Majorité institutionnelle et majorité populaire
Au-delà de la polémique suscitée par la déclaration du président Abdelmadjid Tebboune sur le peu d’importance qu’il accorde au taux de participation électorale, la configuration du nouveau Parlement issu des législatives du 12 juin dernier répond-elle aux attentes politiques de l’Exécutif ? Coup sur coup, le chef de l’Etat a été sommé de s’expliquer d’abord sur le boycott massif (77% du corps électoral) enregistré lors de ce scrutin, et ensuite sur sa responsabilité politique et morale dans le retour en grâce de formations politiques – singulièrement le FLN et le RND – qui symbolisent la face hideuse du système bouteflikien et, de manière générale, du mode de gouvernance du pays depuis l’indépendance et contre lequel s’est soulevée une large frange de la société le 22 février 2019. A son arrivée aux affaires, le président Tebboune nourrissait l’ambition de voir son projet de «l’Algérie nouvelle» porté par le hirak conquérant auquel il disait tendre la main, avant de prendre ses distances vis-à-vis de ce dernier, ne réservant son onction qu’au pour justifier la foudre qui se préparait contre le mouvement populaire. Ironie de l’histoire, le voilà s’apprêtant à accueillir à sa table des convives pour le moins peu recommandables ! A mi-parcours du mandat présidentiel, le candidat indépendant à l’élection présidentielle de décembre 2019 et néanmoins militant du FLN – trahi par sa famille politique qui s’était mise au service d’un autre candidat – revient à ses premières amours, en rétablissant les ponts avec son parti originel qu’il semblait avoir coupés avec l’émergence du hirak. Ce choix, par défaut de soutiens politiques et d’alliances qui n’ont pas bonne presse au sein de l’opinion, eu égard à leurs responsabilités dans la crise systémique que vit le pays, lui sera compté dans le chemin de croix qui se profile devant lui, face à l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays suite au boycott massif des législatives. Privé des soutiens du hirak, des forces démocratiques ayant tourné le dos à sa feuille de route politique depuis l’entame de son mandat, le président Tebboune n’avait d’autre choix, dans sa quête d’une majorité présidentielle, que de se tourner vers la clientèle traditionnelle du système, réputée pour ne pas avoir d’état d’âme pour se mettre au service du maître de céans. L’analyse froide des résultats du dernier scrutin amène à se demander si la trame de ce scénario catastrophe pour l’Algérie, insultant la dignité de l’Algérien auquel on inflige une nouvelle forfaiture politique en recyclant des forces politiques responsables du chaos dans lequel est plongé le pays, n’est pas réfléchie et préméditée. Le boycott a-t-il été programmé et encouragé sciemment à travers la politique répressive suivie, pour neutraliser l’électorat antisystème, déblayer le terrain et aménager un large boulevard, sans ralentisseurs, aux formations politiques et candidats indépendants sur lesquels mise le pouvoir pour se construire une majorité institutionnelle confortable ? Le président Tebboune a réussi son pari de tenir les législatives dans les délais fixés, comme il l’avait fait pour la révision constitutionnelle, en se moquant du taux de participation électorale qui n’aura pas été au rendez-vous. Mais ceci empêchera-t-il le camp populaire majoritaire du boycott de continuer à faire entendre sa voix, d’une manière ou d’une autre, en dehors du Parlement où il n’est pas représenté ?