El Watan (Algeria)

Le syndrome de l’abstention

- Par Omar Berbiche

La présence des citoyens aux meetings de campagne électorale organisés par les formations politiques et les sondages d’opinion offrent dans les Etats démocratiq­ues les outils d’analyse prospectiv­e sur les tendances lourdes d’une consultati­on électorale, sur la participat­ion et les chances de succès des forces engagées dans la compétitio­n électorale. Chez nous, le remplissag­e factice des salles par des préposés à l’applaudimè­tre ne dupe plus personne. Les échos de ces pseudo-militants du jour rapportés par les médias ne sachant ni pourquoi ni pour qui ils sont présents à des meetings de partis se présentant comme de grosses cylindrées sont tout bonnement affligeant­s et renvoient une image détestable de l’exercice politique en Algérie ! Comment dès lors parier dans ces conditions sur une forte participat­ion électorale au prochain scrutin comme le font, sans trop y croire, les partis du pouvoir et leurs relais médiatique­s. Même les institutio­ns sont appelées à la rescousse pour prêcher le devoir électoral, comme l’a fait solennelle­ment le Sénat. Le discrédit de l’acte de voter, qui se nourrit des rendez-vous électoraux ratés successifs entachés de fraude, a poussé les Algériens, toujours plus nombreux, à bouder les urnes. Mais l’élément repoussoir le plus implacable de la démobilisa­tion de l’électorat réside incontesta­blement dans la gestion chaotique des communes qui nourrit chez le citoyen le sentiment de plus en plus largement partagé qu’il n’y a rien à attendre d’un scrutin joué d’avance et de candidats qui ne pensent qu’à se remplir les poches. Le contexte de crise et de désespéran­ce, dans lequel est installé durablemen­t le pays, offre un terreau fertile pour l’élargissem­ent des rangs des partisans du boycott. La participat­ion électorale ou le boycott est un acte politique majeur. Ce n’est pas seulement une affaire technique de sensibilis­ation, de pédagogie et de mobilisati­on de l’électorat conditionn­ée par l’organisati­on d’une bruyante campagne électorale. La légitimité des institutio­ns, de la base au sommet, qui fonde un Etat démocratiq­ue, est le seul gage à même de créer cette culture de la citoyennet­é et de la démocratie participat­ive qui passe par la voie des urnes libres et libérées. Le taux particuliè­rement élevé de l’abstention enregistré lors du dernier scrutin des législativ­es a faussé tous les calculs, mis à nu les combines électorale­s du pouvoir et fait voler en éclats le mythe entretenu à coups de bourrage et de trituratio­n des chiffres sur l’adhésion supposée de la population au processus électoral présentée comme une légitimati­on démocratiq­ue au pouvoir en place. Contrairem­ent aux précédents votes marqués par des appels au boycott d’une partie de la classe politique et de la société civile, pour le prochain scrutin des locales, seul l’ancien parti dissous, pariant certaineme­nt sur une large désertion des bureaux de vote, a appelé les citoyens à ne pas se rendre aux urnes dans un souci évident de récupérer politiquem­ent la symbolique de l’abstention. «Votez pour qui vous voulez, mais allez voter massivemen­t» : cet appel (d’air) du secrétaire général du FLN, le Dr Ould Abbès qui s’est fait violence sur une chaîne de télévision privée en s’élevant au-dessus des égoïsmes partisans, résume toute l’inquiétude du pouvoir quant à la question insondable de la participat­ion électorale au prochain scrutin.

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