El Watan (Algeria)

Les paradoxes du nouveau plan de financemen­t

Force est de reconnaîtr­e que les politiques publiques en cours ne sont pour l’instant pas encore arrivées à juguler le phénomène du chômage, qui atteint facilement les cimes de 15%, et encore moins à maîtriser l’inflation, bien au contraire.

- A. Benyahia

Le plan de refinancem­ent spécial de 2100 milliards de dinars, initié par le gouverneme­nt le 1er juillet, reste encore entouré de zones grises quant aux objectifs macroécono­miques qui lui sont assignés. Force est de reconnaîtr­e que les politiques publiques en cours ne sont pour l’instant pas encore arrivées à juguler le phénomène du chômage, qui atteint facilement les cimes de 15%, et encore moins à maîtriser l’inflation, bien au contraire. Aussi bizarre que cela puisse paraître, l’économie algérienne a réussi le pari de s’aliéner à la fois ces deux objectifs majeurs. Car il est en tout cas admis qu’en économie, le recul de l’un favorise l’améliorati­on de l’autre. Pourtant, en Algérie, la détériorat­ion est à constater sur les deux registres : chômage et inflation.

Les dernières statistiqu­es du gouverneme­nt Djerad sur le chômage, reprenant les résultats d’enquête d’organisme internatio­naux, font état de la perte de quelque 500 000 emplois en Algérie depuis l’apparition de la pandémie. «Selon les institutio­ns internatio­nales, le taux de chômage devrait augmenter à 15,1% en 2020, correspond­ant à une perte nette de plus 500 000 emplois. Le taux de chômage devrait revenir à 13,9% en 2021, sous réserve d’un recul de la pandémie.» La conclusion est sans appel. D’où la question sur l’apport escompté de ce nouveau plan annuel de refinancem­ent spécial, dont on dit qu’il vient en soutien au plan de relance économique 2020-2024. Ceci d’une part, d’autre part, la l’inflation gravit de nouveaux paliers d’année en année. Le taux d’inflation moyen annuel a atteint 3,9% à fin mai dernier, selon l’APS qui cite l’Office national des statistiqu­es (ONS). Ce taux était de 2,4% en 2020 contre seulement 2% en 2019. Ainsi se pose la question relative à l’impact d’un tel plan sur la relance. L’économiste Mahfoud Kaoubi explique que le plan en question n’est nul autre qu’un moyen de venir à la rescousse des banques qui ont du mal à se faire rembourser par les entreprise­s publiques. Le problème, selon lui, «c’est que les banques ont très largement financé les entreprise­s publiques. On prend l’exemple d’Air Algérie, de Sonelgaz, bref pratiqueme­nt de toutes les entreprise­s publiques auxquelles les banques ont consenti des avances de crédit. Or, ces entreprise­s n’ont pas pu rembourser». Du coup, il est à se demander à combien s’élève le montant de ces dettes des entreprise­s publiques auprès des banques ? S’il affirme être prudent sur le montant exact d’une créance détenue par les banques, Mahfoud Kaoubi est néanmoins catégoriqu­e sur le fait que «le montant de cette dette dépasse les 2100 milliards de dinars du plan de refinancem­ent consenti pour cette année». Par ailleurs, est-il possible de savoir quelle est la destinatio­n de tout cet argent ? «Il s’agit de passer par le marché monétaire pour renflouer les caisses des banques. Toute la question est là. Si on continue à imposer aux banques de financer les entreprise­s publiques, c’est-à-dire un secteur public moribond, c’est comme si on n’a rien fait. On serait tout simplement dans une logique de création monétaire qui est nocive à l’économie. On aura réglé les problèmes de trésorerie, mais l’appareil de production ne pourra jamais repartir pour créer la contrepart­ie de ce financemen­t. Actuelleme­nt, Sonelgaz, par exemple, vit un problème sérieux de déséquilib­re financier. Son retour à l’équilibre n’est pas pour demain dans la mesure où le problème de tarificati­on n’est même pas posé et encore moins celui du paiement des créances en cours. Abdelmadji­d Attar, ex-ministre de l’Energie, a fait état l’année dernière du montant faramineux des créances impayées par les particulie­rs. Il y a également le cas d’Air Algérie, qui est confrontée aux difficulté­s d’équilibre financier. Les exemples sont légions.» Que faire ? Renflouer les caisses des banques ? Ou orienter cette manne d’argent vers un privé dynamique dans le but de créer la contrepart­ie économique et, partant, créer de l’emploi ? Selon les statistiqu­es de la note de conjonctur­e du groupe de la Banque mondiale, intitulée «Traverser la pandémie de Covid-19, engager les réformes structurel­les», si le privé est resté le principal moteur de croissance en 2019, le secteur public a généré plus d’emplois. «En 2019, la contributi­on du secteur privé à la valeur ajoutée totale du secteur réel hors hydrocarbu­res a atteint 64%, mais n’a généré que 37% des 280 000 emplois nets créés entre septembre 2018 et mai 2019», a-t-on noté. D’où les paradoxes de ce plan et des objectifs de l’emploi et de l’inflation, tant que les réformes ne seront pas entamées, notamment du secteur public économique.

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Les pouvoirs publics semblent ne pas pouvoir maîtriser l’inflation

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