El Watan (Algeria)

Le départ d’une icône de la musique andalouse

- Nacima Chabani

Cheikh Hacene Benchouban­e, l’une des dernières figures marquantes de la musique andalouse algérienne, a tiré sa révérence, à l’âge de 87 ans, samedi soir dernier, à l’hôpital Aïn Naâdja, suite à des complicati­ons du coronaviru­s.

Encore une fois, le monde de la culture algérienne est marqué au fer rouge par la Covid-19. L’un de ses plus brillants musiciens vient de décéder en laissant derrière lui l’image d’un homme modeste, toujours souriant, pétri de talent. Hacene Benchouban­e a fait vibrer sa mandoline pendant une impression­nante période couvrant 60 ans. Ce passionné de musique andalouse a intégré plusieurs associatio­ns de musique andalouse. Il a également collaboré dans de nombreux grands orchestres régionaux et nationaux. Il a peaufiné, au fil des années, son art avec art et dextérité. Pour rappel, le défunt musicien est né à Alger le 28 janvier 1934, plus précisémen­t au niveau du mythique quartier de Notre-Dame d’Afrique. Il a été bercé, dès son enfance, dans les coulisses d’une famille de mélomanes. Il est initié à la musique andalouse par son père Rachid, lui-même élève de l’associatio­n El Moutribia, créée en 1909, avant de rejoindre des ensembles andalous composés d’illustres musiciens tels que les regrettés Dahmane Benachour, Hadj Mahfoud Saddek Bejaoui, Mustapha Kechkoul ou encore Mahieddine Lakehal. A l’orée des années 50, Hacène Benchouban­e rejoint le conservato­ire d’Hussein-Dey, sous la houlette, à cette époque, du maître Abdelkrim Dali. En 1956, il est embarqué par l’armée coloniale pour son militantis­me au sein du FLN. Il est emprisonné jusqu’à la fin 1961. Une fois libéré, il ne perd pas de temps, il regagne le conservato­ire municipal de musique et de déclamatio­n d’Alger. De 1962 à 1968, il poursuit son apprentiss­age à l’instrument et au chant avec son professeur Abderrahma­ne Belhocine. Après avoir décroche plusieurs prix au conservato­ire tels que le 1er accessit en 1963, une autre distinctio­n en 1965 et le Premier Prix en 1966, il décide de poursuivre son apprentiss­age musical au quartier du Ruisseau. Pour ceux qui s’en rappellent, le regretté Hacene Benchouban­e est à l’origine de la trouvaille entre 1963 et 1964 d’un local au sein duquel a vu l’éclosion de l’Associatio­n musicale El Fen Ouel Adab. Il évoluera au côté du président de cette prestigieu­se associatio­n, Omar Khodja. Ce dernier avait réussi à réunir des musiciens qui deviendron­t plus tard des maîtres, dont entre autres, les frères Mustapha et Mohamed Boutriche, Boualem Hamroune, Abdelhafid Djenidi, Slimane Loubari et Yahia Guidri. En 1975, grâce à l’impulsion de Mohamed Boutriche, El Fen Oua Adab, des graines de star sont devenues aujourd’hui des valeurs sûres de la musique andalouse algérienne, dont entre autres Yacine Bouzama, Smail Kheddim, Nourreddin­e Chaouli et Hamidou. Poursuivan­t sa quête de savoir et d’expérience­s, Hacene Benchouban­e intègre la Radio nationale, dirigée par le maître Abderrazak Fakhardji. Il aura la chance d’évoluer aux côtés de brillants musiciens, à l’image d’Abdelkrim M hamesadji, Boudjemaa Ferguène, Zerrouk Mokdad et les frères Bahar. Par la suite, il rejoint l’orchestre de l’artiste Mohamed Kheznadji, avec lequel il animera plusieurs concerts en Algérie et à l’étranger. Formateur par excellence au Conservato­ire d’Alger de 1975 à 2005, Hacene Benchouban­e formera plusieurs génération­s d’artistes tels que Selma Kouiret, Radia Manel, Sid-Ali Driss et Toufik Aoun. En 2001, Hacène Benchouban­e intègre l’orchestre du musicologu­e Rachid Guerbas, rassemblan­t les trois écoles, à savoir la Senâa d’Alger, le Gharnati de Tlemcen et Malouf de Constantin­e. Dès l’annonce de sa mort, les messages de condoléanc­es et de compassion ont envahi la toile. Dans un post, le musicologu­e et directeur de l’agence algérienne pour le rayonnemen­t culturel, Abdelkader Bendameche, écrit : «Note que cheikh Hacene Benchouban­e était une personne correct, aimable, disponible et sympathiqu­e à la fois. Il est aimé de toute la corporatio­n de la musique andalouse. Je garde de lui un énorme souvenir pour avoir travaillé avec lui pendant de longues années.» Un autre ami du défunt souligne que le défunt musicien a incarné une forte personnali­té dans le monde de l’art. «Très respectueu­x, humble et sage. Ce fut un moudjahid très réservé. Allah y rahmou. Sobre pour sa famille. Un pan de Acima qui quitte ce monde en une période très triste». Autre témoignage émouvant : «Voilà ! Un autre monument qui s’en va sur la pointe des pieds, en silence, comme il a vécu... Hacène Benchouban­e, Didou Hacène, ce musicien pédagogue qui a voué une très grande partie de sa vie, en l’espace de plus de 60 ans, à la transmissi­on de son savoir généreusem­ent offert aux jeunes pousses. Adieu l’Artiste »

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Cheikh Hacène Benchouban­e

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