Les immigrés ont souffert de la Covid
Selon les résultats de la deuxième phase d’une enquête épidémiologique, les populations d’origine immigrée ont été particulièrement touchées par la Covid. Les minorités «ethnoraciales» ont subi la pandémie de manière accrue dans de nombreux pays. «Plusieurs indicateurs montrent qu’il en est de même en France, mais on ne peut pas l’étudier finement faute de données sur cet aspect», regrette Nathalie Bajos, directrice de recherche à l’Inserm, interrogée par Le Journal du dimanche. Son sentiment s’appuie sur deux grandes enquêtes de santé publique, EpiCov et Sapris, sur des groupes de plus de 130 000 personnes. Ainsi, les statistiques de l’Insee sur les décès selon le pays de naissance, la mortalité de mars et avril 2020 s’est accrue de 22 % en moyenne chez les personnes nées en France et cette augmentation a été deux fois plus forte chez celles nées à l’étranger (48 %). «Particulièrement touchés, les natifs du Maghreb (+ 54 %), d’Asie (+ 91 %) et d’Afrique sub-saharienne (+ 114 %) ont un risque de mourir plus jeunes que les autres. Reste que ni la nationalité ni le lieu de naissance des parents ou des grands-parents ne figurent sur les certificats de décès», écrit le JDD. Cependant, «le fait d’être immigré de deuxième ou troisième génération n’apparaît pas dans les statistiques de mortalité», précise Nathalie Bajos. La chercheuse coordonne le projet Sapris (Santé, perception, pratiques, relations et inégalités sociales en population générale pendant la crise Covid-19). «À quand une prise en compte des disparités ethnoraciales vis-à-vis de l’infection ?», s’est inquiété un groupe de chercheurs dans la revue d’épidémiologie et de santé publique. Pour Maria Melchior, de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm), «il existe un vrai risque de stigmatisation, d’où la prudence». Cela pose cependant la question de la réactivité face à cette population… D’où la troisième phase d’enquête qui vient d’être lancée afin de mieux cerner les conséquences de la Covid sur les populations les plus démunies. On se souvient en France qu’en Seine-Saint-Denis, la mortalité avait augmenté de 118% en 2020. C’est le cas dans d’autres zones urbaines où se concentrent les difficultés sociales et économiques. En Île-deFrance, on comptait 17% de décès supplémentaires entre septembre et novembre 2020, contre 89% entre mars et avril 2020. «Plus que le fait d’être né à l’étranger, c’est celui d’appartenir à une minorité visible qui joue. Il y a une distinction nette entre celles nées dans l’Union européenne et les autres», estime Nathalie Bajos. Pour elle, c’est la conséquence de «décennies de politique de ségrégation socio-spatiale». «Leur surexposition au virus n’est pas due à un manque de compréhension des consignes», rappelle la chercheuse