El Watan (Algeria)

Enfer et chaos

- Par Tayeb Belghiche

Il ne fait pas bon d’être résident en Afghanista­n actuelleme­nt. Les «fous de Dieu» sont repartis à l’offensive pour faire sombrer ce pays, ou du moins ce qu’il en reste. Depuis que les Américains ont annoncé leur retrait total d’ici le 31 août au plus tard, les talibans intensifie­nt leurs attaques alors qu’ils étaient en pourparler­s de «paix» à Doha (Qatar) avec le gouverneme­nt afghan. En moins de 24 heures, ils se sont emparés de deux capitales provincial­es alors que jusque-là, il se sont contentés de contrôler les campagnes. Il leur reste à s’emparer maintenant de 3 principale­s villes du pays, c’est-à-dire Kaboul, Hérat et Kandahar. L’avancée des talibans est foudroyant­e, au point qu’à Tarang, ville frontalièr­e de l’Iran, c’est la débandade chez les militaires, qui ont été contraints de fuir en Iran avec armes et bagages. Les civils eux aussi fuient à corps perdu, marqués sans doute par les atrocités commises par les talibans quand ils étaient au pouvoir de 1995 à 2001. Ils préfèrent l’errance que vivre sous leur joug. Au nom de l’islam, ces fanatiques ont imposé la terreur et l’enfer au peuple afghan. Leur programme de gouverneme­nt est d’une simplicité désarmante : la femme doit rester cloîtrée chez elle et si elle sort, elle doit être en burqa et accompagné­e par son mari ou un parent proche. Quant à l’homme, il doit porter barbe et cheveux longs et ses parties intimes doivent être rasées. Pour cela, il peut être contrôlé en plein jour et à n’importe quel moment. On comprend alors pourquoi leur déroute en 2001 a été accueillie par des manifestat­ions de joie à travers tout l’Afghanista­n. Malheureus­ement, la catastroph­e est à nouveau en train de s’enraciner. Et en plus grave. Ce n’est plus une guerre civile entre un pouvoir en place et des insurgés. Le chaos pointe à l’horizon. Désormais, le monde assistera à une guerre totale entre l’armée (si elle continue d’exister), les milices et les chefs de guerre d’une part et les talibans, de l’autre ; entre ces derniers et Daech ; et celui-ci sera en confrontat­ion également avec l’armée et ses alliés. C’està-dire une guerre sur de nombreux fronts avec plusieurs ennemis qui s’affrontent. C’est-à-dire que le malheureux peuple afghan n’est pas près de connaître au moins un semblant de paix. Cette situation crée de nouvelles craintes dans la région. Les anciennes république­s soviétique­s, comme le Turkménist­an, le Kazakhstan, l’Ouzbékista­n et le Tadjikista­n, ont peur de l’agressivit­é et de la folie talibanes parce que la guerre pourrait bien déborder chez eux. Dans cette perspectiv­e, la Russie a déjà commencé à masser ses troupes aux frontières afghanes de ces pays. Les Russes n’oublient pas qu’ils ont laissé des plumes dans ce pays à l’époque de l’Union soviétique. La Turquie elle aussi a des raisons de s’inquiéter, particuliè­rement à cause des population­s turcophone­s des anciennes République­s soviétique­s. Un seul pays ne manifeste aucune inquiétude. Il s’agit du Pakistan. Et il n’a aucune raison de s’inquiéter. Les talibans, ses rejetons. Ils ont été créés et formés par les madrasas où, réfugiés, on leur avait appris la lecture du Coran et le maniement des armes. Le tout sous la supervisio­n et le contrôle de l’ISI, les services secrets pakistanai­s. De ce fait, le Pakistan est devenu la profondeur stratégiqu­e des talibans et vice-versa. C’est dire que le monde n’est pas près de sortir de cet imbroglio.

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