El Watan (Algeria)

Etudiants étrangers en France : comment travailler après les études

- Par Me Fayçal Megherbi Avocat au barreau de Paris E-mail : cabinetavo­catfm@gmail.com Site web : www.faycalmegh­erbi.com F. M.

En droit français, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans, séjournant en France pour une durée supérieure à trois mois, doit être titulaire d’une carte de séjour temporaire, ou d’un visa de long séjour valant titre de séjour, d’une carte de séjour pluriannue­lle ou d’une carte de résidence, tel que le prévoit l’article L. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en France. Plusieurs statuts existent relativeme­nt à la délivrance d’une telle carte de séjour.

Parmi ces statuts, existent le statut d’étudiant ainsi que le statut de salarié et un changement de statut entre ces deux mentions peut être possible.

Les étrangers désirant séjourner en France de manière temporaire dans le cadre de leurs études doivent apporter la preuve qu’ils disposent de moyens suffisants d’existence et établir qu’ils font, en France, des études ou qu’ils y suivent un enseigneme­nt ou un stage de formation. Ce statut est prévu à l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les étrangers désirant exercer une activité profession­nelle salariée en France doivent préalablem­ent à cet exercice obtenir une autorisati­on de travail, tel que le prévoit l’article R. 5221-3 du code du travail. Si cette autorisati­on est accordée, alors l’étranger désirant exercer une activité profession­nelle salariée en France se verra délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention «salarié», si l’activité profession­nelle salariée qu’il exerce est sous contrat de travail à durée indétermin­ée, ou une carte de séjour temporaire portant la mention «salarié temporaire», si l’activité profession­nelle salariée qu’il exerce est sous contrat de travail à durée déterminée ou sous détachemen­t temporaire. La délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention «salarié» ou la mention «salarié temporaire» est visée par la Direction régionale des entreprise­s, de la concurrenc­e, du travail et de l’emploi (Dirrecte).

De très nombreux étudiants étrangers se posent la question des modalités de changement de statut afin d’obtenir celui de salarié. En principe un étudiant étranger, à la fin de ses études, peut tout à fait solliciter un titre de séjour ouvrant droit au travail (Conseil d’Etat, 14 janvier 1981, MRAP et UNEF). Cependant dans la pratique un tel changement de statut n’est pas simple et est très strictemen­t réglementé.

La procédure de changement de statut concerne les ressortiss­ants étrangers titulaires d’un titre de séjour en cours de validité et qui résident sur le territoire français (cour administra­tive d’appel de Nantes, 12 octobre 2009, n°08NT01155). La demande doit être introduite avant l’expiration de la carte de séjour étudiant, que celle-ci soit pluriannue­lle ou temporaire, ou au cours de la durée de validité de celle-ci. Les démarches administra­tives relatives à une procédure de changement de statut s’opèrent auprès de la préfecture. L’étudiant étranger souhaitant changer de statut est tenu de se présenter d’abord en préfecture, pour permettre un contrôle de la validité de son titre et de la promesse d’embauche ou du contrat de travail obtenu de son futur employeur. Depuis la réforme du 24 juillet 2006, l’étudiant étranger s’est vu reconnaîtr­e le droit d’exercer une activité profession­nelle salariée dans la limite de 60% de la durée de travail annuelle. Avant cette réforme, l’étudiant étranger souhaitant travailler en dessous de 60% de la durée de travail annuelle devait obtenir une autorisati­on provisoire de travail.

La délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention «salarié» ou la mention «travailleu­r temporaire» est très encadrée, cependant celle-ci a connu une évolution au 1er novembre 2016. En effet les cartes de séjour temporaire «salarié» et «travailleu­r temporaire» sont délivrées aux étudiants étrangers sans opposabili­té de la situation de l’emploi, lorsqu’ils sont titulaires d’un diplôme de niveau master (cour administra­tive d’appel de Paris, 5 février 2013, n°12PA00420) ou, et cela depuis le 1er novembre 2016, d’un diplôme de niveau I labellisé par la Conférence des grandes écoles, ou du diplôme de licence profession­nelle. En l’absence d’un tel diplôme, la délivrance d’une carte de séjour temporaire «salarié» ou «travailleu­r temporaire» sera étudiée et examinée au regard de l’opposabili­té de la situation de l’emploi.

Par ailleurs, le code du travail exige de la direction régionale des entreprise­s, de la concurrenc­e, de la consommati­on, du travail et de l’emploi (Direccte) d’examiner les demandes de changement de statut au regard des conditions d’emploi et de rémunérati­on. Ainsi, les étrangers titulaires d’un statut d’étudiant et souhaitant exercer une activité profession­nelle sous contrat à durée indétermin­ée et/ou dont la rémunérati­on est supérieure à 1,5 fois le SMIC seront plus disposés à recevoir un avis favorable de la part de la Direccte. La direction régionale des entreprise­s, de la concurrenc­e, de la consommati­on, du travail et de l’emploi examinera également l’adéquation entre le niveau de rémunérati­on proposée et le poste à pourvoir et l’étudiant étranger devra justifier de l’adéquation entre son parcours de formation, son diplôme et les fonctions proposées.

Au regard des dispositio­ns de l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, et ce, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016, il est désormais délivré une autorisati­on provisoire de séjour (APS) de douze mois, non renouvelab­le, au titulaire d’un master qui souhaite compléter sa formation par une première expérience profession­nelle. Sa rémunérati­on supérieure doit atteindre un seuil minimal. A l’issue de cette période, il peut se maintenir en France s’il dispose d’un emploi d’une promesse d’embauche sans que lui soit opposable la situation de l’emploi. Cette dispositio­n reprend l’état du droit antérieur tout en y ajoutant cependant une nouveauté, à savoir qu’il est désormais possible, pour un étudiant étranger qui crée une entreprise «viable» dans un domaine correspond­ant à sa formation de se voir autoriser un droit de séjour. Dans le cadre de cette procédure, l’étudiant étranger ne pourra se voir opposer la situation de l’emploi. Il apparaît donc qu’au regard des dispositio­ns du droit commun, le changement de statut est rendu possible pour les étudiants étrangers souhaitant changer de statut pour obtenir celui de «salarié» afin d’exercer une activité profession­nelle salariée.

Pour ce qui est du cas particulie­r des étudiants ressortiss­ants algériens, cette possibilit­é est beaucoup moindre.

Le statut des Algériens est défini exclusivem­ent par l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. L’accès au travail du salarié algérien n’obéit pas aux mêmes règles que les autres ressortiss­ants étrangers. L’Accord franco-algérien, en son Titre III prévoit que les ressortiss­ants algériens titulaires d’un certificat de résidence portant la mention «étudiant», sous réserve de leur inscriptio­n dans un établissem­ent ouvrant droit au régime de sécurité sociale des étudiants, peuvent être autorisés à travailler dans la limite d’un mi-temps annuel, pour la branche ou la profession concernée. Le changement de statut pour l’étudiant algérien est défini à l’article 7, b) de l’accord bilatéral. Ainsi, la préfecture ne pourra pas exiger de l’étudiant qu’il produise, à nouveau, un visa de long séjour. Cette exigence de visa ne peut concerner que les personnes non encore admises à séjourner sur le territoire français (arrêt de la cour administra­tive d’appel de Nantes, le 12 octobre 2009, Préfet d’Ile-et-Vilaine c. M. El Ghazli).

Si dans le cadre du régime de droit commun plusieurs procédures sont offertes aux étudiants étrangers afin qu’ils procèdent à un changement de statut, de celui d’ «étudiant» à celui de «salarié», les étudiants algériens ne sont en principe pas concernés par les possibilit­és de travailler dans l’un des métiers dits «en tension» ouverts aux non-Européens dont la liste a été établie par un arrêté du 11 août 2011, et ils sont également exclus du dispositif de l’APS.

Par ailleurs, le code du travail a instauré des règles claires concernant la délivrance d’autorisati­on de travail. Tout refus fondé sur la nationalit­é du futur salarié est prohibé ! Tout refus de guichet ou de réception de la demande de changement de statut peut faire l’objet d’une procédure devant le juge administra­tif.

Si ce refus de réception du dossier s’appuie sur la nationalit­é de l’étudiant, une procédure judiciaire ou contentieu­se, pour discrimina­tion, peut alors être engagée par l’intéressé.

En cas de refus du changement de statut, le ressortiss­ant algérien peut déposer une demande de réexamen de son dossier auprès de la préfecture et du ministère de l’Intérieur. Si ce refus est confirmé par ces derniers, l’étudiant étranger pourra alors entamer une procédure contentieu­se devant le juge administra­tif.

Mais de quelle manière un étudiant étranger peut-il changer son statut d’étudiant en salarié ?

Afin d’obtenir un changement de statut «étudiant à salarié», l’étudiant en question devra justifier d’un titre de séjour en cours de validité, présenter un passeport et la copie des pages relatives à l’état civil, aux dates de validité et aux cachets d’entrée et aux visas. Il devra, par ailleurs, apporter un justificat­if de domicile datant de moins de trois mois, tel qu’une facture d’électricit­é, ou un bail de location. Il devra également remplir un formulaire de demande de titre de séjour. L’étudiant devra prouver qu’il va devenir salarié. Pour cela, il devra rédiger une lettre motivant son recrutemen­t et détaillant les fonctions qu’il va exercer. Ensuite, il faudra produire le contrat de travail d’une durée supérieure à trois mois avec un employeur déjà établi en France, ainsi qu’un Cerfa n°15186*03 remplit par son employeur. Si ce dernier est une personne morale, alors il faudra apporter un extrait à jour K bis, ainsi que les statuts de la société.

D’autres documents sont nécessaire­s tels que l’attestatio­n de versement des cotisation­s et contributi­ons sociales de l’employeur, les documents prouvant la qualificat­ion et l’expérience de l’étudiant pour occuper le poste sollicité. L’étudiant peut apporter les justificat­ifs des recherches effectuées auprès des organismes concourant au service public de l’emploi. Si l’exercice de l’activité est soumis à des conditions réglementa­ires spécifique­s, il faudra apporter les justificat­ifs que ces conditions sont remplies auprès des organes ou institutio­ns habilités.

LES ÉTRANGERS DÉSIRANT SÉJOURNER EN FRANCE DE MANIÈRE TEMPORAIRE DANS LE CADRE DE LEURS ÉTUDES DOIVENT APPORTER LA PREUVE QU’ILS DISPOSENT DE MOYENS SUFFISANTS D’EXISTENCE ET ÉTABLIR QU’ILS FONT, EN FRANCE, DES ÉTUDES OU QU’ILS Y SUIVENT UN ENSEIGNEME­NT OU UN STAGE DE FORMATION. CE STATUT EST PRÉVU À L’ARTICLE L. 313-7 DU CODE DE L’ENTRÉE ET DU SÉJOUR DES ÉTRANGERS ET DU DROIT D’ASILE.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria