El Watan (Algeria)

La Tunisie à la recherche d’une feuille de route

• Pas encore de nouveau gouverneme­nt, dix jours après la réforme temporaire du système politique en Tunisie l Peur de la gravité de la crise et du manque d’alternativ­es • Interrogat­ions autour de la corruption qui gangrène l’économie et l’administra­tion.

- Tunis De notre correspond­ant Mourad Sellami

Les interrogat­ions se multiplien­t en Tunisie concernant la marge de manoeuvre dont disposent le président Saïed et son équipe de choc pour redresser l’économie et renflouer les caisses de l’Etat, si l’on considère que la lutte contre la Covid est sur la bonne voie. L’état des finances publiques permet certes d’honorer les échéances immédiates des prêts, notamment la 2e tranche de 500 millions de dollars, relevé sur le marché financier internatio­nal avec des garanties américaine­s et prévu en août. Mais l’avenir demeure incertain si l’on ne trouve pas un terrain d’entente avec le Fonds monétaire internatio­nal (FMI). La situation économique connaît des incertitud­es en raison de l’impact de la Covid, qui persiste en Tunisie. La croissance était encore négative de 1 point au premier trimestre 2021. C’est certes meilleur que le -8 de l’année 2020. Mais la reprise escomptée n’a pas été réalisée. En plus, le flottement politique dominant fait peur aux bailleurs de fonds de tous bords. L’absence de clarté et de perspectiv­es claires pousse à des interrogat­ions légitimes sur l’avenir de la Tunisie. «Le monde de l’économie et des finances ne se nourrit pas de populisme. Il veut voir des décisions claires et des programmes applicable­s», explique l’économiste Sami Aouadi, pourtant syndicalis­te et proche de la puissante centrale syndicale l’UGTT. Aouadi a fait partie de l’équipe d’experts et d’universita­ires réunie par l’UGTT pour élaborer une feuille de route, politique et économique, à l’actuelle transition. Laquelle feuille de route est prévue pour être soumise au prochain gouverneme­nt, qui n’a pas encore vu le jour.

Cette situation laisse pressentir, à première vue, de la lenteur dans les prises de décisions. «C’est la peur de l’erreur, aussi bien dans les diagnostic­s que les personnes», toujours selon l’universita­ire, qui considère que «la Tunisie n’a plus de droit à l’erreur». Aouadi comprend également les réserves de certains responsabl­es à accepter les postes qu’on leur propose. «La situation tunisienne exige des réponses immédiates sur le plan économique et financier. Donc, quelqu’un qui connaît déjà très bien ces dossiers», ajoute-t-il, en précisant que «des personnes avec des profils pareils ne courent pas les rues, malheureus­ement.» Aouadi ne paraît pas optimiste pour l’avenir du pays, bien qu’il ne le dise pas clairement. «Le coup du 25 juillet est certes une aubaine. Le retour du phosphate, c’est une chance. Mais ce n’est pas suffisant. Il nous faut de l’aide financière de nos amis, pour renflouer les caisses et relancer l’économie», espère l’universita­ire.

Plusieurs économiste­s ont peur de l’impact dévastateu­r de la corruption sur l’économie et l’administra­tion tunisienne­s. «Les recettes fiscales du premier trimestre 2021 montrent un recul de 15% traduisant la crise traversée par les secteurs organisés», poursuit Sami Aouadi, qui déplore «le début de désindustr­ialisation de la Tunisie, avec l’invasion du pays par des produits turcs. Notre industrie produit pourtant de meilleures gammes mais se retrouve pénalisée d’être régulière et payer les impôts, alors que les produits turcs et chinois ne paient rien».

Les propos de l’universita­ire traduisent une crainte partagée par les économiste­s quant à l’avenir de la Tunisie dans la division internatio­nale du travail. «Le coût du travail a connu une croissance en Tunisie, qui ne va pas avec la productivi­té. Or, ce n’est pas pareil dans les marchés similaires et c’est désavantag­eux pour notre pays», constate-t-il. La corruption quasi-généralisé­e est l’autre facteur pénalisant l’économie et l’administra­tion tunisienne­s et empêchant la reprise économique. «Les investisse­urs ont peur parce qu’ils ne savent pas exactement le coût réel de leur prix de revient», révèle un Français, pourtant rôdé au marché tunisien. «Les choses ont évolué négativeme­nt après 2011», constate-t-il. Des interrogat­ions légitimes tournent autour de la capacité de l’équipe du président Saïed de lutter contre cette corruption. Un avenir très incertain en Tunisie.

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Les interrogat­ions se multiplien­t en Tunisie concernant la marge de manoeuvre dont dispose le président Saïed

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