La «RSU» en modèle de fonctionnement
Les bouleversements engendrés par la pandémie de la Covid-19 sur les individus et les entités sont fort nombreux sur les plans économique, psychologique et comportemental. Partant de ce constat, l’université en tant qu’institution est confrontée à de nouvelles donnes dans son fonctionnement pédagogique et scientifique, voire de gouvernance. Face à cette situation inédite, des dispositions ont été prises, parfois sur les chapeaux de roues, pour clôturer les cursus, mais aussi pour la prise en charge de nombreuses initiatives, vouées à la contribution à l’effort de lutte anti-pandémie. A ce propos, le discours de circonstance exige de l’université d’être en phase avec les exigences de l’heure, et ce, en étant «flexible, créatrice de pôles d’excellence et ouverte sur le secteur économique». Effectivement, l’après-Covid-19 reste une étape fondamentale sur les choix et les priorités de la politique de l’université algérienne tant les défis sont importants. Dans cette optique, une réflexion sur le post Covid-19 en Algérie en particulier à l’université, a été lancée, réalisée par les trois Conférences régionales des universités de l’Ouest (CRUO), du Centre et de l’Est en réponse à la note n° 547 du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, du 23 avril 2020 relative à la période post-pandémie. Cette réflexion repose sur «de nouvelles visions, stratégies, orientations, réglementations qui doivent être envisagées et mises en oeuvre, en visant notamment la consécration des responsabilités et de l’utilité sociale et sociétale pour toutes les activités d’enseignement, de formation et de recherche accomplies», selon le rapport de la CRUO. Somme toute, il est ainsi «demandé à l’université de s’adapter, en ayant en plus de la responsabilité du savoir et de la recherche, celle de préserver la santé de ses parties prenantes, en faisant preuve de souplesse dans sa gestion».
REPENSER LA GOUVERNANCE
Le défi post-Covid-19 qui «incombe à l’université algérienne est de repenser sa gouvernance en intégrant une démarche socialement responsable qui doit être ancrée dans son fonctionnement, en mobilisant l’ensemble de ses parties prenantes (enseignants, chercheurs, étudiants, personnel administratif, territoire et l’ensemble de la société)», analysent Hinde Hadj Slimane Kharoua, docteur habilité en sciences de gestion et Wassila Tabet Aoul Lachachi, professeure en sciences économiques à l’université Aboubekr Belkaïd de Tlemcen qui ont réalisé une étude intitulée : «Repenser l’université algérienne après la Covid-19 : Vers l’université socialement responsable». «Quelles sont les initiatives concrètes (formation, recherche scientifique, gouvernance) qui peuvent être mises en place par l’université algérienne afin d’intégrer une démarche de responsabilité sociale et sociétale post-Covid-19 ?», s’est interrogé le binôme enseignant en préambule. Et d’expliquer la démarche suivie dans l’élaboration de l’étude en question qui «a pour ambition de présenter la mise en oeuvre d’une démarche de responsabilité sociale au sein de l’université (RSU) en Algérie, à travers un modèle intégrateur des missions, à savoir la formation, la recherche scientifique et la sensibilisation dans un environnement postpandémie». L’adoption d’une politique de Responsabilité sociale de l’université (RSU) a pour but de «réinscrire la mission de l’institution dans le cadre le plus large des rapports entre l’université et la société» et par conséquent «les dirigeants conditionnent fortement ce projet de responsabilisation et la prise en compte de ces principes par les parties prenantes organisationnelles».
DOMAINES D’EXERCICE
Les principes et les pratiques de la responsabilité sociale de l’université doivent être focalisés, est-il précisé, sur la formation, la recherche scientifique et la gouvernance. Comme la gouvernance est la première condition de l’implantation de la responsabilité sociale de toute organisation, «il est indispensable de prôner une nouvelle gouvernance partenariale de l’université, centrée sur l’autonomie, l’innovation, l’éthique, la rentabilité, l’excellence managériale et l’ouverture aux parties prenantes, afin de répondre à leurs besoins, mais surtout pour bénéficier de leur soutien. C’est dans ce sens que la littérature en entrepreneuriat organisationnel propose de combiner trois approches permettant de mesurer l’intensité entrepreneuriale de l’université : par le comportement des parties prenantes primaires (recteur, vice-recteurs, doyens), par la mise en place de processus favorables à la poursuite d’opportunités entrepreneuriales (orientation stratégique, qualité, incubateur, allocation des ressources...) et les résultats auxquels elle aboutit», détaillent les auteures de l’étude. A rappeler qu’une partie prenante est un «individu ou groupe ayant un intérêt dans les décisions ou activités d’une organisation». L’université, à l’instar des autres institutions, possède ses propres parties prenantes : «En Algérie, compte tenu de la gratuité des études, les enseignants chercheurs et le personnel administratif sont des salariés de l’université ; l’Etat représenté par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est une partie prenante essentielle, car il est considéré à la fois comme ‘’propriétaire’’ et ‘’bailleur de fonds’’ permettant le bon fonctionnement de l’établissement». Comment actionner donc un processus de RSU ? Pour nos interlocutrices, « la mise en place de ce processus dans les universités suppose une cohérence ente les représentations des dirigeants, les ressources et les outils dont ils disposent, et les pressions de l’environnement. Il faudrait notamment mettre en place une approche stratégique «gagnantgagnant», qui accorde une valeur ajoutée à l’université, à la société et à toutes les parties prenantes».
UNE RECONSTRUCTION
Pour les universitaires «le post-Covid semble être une véritable aubaine dans l’exercice de la responsabilité sociale et de l’excellence, de la part des dirigeants de l’université algérienne, mais surtout une reconstruction d’une vision claire et durable». Et c’est pour cela qu’elles ont tenté «de proposer des éléments théoriques et des outils par le biais d’un modèle qui pourrait guider les dirigeants de l’université à choisir un mode de gouvernance transparent, juste et véhiculant des modèles d’excellence et des valeurs d’exemplarité, qui responsabilisent les collaborateurs organisationnels afin d’assurer une efficacité pédagogique ainsi qu’une recherche scientifique adaptée».