«LA VACCINATION EST L’UNIQUE MOYEN POUR REVENIR À LA VIE NORMALE»
Le Pr Réda Djidjik, chef de service d’immunologie au CHU de Beni Messous, revient dans l’entretien qu’il nous a accordé sur la situation épidémiologique qu‘il qualifie d’alarmante au vu du nombre d’infections de Covid-19 enregistrées au cours de ces derniers jours.
Le Pr Réda Djidjik, chef de service d’immunologie au CHU de Beni Messous, revient dans cet entretien sur la situation épidémiologique qu‘il qualifie d’alarmante au vu du nombre d’infections de Covid-19 enregistrées au cours de ces derniers jours. Une troisième vague de contaminations plus virulente due aux nouveaux variants comparativement à celle qu’a connue l’Algérie en juillet 2020, a-t-il souligné. Pour lui, la vaccination est l‘unique moyen de prévention pour revenir à la vie normale et de rassurer sur l’efficacité des vaccins utilisés, sans oublier les gestes barrières. La situation épidémiologique est actuellement à un stade critique avec l’augmentation rapide des nouveaux cas d’infection. Quelles sont, d’après vous, les raisons de cette flambée ?
La situation épidémiologique est effectivement inquiétante, elle est à la limite alarmante. Le nombre de cas de Covid-19 enregistré quotidiennement est en augmentation exponentielle et nous nous attendions à cette troisième vague depuis des mois. C’est le cycle naturel de toute épidémie. Nous constatons que la courbe épidémiologique prend l’allure de celle enregistrée en juillet 2020 lors de la deuxième vague avec, cette fois-ci, une forte contamination due aux nouveaux variants très contagieux. Les lits d’hospitalisation au niveau de l’hôpital sont tous occupés, on parle même de saturation. Il en est de même pour la réanimation. La majorité des cas présente des formes graves nécessitant d’importantes quantités d’oxygène. Les principales raisons de cette flambée sont connues et nous l’avons répété à maintes reprises. Nous incriminons à chaque fois la population pour non-respect des gestes barrières, mais il n’y a pas que cela. Il ne faut pas oublier que ce qui se produit n’est que le reflet du cycle naturel et biologique du coronavirus avec les mutations connues jusque-là et son évolution par vagues. Après la première, la deuxième et cette troisième vague, il est fort probable de voir une quatrième vague en novembre prochain. L’une des explications également de cette recrudescence du nombre des cas est bien sûr la progression des variants qui circulent actuellement partout dans le monde, en l’occurrence le variant Delta après l’Alpha. Nous pouvons dire que le nombre des contaminations serait entre 15 000 à 20 000 cas, dont 5 à 10% arrivent à l’hôpital avec des formes graves de la maladie. Mais je dois dire que le taux de mortalité n’a pas pour autant augmenté comparativement aux dernières vagues.
Le variant Delta considéré très virulent risque d’être majoritaire dans les prochaines semaines. Quels sont les moyens à mettre en place pour freiner cette tendance haussière ?
Dès l’apparition du virus SARS-CoV-2 en 2020, tout le monde s’accorde à dire que le meilleur moyen de casser la chaîne de contamination est le respect des gestes barrières en plus de la vaccination, qui est une des mesures de prévention efficace et les vaccins sont aujourd’hui disponibles. L’apparition des nouvelles souches du SARS-CoV-2 a compliqué la situation, notamment avec le variant Delta qui se caractérise par sa virulence et sa forte contagiosité. Il est 50 fois plus contagieux que la virus classique et il commence à être dominant dans le monde. Maintenant, la meilleure solution pour casser la chaîne de contamination et éviter la progression de ces variants est d’observer rigoureusement toutes les mesures barrières, notamment le port du masque, le lavage des mains, la distanciation physique. Comme il y a également le recours au confinement, qu’il soit partiel ou total, dont l’objectif est d’atteindre une courbe épidémiologique en plateau pour soulager les services de santé et permettre aux professionnels de la santé de souffler. L’accélération de la vaccination pour tenter d’atteindre l’immunité collective est l’un des moyens de prévention efficace et elle permet d’éviter les formes graves de la maladie et les hospitalisations.
Vous proposez le confinement pour faire face à cette troisième vague ?
Je pense qu’à un moment donné, il est primordial d’avoir recours à ce type de mesures, lorsque les mesures barrières ne suffisent pas pour freiner la transmission du virus et faire baisser la tension sur les services hospitaliers et permettre aux professionnels de la santé de souffler.
Vous avez insisté sur les bienfaits de la vaccination. Les vaccins disponibles en Algérie sont-ils efficaces ?
Je dois rappeler que ce sont des millions de personnes qui sont aujourd’hui inoculées et on connaît les bienfaits de la vaccination qui sauve des vies. Elle reste le moyen efficace pour se protéger de ces virus et on ne peut pas la remettre en cause. Nous encourageons justement les citoyens à se faire vacciner et atteindre le taux le plus élevé – 70% de la population – pour arriver à atteindre l’immunité collective et pouvoir freiner la pandémie. L’objectif est aussi de réduire les formes graves et éviter les hospitalisations, notamment la réanimation avec tout ce que cela peut engendrer. Si nous arrivons à vacciner 10 à 15 millions d’Algériens, nous pourrons dire que nous avons atteint l’objectif fixé. Concernant l’efficacité de ces vaccins, il est bien entendu qu’ils ont été introduits avec des conditions prérequises. Ces vaccins sont utilisés dans leur pays d’origine et ils ont été enregistrés par l’Agence nationale des produits pharmaceutiques sur la base des dossiers justifiant les données relatives à la sécurité, l’innocuité et l’efficacité. J’encourage la population à se faire vacciner pour se protéger et protéger les autres. Le processus de vaccination doit être accéléré pour revenir à une vie normale, et toute personne ayant la possibilité de recevoir le vaccin ne doit pas hésiter. Pour moi, le meilleur vaccin est celui qui est disponible, car ils sont tous efficaces.
Je suis de ceux qui croient aux bienfaits de la vaccination, alors vacciner, vacciner...
Sont-ils efficaces aussi contre les nouveaux variants, notamment le Delta ?
Les études sont toujours en cours et tous ces vaccins ont montré leur efficacité face au virus SARS-CoV-2. Il y aurait, peut-être, une légère diminution des taux d’efficacité pour certains, notamment face au variant Delta. Une étude d’évaluation des vaccins que nous utilisons en Algérie a été initiée par notre service depuis le mois de février dernier. Les résultats préliminaires de cette étude ont montré pour le moment des taux d’efficacité significatifs.
Les variants sont-ils systématiquement recherchés chez les patients avec des PCR positives ?
Pour le moment, il n’y a que l’Institut Pasteur d’Algérie qui effectue les séquençages génomiques du virus, et ce n’est pas systématique pour toutes les PCR positives. Il y a des protocoles spécifiques à suivre. Nous comptons lancer justement l’activité au niveau de notre service.
Qu’en est-il des cas d’infection et de réinfection post-vaccinale ?
Des personnes peuvent être effectivement infectées ou réinfectées après la vaccination. Cela peut arriver, c’est-à-dire que l’on peut être encore contaminé avant que la deuxième dose ne soit pleinement efficace. Comme cela peut être aussi possible après une première dose, qui n’est qu’une vaccination partielle. Il faut savoir qu’après une première dose, durant cette phase d’attente de la deuxième dose, il ne faut jamais baisser la vigilance face aux gestes barrières qui doivent être également maintenus après. Il n’y a aucun vaccin contre la Covid-19 qui assure une protection à 100%. La réinfection est donc possible et elle se présente sous forme bénigne, on parle alors de Covid légère peu contagieuse.
Le ministère de la Santé a décidé de mettre en place un certificat de vaccination, appelé communément pass sanitaire, permettant l’accès de certains endroits seulement aux personnes vaccinées. Qu’en pensez-vous ?
Je dois dire qu’il est aujourd’hui urgent d’inciter la population à aller se faire vacciner, tout en lui expliquant les bienfaits de cette vaccination et l’intérêt que cela peut avoir sur la protection individuelle et collective. Il s’agit d’une question de santé publique qui nous concerne tous et la vaccination reste le moyen le plus efficace pour espérer revenir à une vie normale. C’est à travers cette vaccination que l’on peut contrôler la pandémie qui continue de faire des ravages à travers le monde au plan social et économique. Le pass sanitaire n’est, à mon avis, qu’un moyen d’inciter les gens à se faire vacciner et accélérer le processus. Maintenant, pour l’accès à certains endroits si on n’a pas cette attestation, le recours à la PCR est toujours valable. L’essentiel aujourd’hui est d’expliquer aux Algériens l’intérêt de la vaccination de manière intelligente pour le bien de la collectivité et qu’elle n’est pas obligatoire mais exigée dans certaines conditions, telles que les voyages. Nous avons tous été surpris de voir l’engouement de la population ces derniers jours pour la vaccination, après une longue réticence. Certains pays qui ont vacciné 50% de leur population ont pu contrôler la maladie en réduisant les hospitalisations et ils sont revenus à la vie normale, en témoigne la belle Coupe d’Europe. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous faire vacciner. Le rôle des médias et des scientifiques dans la sensibilisation des citoyens est primordial.
Les principales raisons de cette flambée sont connues et nous l’avons répété à maintes reprises. Nous incriminons à chaque fois la population pour non-respect des gestes barrières, mais il n’y a pas que cela.