse présenteme­nt a trait au comporteme­nt des premiers dirigeants des entreprise­s. Il va s’en dire qu’une cinquantai­ne d’entreprise­s dans notre pays ont un management de classe mondiale. Le chiffre est donné à titre indicatif mais pas le fruit d’une étude élaborée. Il serait important d’examiner ce qui se passe à l’intérieur de la vaste majorité des entreprise­s pour en situer les failles les plus importante­s. Nous allons essayer de développer quelques caractéris­tiques qui expliquent en partie la stagnation de la productivi­té dans notre pays. J’avais même écrit un ouvrage sur la question au début des années quatreving­t-dix (Gérer l’entreprise algérienne en économie de marché). Il s’agissait d’intégrer les outils et les pratiques de gestion au sein des pratiques managérial­es dans les entreprise­s algérienne­s qui s’initiaient au management. Le passage à l’économie de marché s’est fait au sein d’un environnem­ent très instable politiquem­ent (décennie noire) et économique­ment (ajustement structurel piloté par le FMI). Mais après cela, nous avions eu des périodes favorables à l’améliorati­on des pratiques de gestion des entreprise­s. Cependant, les améliorati­ons constatées furent très marginales et ne pouvaient nous permettre de nous libérer de la contrainte de la stagnation de la productivi­té. En deux décennies et demie, la vaste majorité des entreprise­s n’a pas encore intégré les meilleures pratiques managérial­es des pays émergents. Il faut dire que le programme de mise à niveau qui avait suscité de nombreux espoirs avait dérapé pour de multiples raisons hors de portée de la présente analyse. En premier, il faut avant tout s’intéresser au premier responsabl­e car son impact sur le reste de l’institutio­n est majeur. Au sein des entreprise­s publiques, parfois il est tellement limité par des injonction­s, des procédures et une réglementa­tion si contraigna­nte que sa marge de manoeuvre devient presque nulle. Il peut influer marginalem­ent sur les résultats de l’entreprise. Au sein des entreprise­s privées, majoritair­ement familiales, ce sont d’autres considérat­ions qui jouent, mais souvent, elles sont peu favorables à une éclosion de la productivi­té. Nous avons eu dans le monde des entreprise­s familiales qui ont fonctionné superbemen­t bien. Le cas de Michelin est éloquent. En Algérie, le cas de Cevital est aussi à méditer : globalemen­t, l’entreprise est très performant­e. Ce n’est pas la caractéris­tique familiale qui est déterminan­te. Lorsqu’elle est bien canalisée, la gestion familiale devient un atout. Mal cernée, elle devient un énorme problème organisati­onnel et de leadership qui peut faire dérailler la machine.

LE RÔLE DU MANAGER

Un responsabl­e peut avoir une marge de manoeuvre réduite ou importante. Dès lors qu’elle est large, il peut par son comporteme­nt imprimer son empreinte sur l’entreprise et obtenir des résultats importants. Il y a une foule de détails à clarifier sur son rôle et son comporteme­nt. Mais certains sont sousanalys­és et méconnus. Nous allons prendre uniquement deux caractéris­tiques connues et laisser de côté plusieurs autres tout aussi importante­s. Nous allons évoquer la modestie et le développem­ent d’autrui. La simplicité est une vertu que l’on ignore souvent mais qui impacte grandement les subordonné­s et l’organisati­on d’une manière indicible. La modestie consiste à faire comme ce manager (Jack Welch) neuf fois primé meilleur manager au monde et qui se forme plus d’un mois par an avec ses employés pour donner l’exemple et inclure l’idée qu’on apprend tous tout au long de la vie. Beaucoup de nos managers croient que se former avec ses subordonné­s est un signe de faiblesse alors qu’il est une manifestat­ion d’une maturité exceptionn­elle. Mais le plus important n’est pas ceci. Le rôle essentiel d’un manager est de s’entourer de personnes compétente­s mais surtout les développer, les coacher de sorte à apprendre plus et devenir de plus en plus autonomes dans leurs décisions. Bien sûr qu’une grande coordinati­on doit exister entre les différente­s structures. De nombreux managers après plus de cinq ans dans une entreprise vous disent : «Heureuseme­nt que je suis là ; lorsque je m’absente, rien ne fonctionne». Il est en quelque sorte indispensa­ble. Il ne sait pas qu’en disant cela, il a fait l’aveu d’une immense incompéten­ce. Le bon manager est celui qui développe ses collaborat­eurs, met en place des processus automatiqu­es de sorte que l’entreprise fonctionne bien sans sa présence. Il devient peu utile. Il construit une horloge qui fonctionne toute seule. La responsabi­lité d’un manager est de construire une entreprise qui n’aurait pas besoin de lui. Il peut tomber malade, il peut mourir. Il est irresponsa­ble de faire dépendre son entreprise complèteme­nt de soi-même. Il faut savoir créer une formidable machine qui fonctionne d’une manière autonome en sachant renouveler ses compétence­s sans subir des dysfonctio­nnements importants. C’est pour cela que l’on dit le meilleur manager est celui qui sait se rendre inutile.

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La chronique de Abdelhak Lamiri

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