Des milliards de dinars en «jachère»
La dégradation des routes, la défaillance de l’éclairage et des projets à la traîne sont autant de problèmes qui affectent une ville ayant pourtant bénéficié de budgets faramineux.
La ville de Sétif est malade. Personne ne vient à son secours. La métastase de la séculaire n’émeut personne. Jadis, propre et belle à voir, la cité chavire, touche le fond. Infestant aussi bien le poumon que la périphérie, l’insalubrité n’offusque pas, ne dérange aucunement les services concernés. La dégénérescence d’un réseau routier «gavé» par un bitumage sélectif crève les yeux. Eventré de partout, le phénomène n’est plus l’apanage de la périphérie. Il gangrène le centre-ville où l’état de la chaussée de la rue Vallet vous donne la nausée. Cette décrépitude illustre l’ampleur du tort fait à une ville pour laquelle des preux ont versé leur sang et souffert le martyre au camp de concentration de Ksar Ethir. L’agonie des trottoirs en rajoute une couche supplémentaire. La nuit, il ne faut pas s’aventurer ou se balader du côté du mythique stade Mohamed Gassab et ailleurs. L’obscurité n’encourage pas les plus téméraires à mettre le nez dehors. Inscrite en 2014 (Réf. 2014/20) pour un montant de 27 millions de dinars (MDA), l’histoire de la réalisation et la rénovation de l’éclairage public de toute la ville s’apparente à un feuilleton sans fin. Pour un montant de 137 229 945,21 DA (2018/26), le refrain en mode LED figure dans la nomenclature budgétaire de 2021. Ne dérogeant pas à la règle, l’opération fait du surplace. Pour se dédouaner, les éminences grises de la commune ne rendant compte à personne brandissent comme à l’accoutumée le sempiternel alibi des procédures administratives. Curieusement, la bureaucratie «n’impacte» que la commune de Sétif. Au lieu de concrétiser les actions adoptées par l’assemblée, l’exécutif communal persiste et signe. Il trouve le moyen d’inscrire une nouvelle fois l’opération dans le budget supplémentaire de 2021. Au grand étonnement de la population tenue à carreau. Selon l’approche de l’APC, l’installation du LED au chef-lieu de la wilaya est renvoyée aux calendes grecques. Le remplacement des lampes et des poteaux défectueux n’est plus le fort de l’institution divisée en deux clans. La scission a généré des alliances contre nature. Le «pacte» ou plutôt la «répartition» des postes et des primes s’est faite au détriment du développement de la ville, dernière roue de la charrette. La preuve, les auditeurs ayant hérité d’une manne financière incommensurable et d’un important reste à réaliser (RAR) dépassant de loin les projets de certaines wilayas qui se sont empêtrés dans des faux problèmes.
En prenant les clés de l’Hôtel de Ville, l’exécutif communal ne descendant pas de Mars savait tout sur la petite piscine du parc d’attraction. Ce point d’eau où barbotaient les gamins de Langar, de Tandja et des autres quartiers, faisait depuis 2014 (Réf. 2014/25) l’objet d’un aménagement pour un montant 4 610 827,72 DA. La réhabilitation qui n’en finit plus change d’intitulé en 2020 : «Achèvement de la réalisation de la piscine pour enfants.» Peut-on réaliser une piscine sur un bâti déjà existant ? La réponse coule de source. Faisant dans la politique de la fuite en avant, les rédacteurs de la nomenclature budgétaire de l’année en cours allouent (2020/52) à la «réalisation» une enveloppe de 16 MDA de dinars. Malheureusement, l’opération est elle aussi prisonnière des procédures. Financées par la caisse de solidarité et garantie des collectivités locales (CSGCL), six cantines scolaires dont l’inscription remonte à 2019, végètent-elles aussi. L’alimentation de l’école Mohamed Guenifi (2019/74) par l’énergie solaire n’est pas lancée. Les 16 MDA injectés dans le projet ne sont pas consommés. Et comme le ridicule ne tue plus, les 40 MDA réservés initialement (2020/20) à la réhabilitation de l’école El Okbi Ahmed fondent comme neige. En divisant le montant par deux, la réhabilitation devient replâtrage.
Programmée en 2019, la rénovation de la piscine de la forêt récréative de Bousselam (autre source de recettes pour la municipalité) n’est pas la priorité des décideurs de la commune. Les 30 MDA réservés au projet en 2019 ne vont pas suffire. Par la faute de ces fonctionnaires de la politique, l’entreprise désignée sera contrainte de poser un avenant ou une demande d’actualisation des prix. Le surcoût sera une fois de plus à la charge du trésor public. Frappant des centaines d’opérations d’une très grande utilité publique, le «gel» conçu par le dilettantisme d’un exécutif communal prenant à la légère les affaires de la collectivité s’étend aux espaces verts et jardins publics bénéficiant pourtant d’une manne financière de 71 602 300, 00 MDA.
Inscrite en 2017, l’opération perd de l’argent et du temps. Après maintes tergiversations, le cinéma Variété qui a fait couler beaucoup d’encre bute sur une histoire d’intitulé. Dotée d’une cagnotte de 15 MDA, l’opération «finalisation de la réalisation et acquisition des équipements du cinéma du centre commercial Ifriqiya» traînant depuis plus de trente ans est réinscrite dans le budget supplémentaire sous l’appellation ‘‘Étude, suivi et finalisation…’’». Que de temps perdu ! Avec la manière de faire de l’équipe communale qui prépare ses bagages, le cinéma Variété « nouvelle version » n’ouvrira pas ses portes de sitôt. Prévus depuis 2016, des réservoirs d’eau pour les écoles primaires tombent dans les oubliettes. Réservée à l’opération, l’enveloppe de 50 18 000 00 DA somnole dans les tiroirs. Pour une raison économique, sa relance ne sera pas une mince affaire. Avec l’inflation et la dévaluation du dinar, le marché va être revu à la hausse. Une probable actualisation des prix ne dérange nullement les «élus» car l’argent dépensé est celui du «Beylik». La réhabilitation de la crèche d’El Hidab inscrite en 2020 pour un montant de 20 MDA, poireaute. Au grand dam des petits enfants de la cité. Loin de la mire de l’exécutif communal, la masse juvénile des 1000 logements privée d’un petit terrain en gazon synthétique attend impatiemment la réhabilitation de son stade. Ne faisant même pas les heures de bureau, les élus ont sans nul doute oublié de lancer l’opération initiée en 2018 pour 12 MDA. Ceci n’est que la partie émergée de l’Iceberg. Avant de fermer la parenthèse, une question nous taraude l’esprit ; les responsables du terrible traumatisme subi par la ville de Sétif trahie par ses propres enfants auront-ils l’outrecuidance de se présenter pour un autre mandat ?
Kamel Beniaiche