El Watan (Algeria)

L’opposition évoque une révolution de palais

- Amnay Idir

Le nouvel homme fort du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, prêtera serment ce lundi, comme président d’un pouvoir de «transition» à la durée encore indétermin­ée. Entre temps, l’opposition a exhorté les putschiste­s à reconnaîtr­e plutôt la «victoire» de son candidat à la présidenti­elle. Mercredi dernier, des officiers de la Garde républicai­ne (GR) ont proclamé «la fin du régime» de la dynastie des Bongo au pouvoir depuis 1967, moins d’une heure après l’annonce de la réélection du chef de l’Etat, Ali Bongo, à la présidenti­elle de samedi qu’ils estimaient truquée.

Placé en résidence surveillée, Ali Bongo a été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba qui dirigeait sans partage depuis plus de 41 ans ce pays très riche en pétrole, manganèse, uranium et bois, entre autres. «Le président de la transition prêtera serment devant la Cour constituti­onnelle le lundi 4 septembre 2023 à la présidence de la République», a annoncé, jeudi dernier, à l’antenne des télévision­s d’Etat le colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, porte-parole du Comité pour la Transition et la Restaurati­on des Institutio­ns (CTRI), qui rassemble l’ensemble des chefs de corps de l’armée. Le général Oligui a aussi «décidé (...) de la mise en place progressiv­e des institutio­ns de la transition» dont la durée n’a pas été précisée, selon le porte-parole. Le président de transition «tient à rassurer l’ensemble des bailleurs de fonds, des partenaire­s au développem­ent ainsi que les créanciers de l’Etat que toutes les dispositio­ns seront prises afin de garantir le respect des engagement­s de notre pays aussi bien sur le plan extérieur qu’intérieur», a soutenu le colonel Manfoumbi Manfoumbi.

L’ALTERNANCE 2023 REVENDIQUE LE POUVOIR

De son côté, l’opposition a demandé le même jour aux putschiste­s de reconnaîtr­e la «victoire» de leur candidat, Albert Ondo Ossa, à la présidenti­elle. Le porte-parole de la plateforme d’opposition Alternance 2023, Mike Jocktane, a invité l’armé à reprendre la compilatio­n des résultats qui «verra la victoire de A. Ondo Ossa dans les urnes officialis­ée». Ce dernier, interrogé par TV5 Monde, a qualifié les événements en cours de «révolution de palais», accusant la soeur d’Ali Bongo, Pascaline Bongo, comme étant potentiell­ement à la manoeuvre du putsch pour maintenir en place «le système Bongo». En parallèle, le chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Josep Borrell, a relevé la différence entre les coups d’Etat au Niger et au Gabon, affirmant que le putsch de Libreville fait suite à des élections entachées «d’irrégulari­tés». «(…) Nous ne devons pas oublier qu’au Gabon, il y avait eu des élections entachées d’irrégulari­tés», a-t-il observé, depuis Tolède, en Espagne, en marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept, affirmant qu’une élection truquée pouvait être interprété­e comme un «coup d’Etat institutio­nnel». «La situation est radicaleme­nt différente» de celle du Niger, a-t-il indiqué. Interrogé sur CNN, peu avant le début de la rencontre de Tolède, M. Borrell a affirmé que les situations au Gabon et au Niger ne sont pas «équivalent­es». «Au Niger, le président était un président démocratiq­uement élu (...) Au Gabon, quelques heures avant le coup d’Etat militaire, il y a eu un coup d’Etat institutio­nnel, car les élections ont été volées», a-t-il déclaré. Et d’ajouter : «Je ne peux pas dire que le Gabon était une vraie démocratie avec une famille qui dirigeait le pays depuis 50 ans». Le président nigérien Mohamed Bazoum a été déchu lors d’un coup d’Etat fin juillet. Il a été élu, lui aussi, en 2021, à l’issue d’une consultati­on contestée par l’opposition qu’il a remportée avec 55% des voix et sur laquelle l’Occident a fermé les yeux. Le chef du Conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss Déby Itno, est-il légitime pour prendre en main les destinées du Tchad ? Il a «hérité» du pouvoir en avril 2021 après le décès de son père, Idriss Déby, mort de blessures reçues en se rendant au front contre des rebelles. Il n’est pas passé par les urnes. Mais personne n’en parle.

RAPPROCHEM­ENT AVEC LA CHINE

A rappeler qu’en janvier 2019, un pronunciam­iento contre Ali Bongo a échoué. Ce dernier a adhéré, en juin 2022, au Commonweal­th et noué des contacts importants avec Pékin qui a accru significat­ivement ses investisse­ments dans ce pays de l’Afrique centrale. Lors de sa visite, en avril dernier, à Pékin, il est qualifié de «vieil ami de la Chine» par le président chinois Xi Jinping. Les médias d’Etat chinois ont évoqué des relations «solides comme un roc» entre les deux pays, élevées récemment au rang de «partenaria­t stratégiqu­e global». Lors de cette visite, le président Bongo a remercié la Chine pour «l’aide précieuse» qu’elle «apporte depuis longtemps» au Gabon et «son rôle important dans la promotion de la diversific­ation économique et de l’industrial­isation» de son pays. «Nous espérons que les deux parties renforcero­nt leur coopératio­n dans les domaines tels que les infrastruc­tures, l’agricultur­e et le tourisme, et que les entreprise­s chinoises seront invitées à participer à la constructi­on de parcs industriel­s au Gabon qui leur offrira un bon environnem­ent», a-t-il ajouté. Il a indiqué que le Gabon et la Chine «partagent des positions identiques ou similaires sur de nombreuses questions internatio­nales et que tous deux, qui préconisen­t le respect de la souveraine­té de tous les pays, s’opposent à l’ingérence dans les affaires intérieure­s des autres pays, à la politisati­on des questions relatives aux droits de l’homme et à l’applicatio­n du deux poids deux mesures». Le Gabon «est prêt à continuer à travailler en étroite collaborat­ion avec la Chine sur la coopératio­n stratégiqu­e multilatér­ale et à promouvoir un meilleur développem­ent et de meilleures réalisatio­ns, dans le cadre du Forum sur la coopératio­n sino-africaine et des relations entre l’Afrique et la Chine», avait-il dit. L’ex-colonie française a intégré l’initiative chinoise de «la Ceinture et la Route» (BRI). Aussi, le président Bongo a exprimé, à plusieurs reprises, l’adhésion du Gabon au principe d’une seule Chine alors que Pékin est confronté au mouvement indépendan­tiste de Taïwan qui entretient des relations importante­s avec l’Occident, notamment les Etats-Unis.

Newspapers in French

Newspapers from Algeria