Face au crack, un quartier de Paris en pleine «urgence humanitaire»
Plusieurs centaines de personnes agglutinées sur un bout de trottoir, qui fument du crack entre violences, détritus et effluves d’urine : à Paris, la fermeture d’un jardin public aux toxicomanes qui s’y étaient regroupés, sans solution alternative, n’a fait qu’aggraver une situation déjà inhumaine. Après des tirs de mortier contre les toxicomanes qui fréquentaient le quartier voisin de Stalingrad, la mairie de Paris a décidé mi-mai de les déplacer aux jardins d’Eole, dans le nord de Paris, une mesure provisoire à laquelle elle a mis un terme fin juin. Face à l’entrée nord du parc désormais barricadée, les consommateurs s’entassent dans le dénuement le plus total. De leur propre aveu, comme de celui des riverains ulcérés par les désaccords politiques qui ont engendré cette situation, «c’est pire qu’avant». «C’est encore plus le bordel, on est tous collés, il y a plus de bagarres», confie Jack à l’AFP, entre deux bouffées de crack. Etalé au sol, le quinquagénaire observe la rancoeur contre les habitants monter parmi ses congénères. «A quoi ça a servi toutes leurs manifestations si c’est pour en arriver là ? On est sur le trottoir, on nous photographie en train de fumer. Alors forcément certains s’énervent et il y a des agressions.»
«C’est catastrophique», confirme Kamel, un riverain qui souhaite rester anonyme, après avoir été menacé de mort par des dealeurs. «La mairie a sorti les toxicomanes du parc comme on le voulait, mais pour les mettre encore plus près des habitations, ça démultiplie les tensions.» Lors des manifestations hebdomadaires des riverains, les pancartes dénoncent désormais une «urgence humanitaire». Beaucoup d’habitants se désespèrent de cette situation «indigne d’un Etat de droit» et de l’attitude des pouvoirs publics, incapables de s’entendre. «Les riverains sont sacrifiés dans le bras de fer entre mairie et gouvernement», enrage Kamel, qui se demande «si le gouvernement refuse de coopérer pour gêner les ambitions présidentielles d’Anne Hidalgo», la maire socialiste de Paris qui pourrait se présenter à l’élection présidentielle en 2022. Mercredi, un Conseil de Paris tendu a illustré l’impasse dans laquelle se trouve la capitale, malgré le plan crack mené conjointement par la ville et divers services de l’Etat depuis 2019, qui permet d’héberger plus de 400 usagers précaires.