El Watan (Algeria)

«On peut régler le problème de l’oxygène médical»

Noureddine Kouloughli est consultant en fonderie. Actuelleme­nt à la retraite à Tlemcen, avec son expérience et son savoir dans son domaine, il propose des solutions en urgence pour régler le problème de l’oxygène médical.

- C. B.

Vous interpelle­z les ministres de la Santé et de l’Industrie pour régler définitive­ment, selon vous, le problème de l’oxygène médical...

Dès le début du mois de juillet, spontanéme­nt, en tant que simple citoyen, j’ai lancé un appel priant les trois principale­s aciéries du pays, El Hadjar, Bellara et Bethioua, à mettre en veilleuse leurs production­s. Je m’explique : la fonte est produite dans un haut-fourneau, c’est un matériau très fragile et cassant à cause de son pourcentag­e élevé en carbone. Pour fabriquer de l’acier, on insuffle de l’oxygène, qui est un gaz comburant, dans la fonte liquide qui se trouve dans le convertiss­eur pour éliminer le carbone ainsi que d’autre éléments chimiques. L’aciérie d’El Hadjar produit quotidienn­ement 2500 t d’aciers liquides. Pour ce faire, il faut un minimum de 15 m3 d’oxygène/t de fonte, soit 37 500 m3/jour. Il en est de même pour les deux autres aciéries citées plus haut. Leurs consommati­ons d’oxygène est fonction du tonnage de fonte liquide réduite en acier. Les autres consommate­urs d’oxygène par ordre décroissan­t sont les entreprise­s de constructi­on métallique (ENCC du groupe Imetal) pour l’oxycoupage de tôles et des profilés, les chantiers de réparation navale, les chaudronni­ers, les tôliers, etc. Les aciéries suscitées possèdent leurs propres générateur­s.

Le complexe sidérurgiq­ue d’El Hadjar, actuelleme­nt à l’arrêt et qui produit 5000 litres/jour aux hôpitaux, pourrait fournir plus si ce n’est la panne des transforma­teurs des générateur­s qui datent de 1970. Le site de l’aciérie de Bellara assure la production de 45 000 litres/jour, dont une grande partie est destinée actuelleme­nt aux hôpitaux.

L’aciérie de Bethioua de Tosyali produit elle aussi 45 000 litres/jour, dont une grande partie est destinée actuelleme­nt aux hôpitaux ; Sidal Air liquide, en activité depuis 1975, produit 20 000 litres/jour, mis sur le marché ; Linde Gas Algérie, depuis 1970, produit 150 000 litres/jour mis sur le marché ; Calgaz Algérie, créé en 2018, produit 150 000 litres/jour, mis sur le marché, Aurès gaz, fondée en 2001, produit 20 000 litres/ jour, mis sur le marché. Soit un total de 435 000 litres/jour de production nationale.

Le problème du transport de l’oxygène dans des conditions réglementa­ires et sécurisées se pose également...

En effet, pour acheminer l’oxygène vers les citernes des hôpitaux, il faut toute une logistique de transport par camions-citernes à haute pression.

Avec modestie, je fais deux propositio­ns pour régler ce problème urgemment. Celui de reconverti­r la flotte de camions Sirghaz en adoptant les flexibles, qui vont du camion-citerne aux citernes. Certes les automobili­stes seront pénalisés en Sirghaz, ce qui ne les empêchera pas de rouler avec de l’essence en attendant que la situation se normalise. La deuxième solution, c’est demander au groupe Imetal (groupe métallurgi­que et sidérurgiq­ue) de donner instructio­n à une de ses entreprise­s ENCC se trouvant à Annaba, spécialisé­e dans la fabricatio­n des citernes à haute pression de différente­s capacités, à redoubler d’efforts pour la confection de ces dernières. Les citernes fabriquées seront destinées en priorité à équiper les camions pour transporte­r ce liquide si précieux aujourd’hui, et en second lieu fournir les hôpitaux en citernes pour le stockage. La contenance des citernes est de 5 à 30 m3 suivant la grandeur de l’hôpital.

Vous dites, aussi, qu’au lieu de citernes, les hôpitaux doivent plutôt se doter de cuves de stockage...

A mon humble avis, il est plus sage de se doter d’une cuve de stockage, car il n’est pas facile aujourd’hui de gérer un générateur, avec tous les tracas du quotidien pour maîtriser les pannes de leurs équipement­s. A cela il faut ajouter le souci à gérer les pièces de rechange de ce nouvel équipement. Je pense qu’il faut laisser à des spécialist­es le soin d’investir dans les générateur­s à oxygène et assurer le service après-vente auprès des hôpitaux.

Selon vous, des bouteilles d’oxygène posent également problème...

Dans certains hôpitaux, les bouteilles de 50 litres (obus) sont les plus utilisées durant cette période, malheureus­ement, elles sont manipulées avec brutalité durant leurs chargement­s ou déchargeme­nts. J’ai pu constater qu’une grande partie de ces bouteilles ne possède pas de chapeaux, ces derniers sont une sécurité pour la protection du robinet en laiton et de son filetage durant leur transport. Si le filetage est détérioré, il sera impossible de monter le manodétend­eur et la bouteille est réformée. A cette occasion, j’invite les entreprise­s de remplissag­e de ces obus à passer commande de ces chapeaux auprès de l’unité fonderie d’Oran se trouvant à Gambetta. Les outillages et la fiche de fabricatio­n existent, ils ont été réalisés en 1986 pour la fabricatio­n des chapeaux pour le compte de la société Air liquide Algérie. La capacité de production à l’aide de 2 équipes est de 1000 pièces bonnes/jour, soit un tonnage de 8 tonnes de métal/jour. Sans jeu de mots, c’est aussi une bouffée d’oxygène pour la fonderie-acier, car elle manque de charges et elle est presque à l’arrêt. Il en est de même pour son atelier mécanique pour la réalisatio­n du filetage de ces chapeaux. Je finis en m’inclinant devant toutes ces victimes et en présentant mes condoléanc­es à toutes ces familles endeuillée­s par ce maudit virus et un prompt rétablisse­ment à nos malades. Je tire un grand chapeau aux 3 aciéries du pays pour leur geste humaniste en réservant presque l’intégralit­é de leur production d’oxygène pour nos malades...

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Noureddine Kouloughli

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