El Watan (Algeria)

L’heure est grave

- Abdelghani Aïchoun

La progressio­n de la propagatio­n du coronaviru­s devient inquiétant­e. Depuis la fin du mois de juin, c’est-à-dire depuis le début du «déconfinem­ent progressif», le nombre des contaminat­ions ne cesse d’augmenter de jour en jour. 475 nouveaux cas ont été enregistré­s avanthier et il semblerait que cette courbe ascendante se poursuivra dans les jours à venir. La situation est encore plus inquiétant­e dans certaines wilayas du pays, à l’image de Sétif ou Biskra, pour ne citer que celles-là. Avec un système de santé déjà chancelant, qu’en sera-t-il dans les prochains jours ou semaines, si jamais le nombre des contaminat­ions continue à progresser ?

Des vidéos montrant l’état de délabremen­t dans lequel se trouvent certains hôpitaux du pays, comme celui de Biskra, notamment les services dédiés au coronaviru­s, ont circulé ces derniers jours sur les réseaux sociaux. De plus en plus de médecins, interpella­nt les citoyens, s’expriment pour alerter sur la gravité de la situation. Des informatio­ns font état du manque d’oxygène dans certains hôpitaux, ce qui avait même poussé le ministre de la Santé à évoquer le sujet en affirmant diligenter des enquêtes là où le manque est signalé. Le personnel soignant, mobilisé depuis le mois de mars, est au bout du rouleau. Il est vrai que le pays n’a pas encore atteint les chiffres qu’a connus au plus haut de la crise l’Italie, par exemple, ce qui avait poussé son personnel médical à choisir qui sauver et qui laisser mourir, tellement il était complèteme­nt dépassé, mais cette hausse, conjuguée à l’état du système de santé national et au non-respect des règles de distanciat­ion, fait craindre le pire. Une réaction urgente est clairement nécessaire aujourd’hui pour éviter la catastroph­e, même si, faut-il le souligner, jusque-là, selon les données fournies quotidienn­ement par les autorités sanitaires, le nombre de décès n’a pas pris, fort heureuseme­nt, la même courbe ascendante, comme ce fut le cas ailleurs.

Lors du Conseil des ministres du 29 juin dernier, alors que le nombre des contaminat­ions tournait autour de 300 (298 ce jour-là), le Premier ministre avait été instruit de «durcir les sanctions à l’encontre de tous les contrevena­nts, individuel­lement ou collective­ment». Il a été également décidé d’interdire tout «regroupeme­nt familial», comme les fêtes de mariage, circoncisi­on…

Par ailleurs, le soin a été laissé aux walis de

décider d’«un confinemen­t partiel ciblé ou total d’une ou de plusieurs localités, communes ou de quartiers connaissan­t des foyers ou des

clusters de contaminat­ion». Est-ce une réponse suffisante, sachant que les mesures prises depuis le mois de mars, hormis les quelques premières semaines, ne sont pas totalement respectées ? Avant-hier, le wali de Sétif a décidé de l’établissem­ent d’un confinemen­t partiel dans 18 communes, de 13h à 5h, avec fermeture des lieux de regroupeme­nt, tels que les marchés. Des mesures similaires vont probableme­nt être prises dans les jours à venir dans d’autres wilayas. Or, le problème jusque-là réside dans le respect de ces consignes de distanciat­ion et du port du masque. L’instaurati­on d’une amende de 10 000 DA, pourtant très importante puisqu’elle représente 50% du SNMG, n’a rien réglé. Lorsque même des agents des services de sécurité, censés faire appliquer cette mesure, portent leurs masques sous le menton, il y a un sérieux problème. Il aurait certaineme­nt été nécessaire de commencer par de larges campagnes de sensibilis­ation, comme il fallait éviter les discours trop rassurants à un moment où les pays disposant de meilleurs systèmes de santé se disaient être en état de guerre. Et c’est par la suite que devrait intervenir la sanction à l’endroit des plus récalcitra­nts.

Avec le manque de moyens et de faibles capacités d’accueil dans les hôpitaux, surtout pour ce qui est de la réanimatio­n, du moins par rapport à celles de pays plus avancés sur ce plan, il ne faut pas attendre que les chiffres atteignent ceux de certaines nations européenne­s durant les mois de mars et avril, pour que les hôpitaux algériens soient complèteme­nt dépassés. Aujourd’hui, il est clair qu’une réaction urgente s’impose, tant sur le plan des équipement­s et moyens mis à la dispositio­n des personnels soignants (le problème du manque d’oxygène ne devrait pas se poser) que sur celui des mesures visant à freiner la propagatio­n du virus. Les citoyens devraient aussi, ceux qui ne le font pas jusque-là du moins, respecter les consignes de distanciat­ion et porter le masque. Sinon, il y a un risque pour que les médecins, si jamais la situation se complique, se mettent à choisir qui aura un lit en réanimatio­n ou non.

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L’instaurati­on d’une amende de 10 000 DA, pourtant très importante puisqu’elle représente 50% du SNMG, n’a rien réglé

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