Au Liban, la valse des valises voyageuses pour contrer la pénurie de médicaments
Pour aider famille et amis confrontés à la grave pénurie de médicaments au Liban en plein effondrement, Lydia a fait le voyage Marseille-Beyrouth avec deux valises et un sac à dos bourrés de médicaments : au total elle en a eu pour plus de 1000 euros. «Il y avait de tout. Des antibiotiques, des médicaments contre l’hypertension, le cholestérol, le diabète, le Parkinson, le cancer et beaucoup d’antidépresseurs», raconte la sexagénaire à l’AFP, qui partage son temps entre la cité phocéenne et son pays d’origine. Arrivée à l’aube chez elle dans la localité de Baabdate, nichée dans la montagne au nord de Beyrouth, les bénéficiaires ont afflué deux heures plus tard, à 7h30.
«Il n’y a pas pire que de manquer de médicaments», reconnaît-elle.
«Certains souffrant de maladies chroniques avaient déjà épuisé leurs stocks depuis plus de deux semaines.» Ses parents octogénaires sont également rentrés de Marseille avec des médicaments pour 12 personnes, dans quatre valises. Depuis plusieurs mois, les étagères des pharmacies se dégarnissent à vue d’oeil au Liban, englué dans un effondrement économique et une dépréciation historique de sa monnaie. Après s’être tournés d’abord vers des génériques, devenus tout aussi rares, les Libanais font appel aux amis qui vivent à l’étranger ou rentrent de voyage pour se procurer des médicaments, au prix cher. «Jamais nous nous sommes sentis aussi étouffés, au sens primaire du terme. C’est surréaliste», déplore Lydia, qui était pourtant au Liban durant la guerre civile (1975-1990). La valse des valises lui rappelle les années du conflit, quand les visiteurs débarquaient avec dans leurs mallettes toute sorte de produits qu’on ne trouvait plus sur le marché. «Cette crise a réveillé de vieux réflexes du temps de guerre, notamment en terme de solidarité sociale», convient-elle. Les pénuries interviennent au moment où le pays, à court de devises étrangères, revoit son système de subventions qui permettait de juguler le prix des importations, malgré la dépréciation de la livre libanaise. Résultat : les importations de médicaments sont quasiment à l’arrêt depuis plus d’un mois, selon le syndicat, en raison de l’absence de nouvelles lignes de crédit autorisées par la Banque du Liban (BDL) et des impayés aux fournisseurs étrangers. Le gouvernement accuse, lui, les professionnels d’emmagasiner les stocks en attendant les nouveaux prix une fois les subventions levées, évoquant également la contrebande vers l’étranger.