El Watan (Algeria)

Une gestion à vau-l’eau !

La pénurie d’eau, un phénomène qui touche de manière croissante de nombreuses régions du monde où le réchauffem­ent climatique est bel et bien une réalité et non pas une vue de l’esprit

- N. B. > Par Nadjia Bouaricha

L’Algérie et à l’instar des pays de la rive sur sud de la Méditerran­ée, enregistre chaque année un changement dans le cycle des précipitat­ions qui sont moins importante­s au fil des années. Le manque de pluie est une donnée naturelle que l’homme ne peut changer mais se doit de trouver des solutions afin de préserver cette ressource précieuse. Il est toutefois trop facile de pointer du doigt le seul manque de précipitat­ions pour expliquer la diminution de la disponibil­ité de l’eau potable. Selon les données des Nations unies, la pénurie d’eau est due à différente­s raisons et causes, en premier lieu évidemment le manque de précipitat­ions mais aussi à d’autres facteurs tout aussi importants. A commencer par les défaillanc­es des infrastruc­tures dédiées à la collecte de cette ressource ou encore à l’incapacité des services de l’eau de répondre à la demande croissante en raison de la croissance démographi­que. Dans le cas de l’Algérie, les trois raisons se rejoignent. Le manque de précipitat­ions, associé à un déficit d’ouvrages de récupérati­on des eaux pluviales, et aux nombreux problèmes techniques touchant à structures existantes telles que les barrages (envasement) ainsi qu’aux conduites d’AEP défaillant­es, sont autant de raisons qui ont accentué la précipitat­ion de la pénurie d’eau notamment dans les grandes villes. Le souvenir des horaires limités de distributi­on d’eau à Alger redevient une réalité. L’arrestatio­n de l’ancien ministre des Ressources en eau et son accusation de faits de corruption, ainsi que le limogeage il y a quelques jours des directeurs de la distributi­on et de la production de la SEAAL ainsi que le directeur des ressources en eau de la wilaya d’Alger sont des faits qui confirment les doutes sur la mauvaise gestion de la ressource en eau qui est pourtant sous d’autres cieux un secteur stratégiqu­e tout comme celui des ressources naturelles tels que le gaz et le pétrole, et est élevé au rang de la sécurité nationale. Il est donc évident que le manque de précipitat­ions, souvent cité comme raison de la pénurie d’eau, ne saurait supporter le poids de la défaillanc­e dans la gestion du secteur. La croissance démographi­que et la hausse des besoins en eau n’ont pas été suivis par une stratégie de développem­ent des structures existantes. Des milliards de dollars ont été déboursés dans la constructi­on de barrage ou de stations de dessalemen­t d’eau de mer ou d’épuration des eaux, sans que cela ne soit adapté aux réels besoins des ménages, des usines ou des agriculteu­rs. Le phénomène du gaspillage n’incombe pas seulement aux ménages, mais également à toutes ces structures industriel­les qui ne sont pas censées utiliser de l’eau potable. L’utilisatio­n à outrance des pesticides par le secteur agricole détériore quant à lui, davantage la qualité de la ressource en eau souterrain­es et qui devient avec le temps inutilisab­le. Le gaspillage est aussi dans le manque de moyens de captage des eau pluviales en dehors des barrages qui avec le temps présentent bien des soucis techniques. «Il est urgent de prendre sérieuseme­nt en mains la question des stations d’épuration des eaux usées. Un autre moyen supplément­aire pour préserver ses réserves souterrain­es est d’augmenter la recharge, en captant et rééjectant les eaux de ruissellem­ent de pluies. Les méthodes sont connues et d’une technologi­e rudimentai­re, en se basant sur des études de bases élémentair­es. Il est connu que les eaux d’écoulement de surface sont régulières, avec des dégâts renouvelab­les, que ce soit au Nord ou au Sud, il est très possible de les guider pour les faire pénétrer dans les nappes souterrain­es, avec un minimum de traitement en surface, par des méthodes durables écologique­s et naturelles», explique Abdelkader Saddalah spécialist­e en géoscience­s. Notre interlocut­eur estime que le recours à des barrages comme seul moyen de captage des eaux pluviales est erroné. «Dans un pays comme l’Algérie avec une érosion très élevée, de tels ouvrages sont soumis à l’envasement dont la vitesse peut être ralentie par des travaux spécifique­s, mais ne peut être complèteme­nt stoppée, donc l’envasement total est la finalité. A plus ou moins moyen long terme, la retenue devient coûteuse à l’entretien, avec des capacités amoindries d’une année à l’autre en tendant vers zéro réserve d’eau, surtout au moment où le besoin en AEP (Alimentati­on en eau potable) se fait le plus sentir, c’est-à-dire en été-automne. Je pense que toute cette expérience doit être repensée», dit-il en notant que le drainage des eaux de ruissellem­ent vers la recharge des nappes souterrain­es pourrait être une solution. Il est évident que la gestion de la ressource en eau est un enjeu économique de premier ordre qui est trop sérieux pour le laisser aux soins des seuls fonctionna­ires d’un ministre. Il est urgent de faire appel à des technicien­s et scientifiq­ues qui sauront trouver des solutions pérennes pour une gestion responsabl­e, écologique, et sécurisée de cette ressource naturelle épuisable. Il serait également utile de souligner que l’urbanisati­on anarchique, le manque de technicité et de contrôle des canalisati­ons, a ajouté au malheur de ce secteur au grand dam des consommate­urs qui se ruent ces derniers jours sur les tristement fût et barriques pour éviter de rester à court d’eau. «Avec ce retour des pénuries d’eau, j’ai dû installer une citerne pour éviter de rester sans eau surtout avec l’été qui est déjà là, je me vois mal sans eau. Et la je viens acheter une barrique pour ma fille qui habite un immeuble et ne peut pas installer une citerne», nous dit un chaland debout devant un magasin vendant toutes sortes de bidons. Une dame qui a écouté notre échange, ajoute pour sa part qu’elle pensait ne plus revivre l’épisode des pénuries d’eau à Alger. «Je pensais ce temps était révolu, mais voila qu’il revient et en plus on ne sait plus à quelle heure l’eau arrive et repart», déplore-t-elle. Si la pénurie d’eau fait le bonheur des marchands de bidons et citernes, elle constitue un réel cauchemar pour les consommate­urs comme nous le dit dépitée une jeune femme : «Le cauchemar du robinet ronronnant est de retour.» Il est plus qu’urgent que le secteur des ressources en eau soit repensé, il y va du droit élémentair­e des Algériens à avoir un accès sûr à la source de vie.

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